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Ses interviews / Presse 1990-99 / Elle 1996 |
Repères
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C'est dans la maison de verre bâtie en 1928 par Pierre Chareau que Catherine Deneuve nous présente quelques-unes des dernières créations dYves Saint Laurent. Intemporelles, étonnamment contemporaines, es tenues choisies par Catherine ont fait revenir à sa mémoire les trente années d'amitié qui la lient au grand couturier, depuis le tournage du film de Luis Bunuel, "Belle de jour". Peut-on dire que nous soyons intimes ? Non, c'est plutôt une complicité. Faite de pudeur, d'échanges discrets, d'affection mutuelle, sans mot pour le dire. Yves est quelqu'un d'extrêmement timide. Sans doute n'aurais-je jamais eu l'occasion de le connaître aussi bien si les hasards du tournage de "Belle de jour", le film de Luis Buñuel, qui lui en avait commandé les costumes, ne m'avaient amenée à entretenir avec lui une relation de travail, à travers laquelle j'ai mieux compris sa sensibilité profonde. Il fait partie de ces gens qui ne s'expriment jamais aussi bien, ne sont jamais autant eux-mêmes que dans leur métier. Je parle peu de lui. Il ne dit jamais rien sur moi. Mais on se suit, on s'accompagne depuis trente ans. A la différence d'autres actrices ou personnalités diverses qui sont liées à une maison de couture, aucun accord ne m'a jamais liée en aucune manière à Saint Laurent. J'ai débarqué à 22 ans rue Spontini, où il était alors installé. C'était fin 1965, et j'avais découpé dans ELLE la photo d'une robe de la collection de la saison précédente. Ça a amusé tout le monde, qu'une fille aussi jeune, presque inconnue, se paie une robe de haute couture et, de surcroît, un modèle qui avait déjà près d'un an. C'était un long fourreau de crêpe blanc, avec un plastron brodé rouge, très slave, très pur, très strict, que j'ai porté à Londres pour être présentée à la reine Elisabeth, lors de la Royal Performance. On s'est connus à ce moment-là. Et j'ai continué à aller chez Saint Laurent. Ce qui, pour ma bourse, était alors quelque chose d'absolument déraisonnable. N'oublions pas que le prêt-à-porter n'est venu qu'en 69-70. Je vivais alors avec David Bailey, un photographe de mode à l'il particulièrement exercé. Ce sont mes conversations avec lui qui ont aiguisé mon jugement et m'ont accoutumée à une exigence de qualité telle que la pratiquait Yves, qui n'a pas changé depuis. A l'époque, les filles ne s'intéressaient pas à la couture. Cette année, on a réédité, chez Saint Laurent, le ciré noir et la petite robe que je porte dans "Belle de jour". Avec la folie seventies, ils se sont vendus comme des petits pains. C'est en fait d'une grande modernité. Après "Belle de jour", Yves a fait pour moi les vêtements austères et très sophistiqués de "La sirène du Mississippi", de François Truffaut, ceux de "La chamade", etc. En dépit du temps qui passe, je n'arrive pas à penser à l'homme qu'il est devenu autrement que comme à un garçon, simple, juvénile, perpétuellement émerveillé. D'une gentillesse sans faille. Pas un anniversaire, pas un moment important de ma vie où je ne reçoive des fleurs, un mot charmant d'Yves Saint Laurent. Il aura fallu attendre le lancement de sa ligne de produits de beauté, il y a trois ans, pour que notre union libre devienne un mariage. Un contrat nous a alors liés pour des visuels publicitaires. Rien ne m'a jamais obligée à ne porter que des vêtements Yves Saint Laurent. Mais l'élégance de sa maison, l'une des rares qui soit encore incarnée par une personne, la qualité des gens qui travaillent pour lui, se retrouvent dans les familles de vêtements qu'ils ont fait naître et dont la plupart s'avèrent aujourd'hui encore d'une parfaite actualité. |
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