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Eternelle Deneuve, divine Catherine

Cinquante ans après sa création, le Festival de Cannes n'est pas seulement la fête du cinéma mais la consécration d'une histoire d'amour entre le public et les stars. Star entre toutes, Catherine Deneuve a donné à "Femme" l'exclusivité de tous ses souvenirs de la Croisette. Mais elle nous offre aussi son éclat d'aujourd'hui : nouveau look, nouvelles photos, nouveaux rôles.

Catherine Deneuve est arrivée au bar du Lutétia avec quelques minutes de retard et le pianiste s'est mis à jouer la musique des "Demoiselles de Rochefort". Un monsieur s'est approché d'elle pour lui dire que, depuis "Les parapluies de Cherbourg", il l'avait toujours aimée.

C'est étrange, après toutes ces années, les gens me parlent encore de ce film…

Quelle image aviez-vous de Cannes avant d'y aller ?
Aucune ! Bien sûr, j'imaginais des cocotiers, quelque chose de très méditerranéen, mais la Côte d'Azur n'est pas vraiment mon lieu de prédilection ! Vous savez, j'ai commencé à faire des films très jeunes, et la première fois que je suis venue sur la Croisette j'avais vingt ans. C'était pour "Les parapluies de Cherbourg". A quinze ans ce n'est pas Cannes qui me faisait rêver mais plutôt les films. D'ailleurs, j'ai toujours un sentiment mitigé à l'égard du Festival, aussi bien au niveau des impressions que des souvenirs. C'est toujours une épreuve importante… Bien sûr, cela peut être très gai, mais c'est aussi beaucoup de stress. Pendant quarante-huit heures, vous êtes là comme un papillon épinglé dans la lumière, et dès que le film a été présenté, c'est fini. Le rideau tombe… Le jour ou vous n'êtes plus là, c'est comme si vous n'étiez plus sur scène, mais en coulisses. Vous n'existez plus !

C'est dur à vivre, cet instant de solitude ?
Non, c'est l'effervescence qui est compliquée à supporter. La solitude, ça fait partie de la vie. Mais malgré ces quelques réticences, ma présence a émaillé de nombreux festivals.

Cannes, c'est un rôle de plus pour une actrice ?
Non. C'est un rôle de base qu'il faut assumer. Non seulement il faut tenir toutes ces promesses, mais en plus il faut surprendre. La devise de Cannes, c'est "Etre, paraître et avoir l'air". Mais la première fois, c'est fort probablement.

Recevoir un prix d'interprétation au festival de Cannes, c'est la plus belle récompense qu'une actrice puisse obtenir ?
Ce n'est pas de la modestie, mais je préfère être dans un film qui gagne la Palme d'Or ! C'est symbolique de cette harmonie qu'il y a entre un sujet, un metteur en scène, des acteurs…

Que ressentez-vous lorsque vous arrivez en limousine en bas des marches ?
Un grand stress ! Dans cette voiture, on est un peu enfermé comme dans un aquarium. Autour de vous, il y a des gens à la fois adorables, admiratifs mais aussi parfois un peu étranges qui vous observent. De l'hôtel Majestic, le trajet ne dure pas plus de dix minutes, il paraît quand même très, très long. Entre la peur, l'émotion et le plaisir, il n'y a rien à faire mais on sent battre son cœur...

Après "Les Parapluies", vous êtes revenue, en 70, pour "Tristana" de Luis Buñuel. Il y avait un drôle d'écart entre les deux rôles...
Oui. C'est un très beau film. Je ne sais même plus si Buñuel était sur la Croisette... En trente ans, je suis allée tellement de fois à Cannes que parfois tout se mélange. (Silence.) Je suis même étonnée d'être encore là, qu'il n'y ait pas de phénomène de lassitude. Ma relation à Cannes est identique à celle que je pouvais avoir autrefois. Ce sont les mêmes appréhensions, les mêmes inquiétudes... Ce cœur qui s'emballe est également le même qu'autrefois.

De "Tristana" aux "Voleurs", vous êtes souvent allée à Cannes avec des rôles provocants...
Oui. Mais plus que de la provocation, j'avais envie de découvrir certaines choses. Il y a des personnages qui vous rendent curieuse... Par jeu, je peux provoquer en paroles, mais je ne vais jamais plus loin. Cela peut être positif de déranger les gens pour qu'ils réagissent.

En 79, vous présentiez "A nous deux" de Claude Lelouch, avec Dutronc...
On s'était assez bien entendus avec Jacques... On n'avait pas la même forme de timidité, mais on se comprenait.

En 83, vous avez provoqué une véritable émeute aux marches du Palais en présentant "Les prédateurs" de Tony Scott...
C'est l'année où le nouveau Palais a ouvert ses portes. Il y avait une telle bousculade que j'ai failli être écrasée... C'était tellement horrible que la femme du producteur a eu un accident cardiaque. Depuis, les organisateurs ont refait l'escalier !

