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Traduction de l'interview accordée au magazine "The Advocate" en 1995
Interview originale en anglais

Vous êtes-vous déjà exprimée dans la presse gay auparavant ?
Et bien, à Paris une fois, j'ai fait quelque chose pour l'association Act-up afin de collecter de l'argent pour la lutte contre le Sida. Mais je n'ai pas donné d'interview. C'est la première fois que je m'exprime dans la presse gay.

Pour une belle actrice, avoir des admirateurs - gays ou hétéros - n'est pas un phénomène nouveau. Vous vous êtes distinguée en ayant non seulement des admirateurs mais aussi des admiratrices, homosexuelles ou hétérosexuelles. Comment interprétez-vous cela ?
Je ne sais pas vraiment. Je pense que dans certains films que j'ai fait, j'ai plus ou moins dupé certaines personnes - peut-être gay ou lesbiennes - afin qu'ils se sentent plus proches de moi que d'autres actrices. Bien sûr, il est vrai que j'ai travaillé sur des films que d'autres actrices n'auraient pas fait.

Aimez-vous les femmes en général ?
Oui, j'aime les femmes. Je me sens très proche d'elles. J'ai toujours beaucoup soutenu les intérêts des femmes. J'ai signé la charte pour l'avortement en France en 1972 et j'ai pris position concernant l'avortement à une époque difficile. Je suis triste qu'une fois encore l'avortement redevienne très suspect. Je trouve ça incroyable. Je pense que toutes ces choses ont donné aux femmes une image de moi qui est différente de celle des autres actrices.

Pensez-vous que votre rôle dans "Belle de jour" - où vous avez une double vie, prostituée le jour à l'insu de votre mari - interpelle certains gays et lesbiennes qui cachent au monde une partie de leurs vies ?
Oui, je peux le comprendre. Les gens sont très fascinés par cet aspect du film. Je suis une personne très secrète, et je pense que cela m'aide plus ou moins à maintenir cette image de moi menant une double vie secrète.

Dans "Belle de Jour", la patronne du bordel interprétée par Geneviève Page en pince apparemment pour vous. En fait, vous l'agrippez et essayez de l'embrasser à un moment. Cela a-t-il causé un engouement pour vous de la part des lesbiennes lorsque ce film est sorti en 1967 ?
Non. Cela n'a pas commencé avant que j'ai fait "Les prédateurs". Je pense que c'est parce que la scène d'amour entre les deux femmes était si belle dans "Les prédateurs". Je pense que Tony Scott, le réalisateur, a fait un film si beau visuellement, particulièrement à cette époque, parce que c'était une histoire de vampire. J'adore les histoires de vampire. C'est pourquoi j'ai tourné le film. Les femmes étaient particulièrement touchées par le film - encore plus lorsqu'il est sorti en vidéo. Elles me demandent toujours de signer sur la jaquette de cette vidéo.

Susan Sarandon a donné une interview au magazine gay américain "The Advocate" en 1991, et elle disait que la presse lui demandait sans arrêt si elle avait dû se saouler pour coucher avec vous. Elle leur a répondu que c'était ridicule. Pourquoi quelqu'un devrait-il être saoul pour coucher avec Catherine Deneuve ?
(Rires) Oh, oui, je ressens la même chose pour elle. La relation que j'ai eu avec Susan Sarandon était excellente, et je pense que cela s'est ressenti à l'écran. On peut le sentir. Il y avait quelque chose de très naturel entre nous. C'est une femme très chaleureuse. C'était un tournage très long, et aucune de nous n'était dans son propre pays, alors nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Après, nous nous sommes vues et nous nous sommes écrit. Nous avons gardé un lien. J'ai une photo de ses enfants chez moi. Elle est toujours dans mon esprit et dans mon cœur. Je pense également que la scène que nous avons faite était très sophistiquée et très belle. Je crois que c'était une image très idéale de deux femmes ensemble, une très bonne chose concernant l'homosexualité dans les films.

C'est très intéressant que les lesbiennes ayant vu "Les prédateurs" ne se soient pas - du moins à cette époque - attachées à Susan Sarandon comme elles se sont attachées à vous.
Je ne sais pas pourquoi, mais c'est vrai.

Vous n'interprétiez même pas une lesbienne. Vous interprétiez un vampire.
Oui, mais même à cette époque, quand le film est sorti, je pouvais sentir dans les interviews que les femmes ne le voyaient pas de cette façon. Elles ne me considéraient pas comme un vampire. J'étais devenue un symbole pour les lesbiennes.

Avez-vous déjà entendu l'expression "lesbian chic" ?
Non. Oh, vous voulez parler des lesbiennes qui sortent aussi avec des hommes ?

(Rires) Euh, non, mais qui sait ? Cela pourrait devenir chic aussi. Je suis sure que chaque lesbienne vous donnerait une définition légèrement différente, mais cela fait référence au mouvement qui a commencé dans les années 80, quand les lesbiennes ont consciemment récupéré certaines des choses qui étaient associées aux femmes hétérosexuelles. Des choses comme la mode, le maquillage, la féminité en général.
Oh, oui, maintenant, je vois ce que vous voulez dire.

Pensez-vous que vous avez pu accidentellement aider à créer une première image du "lesbian chic" dans l'esprit des lesbiennes parce que vous êtes très belle et féminine et que vous avez fait une scène érotique avec une autre femme ?
Il est vrai qu'avant "Les prédateurs", l'image de la lesbienne au cinéma était toujours très masculine. Elle devait s'habiller comme un homme. S'il devait y avoir une femme qui aime une autre femme, alors elle devait ressembler à un homme. "Les prédateurs" véhiculait des images très fortes de belles femmes, alors peut-être est-ce vrai. Tout à coup, il y avait une femme ressemblant à une femme et aimant les femmes. Oui, j'ai montré qu'on pouvait être belle et être une lesbienne.

