Ses interviews / Presse 1990-99 / Le Figaro Magazine 1998
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Le sacre d'une actrice mythique

Elle vient d'obtenir un prix d'interprétation à Vense pour son rôle dans "Place Vendôme", de Nicole Garcia, qui sort le 7 octobre. On la verra bientôt dans le dernier film de Leos Carax. Il se dégage d'elle une impression de force, de détermination. Pas l'ombre d'une lassitude. Elle triture nerveusement la bande qui entoure sa main gauche : une blessure sans gravité. Dehors, sur cet aérodrome désolé de la banlieue parisienne, il pleut. Elle tourne "Belle-maman", sous la direction de Gabriel Aghion. Elle est belle, aimable, détendue. Elle répond aux questions sans détour. Franchement, Catherine Deneuve est épatante.

Qu'éprouve-t-on lorsqu'on reçoit un prix d'interprétation ?
Quelque chose d'assez jubilatoire et d'éphémère. On est à la fois heureux d'être distingué et en même temps c'est un peu déstabilisant d'être la seule à recevoir une récompense... Je dis ça, mais les acteurs sont toujours tellement portés sur leur personne !

Avez-vous encore quelque chose à prouver ?
Un prix, cela prouve que par rapport à un personnage, un rôle, un film, on ne s'est pas trompé, qu'on a tenu sa promesse jusqu'au bout. Et puis c'est une satisfaction, un plaisir. Je ne sais pas quel effet ça m'aurait fait il y a quinze ans. En tous les cas, je ne prends pas ça avec désinvolture. Je ne suis pas blasée.

"Place Vendôme" se déroule dans le milieu luxueux de la joaillerie. Vous aimez les bijoux ?
Oui. J'aime les pierres au sens minéral ; j'aime beaucoup les diamants. C'est tellement fort, à la fois transparent et totalement dur. Résistant. J'aime les toucher, les voir. J'ai rapporté de Chine une pierre d'eau, que je conserve depuis dix ans dans une coupe d'eau que je change très régulièrement. Elle est supposée grossir. On dirait un petit animal. J'ai aussi une météorite, un morceau de lave noire de Tenerife. Je les regarde, je les prends dans mes mains.

Jouer une femme délaissée, brisée par l'alcool, n 'est-ce pas un pari risqué ?
Jouer ce rôle m'a fait très peur. L'acoolisme et la folie pour une actrice sont des tentations faciles. Je craignais de tomber dans les clichés. Je sentais que je ferais quelque chose de juste si physiquement on sentait ma vulnérabilité. Pas de maquillage. J'avais confiance en Nicole Garcia. Je savais qu'elle n'utiliserait que ce qui servait le personnage. Les visages démaquillés sont toujours plus émouvants.

Un acteur qui boit, c'est fréquent ?
Les acteurs ne peuvent pas se permettre une telle dérive. Ils peuvent avoir des cuites, une période comme ça, mais ça ne peut pas durer longtemps, sinon c'est très vite fini pour eux.

Une actrice, ça vieillit bien ?
Je trouve que je ne suis pas tellement vieille pour mon âge. Et puis, en me voyant dans la peau d'une femme alcoolique, on pensera peut-être que j'ai eu du courage, que je suis gonflée. De toute façon, le temps ne joue pas pour moi. Autant accepter et choisir des rôles qui me correspondent.

Vous arrive-t-il d'être jalouse de femmes plus jeunes ?
Ça ne fait pas partie de mon caractère. Je ne suis pas jalouse des femmes. Très fataliste pour ça. Je ne les vois pas comme des rivales. La vie est pleine d'appâts et d'intérets, si une femme est séduisante et qu'un homme tombe sous le charme, eh bien...

La nostalgie ne vous guette pas ?
Quand il faut se lever le matin très tôt et faire preuve d'une certaine vivacité, parfois je me dis que... Mais non. J'essaye de m'y faire, même si c'est très difficile de se voir changer. Je crois que c'est pire pour les hommes parce qu'on n'en parle pas. Mais toutes les femmes qui disent que ça ne les emmerde pas de vieillir sont des menteuses.