Vous étiez heureuse d'incarner une déesse immortelle ?
Cela me plaisait surtout de jouer un vampire ! C'est très érotique. Dans leurs baisers de sang, il y a quelque chose à la fois de sensuel et de très sexuel.

En 85, tous ceux qui avaient joué avec François Truffaut sont venus lui rendre hommage...
Je ne sais pas si François aurait beaucoup aimé ça. C'était quelqu'un de très privé, dans sa vie comme dans ses relations avec les acteurs et les actrices. Il ne voyait les gens qu'en tête-à-tête. Il n'aurait pas aimé ce générique. (Silence).

En 86, pour "Le lieu du crime", vous braviez la foule dans un beau tailleur rouge...
Un an après, pour accompagner Yves Montand, j'avais aussi choisi une robe rouge. C'est une couleur parfaite pour Cannes. D'ailleurs, s'il n'y avait qu'une seule bonne chose à garder, ce serait une robe rouge pour monter les marches. C'est très théâtral, mais il faut au moins ça pour affronter la scène de Cannes.

L'année où Montand était président du jury, vous avez soutenu Maurice Pialat qui recevait la Palme d'or sous des sifflets...
Malgré ma timidité, je n'avais pas hésité à prendre la parole pour le défendre. On ne donne pas un cadeau et une gifle en même temps. Face à cette réaction tellement grossière, Pialat a eu cette déclaration d'amour magnifique : "Si vous ne m'aimez pas, je ne vous aime pas non plus..." Le public de Cannes est très dur. Il est chez lui. Tout est à lui. Etre huée est une situation qui ne me ferait plus aussi peur qu'avant. Galvanisée par la gifle que l'on reçoit, on doit trouver en soi un courage particulier pour répondre... C'est la même année que Marcello a reçu le prix d'interprétation pour "Les Yeux noirs", où il était formidable. Il est venu et reparti. Il était ému mais, comme à chaque fois, il a eu cette élégance de faire ça à la fois avec sincérité, chaleur et désinvolture...

C'était symbolique, pour vous, de monter les marches avec votre fille Chiara pour "Ma saison préférée" ?
J'étais contente pour elle, parce que c'était son premier film, mais je ne suis pas attachée à ce genre de signe. Avant tout ça, il y avait surtout eu sa décision de faire du cinéma, celle d'André Téchiné de lui faire passer des essais et de la choisir après l'avoir auditionnée. Nous ne pouvions pas faire autrement que d'être photographiées ensemble, mais certains imbéciles ont raconté que, par rivalité, je faisais tout pour ne pas être à côté d'elle. C'est ridicule ! Quelle mesquinerie de pouvoir imaginer qu'une mère peut être jalouse de sa fille, c'est... Je ne relèverai jamais une chose pareille. Quand, l'an dernier, je les ai accompagnés, avec son père, pour le film de Raoul Ruiz, je n'ai pas fait de photo, mais j'étais là en coulisses. C'était beau de les voir ainsi réunis. Chiara avait besoin que je sois à côté d'elle, mais certainement pas devant elle. Dans ces moments-là, mon aspect protecteur peut rejaillir, mais elle est préparée à ce genre de situations...

Quel souvenir gardez-vous de votre vice-présidence du jury aux côtés de Clint Eastwood ?
J'avais des réticences, et cela m'a bien confirmé toute l'injustice qu'il pouvait y avoir dans une remise de prix. Avec Eastwood, on avait des rapports à l'américaine, très clairs, très nets. Pas un mot plus haut que l'autre. Ce qui a été très pénible, c'est tout ce qui s'est écrit après la proclamation du palmarès. On a dit que j'avais manipulé le jury... Alors, j'ai essayé à ma manière de rectifier une telle injustice. Qu'on ait pu croire que j'avais un sentiment de mesquinerie par rapport à une autre actrice, c'est insupportable ! J'ai réagi parce qu'il y a des journalistes, surtout des femmes, qui ont parlé du pouvoir que j'aurais pu utiliser pour écarter du palmarès "La Reine Margot " avec Isabelle Adjani. C'est nul. De toutes façons, je savais qu'en bien ou en mal on serait jugé...

Si vous aviez un conseil à donner à Isabelle, qui va être présidente...
Jamais de conseils, jamais... Sauf si on vous en demande...

Comment la jeune actrice des "Parapluies de Cherbourg" verrait la star que vous êtes devenue ?
Elle dirait quelle a appris beaucoup de choses, mais que cela n'a rien changé. L'émotion l'emporte sur l'expérience. Cela reste quelque chose d'instantané, de fulgurant. Ce n'est jamais pareil. Et puis, le cœur bat quand même. Le cœur bat toujours...

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Par : Thierry Klifa
Photos : SYGMA


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