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Catherine Deneuve joue le jeu de la vérité avec Franz-Olivier Giesbert

Cela fait longtemps que vous êtes considérée comme la plus belle femme du monde. Qu'est-ce que ça vous fait ?
Je ne me suis jamais considérée comme une belle femme. Au début, quand on a 25 ans, on aime bien ce genre de compliment : c'est gai et c'est charmant. Et puis, au bout de quelques mois, on trouve que la couronne est un peu lourde à porter. Quelques années plus tard, franchement, on a envie de la poser, cette couronne (rire).

Qu'est-ce que vous aimez le plus en vous ?
Mes yeux. Encore que je n'en sois pas bien sure. Et puis mes pieds. J'aime bien mes pieds.

Et moralement, quelle est la qualité dont vous êtes la plus fière ?
(Silence) Mon perfectionnisme.

Vous êtes perfectionniste dans le travail ou dans la vie ?
Dans tout.

Comment cela se traduit-il ?
Par une insatisfaction permanente. Je suis insatiable (rire).

Je serais vous, franchement, je crois que je pourrais me contenter de moi-même.
II me semble que l'on peut toujours faire mieux, que rien n'est jamais assez bien, qu'il ne faut pas s'arrêter.

Vous changez tout le temps d'appartement, par exemple ?
Non, mais je fais et refais beaucoup. La nuit, surtout. Je change des tas de choses dans ma tête : ça peut être des objets que je déplace ensuite, ou aussi des trucs plus importants.

Vous vous couchez tard ?
Oui, assez. Deux ou trois heures du matin.

A quelle heure le réveil ?
Neuf heures.

Vous dormez donc six heures par nuit. C'est assez ?
Pas vraiment. Je me rattrape les week-ends. J'ai beaucoup de mal à rentrer dans le sommeil. Une fois que je suis dedans, tout va très bien. Je ne suis pas du tout insomniaque. Mais j'aime trop la nuit et son silence pour me coucher tôt.

Qu'est-ce que vous n'aimez pas chez vous, maintenant ?
(Silence puis sourire) Ma bouche.

Votre bouche ? Pourquoi ?
Parce qu'elle est trop pâle (rire). Je sais me juger, vous savez. Je suis habituée à me regarder comme une autre personne...

...Un objet à vendre ?
Non. Pas du tout. Quand je regarde des photos de moi ou bien des rushes de film, ce n'est pas moi que je vois. J'ai un œil très critique.

Votre plus gros défaut ?
Je suis hésitante. J'hésite tout le temps.

Pour un film ? Pour un homme ?
Pour un film, oui. Pour un homme, non. Jamais.

Vous gambergez beaucoup ?
Oui, beaucoup. C'est embêtant, de gamberger. Ça empêche de penser.

Y a-t-il un moment que vous réservez à la méditation ?
Le soir, avant de me coucher, j'essaie toujours de donner un peu de temps à la réflexion.

Vous priez ?
Non.

Vous ne croyez pas en Dieu ?
C'est une question trop grave pour l'aborder comme ça, en passant. Disons que ma religion n'est pas totalement faite. J'ai reçu une éducation religieuse et j'ai cessé de croire au premier gros chagrin. La cruauté du monde me révoltait. Aujourd'hui, il me semble quand même un peu...

Voilà toute l'ambivalence deneuvienne. Contrairement à tant d'actrices comme Sophia Loren, Michèle Morgan ou Béatrice Dalle, vous incarnez toujours une chose et son contraire.
Ce n'est pas ma faute. Ni la leur. Certaines actrices sont très typées physiquement. D'autres, non. Moi, je suis comme les poupées qui sont à peine dessinées et dont on peut refaire les contours. J'appartiens à la catégorie des gens dont le visage n'est pas marqué. Ce qui permet d'y faire entrer à chaque fois un nouvel imaginaire.