Au fil des rôles, on apprend à mieux se connaître ?
L'être humain est tellement mystérieux. On ne se connaît jamais vraiment, tout compte fait. Je sais que je n'en ai pas encore fini avec moi-même. Et puis il y a des choses auxquelles on n'a pas envie de faire face. Les acteurs sont tellement habitués à .se regarder, c'est peut-être un moyen d'échapper à soi-même. On vit beaucoup trop avec soi-même.

Dans le film, un personnage - une Libanaise - déclare que dans son pays, une femme qui n'a pas d'enfant est un monstre. Cela vous choque-t-il ?
C'est une Orientale. Les femmes qui ne veulent pas avoir d'entant, ça m'attriste toujours un peu. Il y a quelque chose qui a manqué. C'est tellement enrichissant. N'en déplaise a Simone de Beauvoir, être mère procure physiquement une émotion particulière.

Et être grand-mère ?
Qu'est ce que ça veut dire d'être grand-mère ? Aujourd'hui, les femmes travaillent, et moi encore plus. J'aimerais avoir davantage de temps pour pouvoir faire ce que les grands-mères faisaient autrefois, mais je n'y parviens pas réellement. En revanche, je trouve absolument adorable d'avoir un bébé à la maison.

Votre fille, c'est vous en plus jeune ?
Je suis très proche de ma fille. Mais elle a une personnalité à part. J'essaye de lire ce qu'elle va devenir, ce vers quoi elle va aller.

La famille, ça compte beaucoup pour vous ?
Je suis très proche de ma famille. C'est un noyau assez fort, une famille très soudée. Pas un clan, car elle reste ouverte. Puis il y a les amis, pas forcément dans le cinéma.

On vous décrit souvent comme quelqu'un de froid. Il vous arrive de crier ?
Comme tous les gens qui se contrôlent pas mal, il m'arrive de crier. Nerveusement. Les enfants ont sûrement des souvenirs de certaines scènes. Des choses assez violentes dans les mots et dans la gravité. Oui, je peux être violente.

Vous avez répondu à beaucoup d'interviews. Avez-vous beaucoup menti ?
Non. J'ai caché des tas de choses, mais je n'ai pas menti. Enfin, j'ai dû quand même mentir quelquefois, si, mais pas sur des points importants. Il y a des choses négatives que je n'aime pas dire sur les gens. Je me suis tue par politesse, mais je n'ai jamais dit le contraire de ce que je pensais. Et puis avec le temps, on ment de moins en moins.

Il y a beaucoup d'actrices qui passent. Comment faites-vous pour durer ?
Je ne connais pas l'alchimie, ni le secret. Il y a trop de paramètres : ce que l'on est, les choix que l'on a, ceux que l'on fait, la préservation de sa vie personnelle. Ce n'est pas vraiment un calcul. Faire durer une carrière ne passe pas uniquement par votre désir, mais aussi par le désir des autres. Je ne suis pas sure d'avoir envie de savoir vraiment pourquoi je suis encore là.

II y a beaucoup de choses que vous n'avez pas envie de savoir ?
Quand on sait qu'on dépend du désir des autres, on n'a pas envie de s'appesantir et de prendre le risque d'être paralysé. Il faut essayer de suivre son instinct. C'est un métier où on a encore la possibilité de l'exercer.

Vous ne détestez pas faire des choix qui surprennent ?
Il est important de ne pas être fixé dans une case. Il faut pouvoir continuer à étonner. L'usure est alors peut-être moins grande. Mais c'est surtout pour satisfaire ma propre curiosité que je fais certains choix.

Vous vous souvenez de votre premier film ?
Oui. C'était "Les portes claquent"… En 1960. avec ma sœur. Il y a presque quarante ans, c'est fou !

Vous trouvez naturel d'être encore sur le devant de la scène ?
Ce qui m'émerveille, c'est de voir que les gens m'aiment. C'est très réconfortant. Je vois bien qu'ils m'aiment. Ça ne peut pas laisser indifférent.

Les jeunes notamment ?
Oui, je ne suis pas seulement une actrice des années 70. Peut-être parce que certains de mes films - "Les demoiselles de Rochefort", "Peau d'âne" - ressortent régulièrement.

Et aussi parce que vous tournez avec de jeunes réalisateurs...
Je vis beaucoup avec des gens plus jeunes que moi. C'est très stimulant. Que ce soient Leos Carax, Xavier Beauvois, Arnaud Desplechin, Philippe Garrel, Laetitia Masson : leur énergie, leur curiosité, leur personnalité m'intéressent. Quand je suis avec eux, je n'ai pas la notion d'âge, je ne me sens pas comme une grande personne parlant à des enfants. Je ressens une curiosité pour ce qu'ils font, pour ce qu'ils sont.

Vous séduisez même les rappeurs ?
J'ai rencontré Stomy Bugsy sur le tournage de "Belle-maman". Il m'a trouvée plus juvénile qu'il ne s'imaginait. Pour lui, je n'avais pas d'âge.

Vous êtes belle comme une image ?
En mouvement. Je crois que je bouge tellement vite que les gens arrivent à penser que je ne bouge plus du tout. Je suis comme projetée dans l'espace, étemellement vivante. En fait, je ne suis pas jeune mais je ne suis pas vieille. Et puis les acteurs vieillissent moins vite que les autres. C'est un métier où l'on joue. Mais est-ce le but de rester jeune ? Il serait surtout bien de rester en forme. J'aimerais mourir en bonne santé, le plus tard possible évidemment.

Vous et votre image, vous vous entendez bien ?
Je suis sure que parfois mes choix sont influencés par la volonté de casser mon image. Je ne veux pas être étranglée. Je me méfie beaucoup de mon image : elle n'est pas ma meilleure amie.

Vous n'avez jamais eu peur des lendemains ?
Je ne pense pas beaucoup aux vrais lendemains. Je ne suis pas une femme très prévoyante, très prudente. Je suis à la fois anxieuse et insouciante.

Comment tout cela se terminera-t-il ? Sur scène ?
C'est le cauchemar que je fais le plus souvent. Je suis sur scène - je n'ai jamais été au théâtre - et je ne connais pas mon texte. Peut-être que cela s'achèvera ainsi. Mais je n'en suis pas sure.

Au cinéma, vous manque-t-il encore quelque chose ?
Au cinéma on dépend beaucoup des gens. J'adore le travail d'équipe et en même temps il existe cette frustration de savoir que ce n'est pas forcément le meilleur de vous-même qui va rester. Ce qui me plairait, c'est que chacun puisse donner au même moment son maximum. J'aimerais aussi qu'on me laisse la possibilité de poursuivre mes choix librement, continuer à tourner avec Garrel, Wargnier, Jacquot. Je me sens comme un instrument, j'aime l'idée d'évoluer dans une petite formation comme dans un grand orchestre.

"Quand je n 'arrive pas à trouver le sommeil, j'imagine ma vie sans toi : et là je m'endors". C'est ce que dit l'héroïne de "Place Vendôme" à l'homme qui l'a fait souffrir. Vous souscrivez ?
Il y en a toujours un qui aime plus que l'autre. II y a des relations où j'aurais aimé souffrir moins, des chagrins que j'aurais aimé ne pas avoir.

Vous êtes rancunière ?
Non, mais je n'oublie pas. Très difficile d'oublier. En revanche, pardonner je peux.

Y a-t-il des choses que vous n'avez jamais avouées ?
A la presse ? Evidemment.

Un défaut qui vous a permis de tenir ?
Sûrement. Je ne dirai pas lequel. Certaines personnes le considèrent comme une qualité.

La nouvelle idole des jeunes

Par : Laurence Haloche et Bertrand de Saint Vincent
Photos :


Films associés : Place Vendôme, Belle-maman



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