Vous avez un modèle de femme ?
Marilyn Monroe. A cause d'une certaine générosité. A cause d'une certaine lumière aussi. Pour moi, ce n'est pas un idéal féminin. C'est plutôt l'illustration de la grande actrice. Et puis elle est si fragile. Elle est comme une petite caille.

Vous êtes moins fragile ?
(Signe d'agacement) Vous ne me connaissez pas, vous n'en savez rien. Il est sûr que je sais me protéger. Mais, d'un autre côté, je surréagis à certains événements. Il m'arrive parfois d'être dépressive.

Le cardinal de Retz a dit qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son propre détriment. Vous en sortez rarement, finalement ?
Je ne joue pas sur l'ambiguïté. C'est ma nature, vous comprenez. J'aime bien le secret. Pour moi, ce qui est privé, doit le rester. De temps en temps, il m'arrive bien, au détour d'une interview, de dire des choses personnelles. Mais il est rare que je ne le regrette pas. Tout étant amplifié et déformé, je finis toujours par rencontrer des gens qui me disent : "Alors, il paraît que..."

Quand on se dévoile, on perd vraiment de soi ?
Je le crois. C'est comme pour les photos. Elles vous prennent un peu de votre âme.

Vous ne regardez donc pas beaucoup vos photos ?
Non, pas beaucoup.

Mais vous ne pouvez pas échapper totalement à votre destin de star. J'imagine que vous vous regardez souvent dans la glace...
Oui, oui. Mais comme une autre personne, je le répète. C'est à la limite du dédoublement. Disons que c'est plus pour vérifier des choses que pour me contempler. Je n'y peux rien. C'est mon métier qui veut ça.

Vous suivez l'actualité ?
Pas mal, oui. Je lis plusieurs quotidiens par jour. Cela me prend trop de temps. Mais, je m'intéresse à tout ce qui se passe.

Politiquement, on ne sait pas bien où vous êtes. Vous vous situez quelque part ?
Je me situe évidemment quelque part. Mais ça ne regard que moi. J'estime que les acteurs n'ont pas à donner leur opinion sur tout. Je ne comprends pas qu'ils se laissent si facilement étiqueter. Je ne supporte pas non plus ces émissions de télévision où on les interroge sur tous les sujets, comme si leur compétence était sans limite. Je trouve cela choquant et démagogique.

Et si les acteurs disent ce qu'ils pensent ?
Vous savez bien qu'ils veulent d'abord être aimés. Question de nature. C'est pourquoi, dans ce genre d'émissions, ils vont inconsciemment dans le sens du courant. D'où, parfois, cette indigestion de trop bons sentiments.

Vous ne faites jamais ce genre d'émissions ?
Je les évite systématiquement.

Quel genre de questions n'aimez-vous pas que l'on vous pose ?
Celles-ci : "Est-ce que vous vivez avec un homme en ce moment ?" ou : "Etes-vous heureuse ?" Je n'aime pas les questions indiscrètes et anodines. Je préfère, à tout prendre, les questions plus choquantes et dérangeantes. Mais je me réserve toujours le droit de ne pas y répondre. Quand je m'explique trop longuement et trop en détail, j'ai parfois l'impression de me perdre et de me dissoudre.


JEAN-PAUL RAPPENEAU : "UNE FEMME ÉNERGIQUE"

En 1965, pour mon premier film, "La vie de château", je cherchais une comédienne vive et rapide. J'avais pensé à Françoise Dorléac, alors plus connue que sa sœur Catherine Deneuve. Hélas, très fantasque, elle ne venait pas à mes rendez-vous. Ça m'a agacé. A la sortie des "Parapluies de Cherbourg", ma productrice m'a suggéré Catherine. Je n'étais pas emballé car je me demandais si cette femme que l'on disait calme et sage pourrait jouer ma comédie. Bien m'en prit de m'entêter car Catherine fut extraordinaire. A tel point que dix ans plus tard quand j'ai voulu faire un film trépidant, "Le sauvage", j'ai immédiatement pensé à elle. Dans ces deux histoires, elle fut une vraie tornade, possédant un éclat et une beauté inouïs. Car elle est tout le contraire de la femme placide qu'on imagine. En elle se cache un turbo. A tel point que dans les poursuites du "Sauvage", elle courait si vite que Montand ne pouvait pas la rattraper. S'il fallait la définir, je dirais qu'elle correspond à l'image idéalisée que j'ai de l'héroïne française. Elle pourrait jouer des héroïnes de Balzac, Stendhal, Proust et Giraudoux, sans problème. Elle est la star blonde française comme Isabelle Adjani est la star brune. Je caresse même le rêve de les faire tourner dans le même film. Mais met-on deux crocodiles dans le même marigot ?

ROMAN POLANSKI : "UNE FEMME PUDIQUE"

Je ne me souviens plus de ma première rencontre avec Catherine. Ce devait être en 1960, au temps où elle vivait avec Vadim, pendant le tournage des "Parapluies de Cherbourg". Par la suite, je l'ai revue à Paris. Nous nous aimions beaucoup. Quand m'est venue l'idée de "Répulsion", j'ai songé à elle. Sa personnalité, sa beauté, et sa façon de jouer me plaisaient. Disons-le, j'étais déjà un de ses admirateurs. Travailler avec elle fut une rencontre dont je me souviens avec nostalgie. Elle s'est mise entre mes mains, attendant chaque jour mes suggestions, me regardant comme un élève regarde un professeur en qui il a confiance. Notre seul différend eut lieu au cours d'une scène déshabillée. Elle portait, sous une chemise de nuit transparente, une culotte que je voulais qu'elle retire par souci de vérité. Elle était très gênée car c'était la première fois que cette femme pudique se dévoilait. Ce n'est pas à moi de dire si "Répulsion" fut un tournant de sa carrière, mais on l'a dit. Quant à son image d'actrice glacée, je crois qu'il s'agit chez elle d'une apparence, d'une protection. J'aimerais retravailler avec Catherine même si faire un film avec un acteur qu'on connaît est difficile.

JEAN-PIERRE MOCKY : "UNE FEMME SIMPLE"

Jusqu'à " Agent trouble ", en 1986, je n'avais jamais travaillé avec Catherine Deneuve. Je trouvais qu'elle avait trop cette image de mannequin intelligent symbolisant la Parisienne, image qu'on voit sur les couvertures des magazines comme "Femme". De son côté, Catherine refusait les contre-emplois. Elle avait même repoussé le rôle de Jeanne Moreau dans Le Miraculé - une ancienne pute rousse qui fait des gâteries à Michel Serrault - que je lui proposais. Pour "Agent trouble", qui était une histoire à la Hitchcock, elle changea d'avis. Ne voulant pas qu'elle apparaisse comme un double de Grace Kelly, je l'ai transformée en vieille fille à lunettes, mal habillée et sexuellement bloquée. Pourquoi a-t-elle accepté ? Parce qu'elle veut changer d'emploi, parce qu'elle tient à prouver qu'elle peut jouer n'importe quoi. D'autant qu'en privé, Catherine Deneuve est loin de ressembler à son image d'actrice glacée : mère célibataire, libre, franche, dénuée d'hypocrisie, pleine d'humour, elle s'assume, ne fait jamais de caprices et n'a rien de la star qui se pomponne des heures durant. C'est une femme simple qui ne se nourrit pas que de pamplemousses mais mange de la tête de veau et boit de la bière. La preuve qu'elle change, c'est que nous tournerons de nouveau ensemble, l'année prochaine, avec Jack Nicholson. Elle interprétera une femme tondue à la Libération, portant un monocle et habillée comme Marlène Dietrich dans "L'ange bleu".

Deneuve cette inconnue


Par : Franz-Olivier Giesbert
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Film associé : Aucun



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