Quand une actrice joue une propriétaire d'une plantation de caoutchouc, comme vous l'avez fait dans "Indochine", personne ne lui demande si elle est vraiment propriétaire d'une plantation de caoutchouc. Mais quand une actrice joue une scène de séduction avec une autre femme, comme vous l'avez fait dans "Les prédateurs", tout le monde veut savoir si elle est lesbienne.
N'est-ce pas ! Je crois que tout ce qui a un rapport avec la sexualité intéresse beaucoup les gens. Quand vous travaillez sur le côté sexuel d'un personnage, les choses deviennent très compliquées. Quand vous devez toucher et embrasser quelqu'un dans un film, ce n'est plus quelque chose qui appartient au personnage. Cela vous appartient, parce que c'est une continuation de votre moi physique, de votre désir. Certaines personnes tombent amoureuses de leur partenaire à l'écran et ressentent des choses qu'elles n'auraient jamais imaginées pouvoir ressentir envers ce partenaire parce qu'ils sont en contact physique. Je peux connaître un acteur depuis des années, et puis nous jouons dans un film ensemble avec une scène d'amour, et je suis stupéfaite. Ce n'est pas forcément quelque chose de sexuel, mais c'est le fait de toucher, d'embrasser et d'être pris physiquement par quelqu'un - parce que l'on ne se touche pas comme ça dans la vie réelle, à moins, bien sûr, d'être amants.

Donc on vous a interrogée sur votre sexualité après "Les prédateurs" ?
Oui, il y a eu beaucoup de questions. Dans le film que je viens de finir avec André Téchiné, "L'enfant de la nuit" ["Les voleurs"], j'interprète un professeur qui tombe amoureuse de son élève, une élève.

Je suis très contente d'entendre cela, parce que je me demandais si vous oseriez interpréter un autre rôle romantique avec une femme après "Les prédateurs".
Et bien, vous êtes la première personne à qui je dis cela. Et c'est très important pour moi d'en parler parce que si je dis que je tourne un film dans lequel j'interprète un professeur, il n'y aura pas beaucoup de questions. Si je dis que je vais jouer une scène d'amour avec une autre femme dans laquelle on s'embrassera et on se touchera, et bien tout à coup, cela ne concerne plus le film. C'est propre à moi. Ce n'est plus le rôle mais l'actrice. Ce n'est plus que moi touchant une autre femme.

(Rires) Alors vous récidivez.
(Rires) Oh, oui ! Je joue déjà un autre rôle avec une femme et les questions vont venir. Mais, c'est normal, vraiment, le sexe étant si important. C'est toujours un gros point d'interrogation me concernant. C'est quelque chose à propos duquel les gens parleront toujours - et pas seulement à cause des "Prédateurs". C'est pourquoi je pense que "Belle de jour" est si important pour moi. Vous pouvez toujours le voir aujourd'hui et trouver comment il est lié aux fantasmes des femmes et des hommes - mais principalement des femmes.

Vous avez dit que vous étiez préoccupée du fait que les femmes puissent avoir un problème avec "Belle de jour" à cause de la prostitution.
Oui, parce que la prostitution est quelque chose qui vous arrive à cause de problèmes que vous avez eus quand vous étiez jeune. En réalité, aucune femme ne choisirait de faire ça juste pour le plaisir.

Il y a une scène très courte dans laquelle on voit votre personnage enfant, il semblerait qu'elle ait été abusée. C'est vrai ?
Oui, c'est pourquoi ce n'est pas un choix pour elle. Toutes les femmes qui font des choses extrêmes comme tuer ou avoir des obsessions sexuelles ou qui se prostituent ont des problèmes avec leur père. Même si une femme a été abusée longtemps auparavant, cela ressurgit dans sa vie d'une façon négative. Certaines femmes ont des relations dans lesquelles elles sont physiquement blessées. Les femmes parlent plus de ça parce qu'auparavant. Avant, elles n'osaient pas.

Pensez-vous que cette image secrète que vous avez entretenue a aussi contribué à créer cet engouement pour vous de la part des lesbiennes ?
Oh, oui. Et les femmes savent que j'aime les femmes. J'ai des amies très, très proches, et donc les gens disent souvent de moi que je n'aime que les femmes. C'est quelque chose qui plaît aux gens. Moi, actrice, pas mariée mais ayant des enfants, cela signifie que j'ai une autre facette, cette vie privée, secrète. Les gens se posent toujours des questions. Et moins je leur en dis, plus la question grandit.

Les gens pensent vraiment que vous êtes lesbienne ? Je veux dire, je connais des lesbiennes qui espéreraient que vous le soyez, mais pensent-ils vraiment que vous êtes lesbienne ?
Oh, oui. Si je sors avec un homme trois fois, ils ne disent pas immédiatement que c'est mon amant. Mais s'ils me voient dans une situation privée ou allant en vacances avec une femme, ils diront, "Oh, oui, je pense qu'elle est lesbienne !"

Ils vous demandent si vous êtes lesbienne ?
Non, ils n'osent pas me demander ça en face. En France, la presse est différente de ce qu'elle est aux Etats-Unis. Mais parfois, je peux le sentir.

Mais vous avez une vie hétérosexuelle très publique.
Mais je ne laisse pas vraiment les gens la voir.

Vous dites que vous êtes très proche des femmes. Où tracez-vous la limite ? Avez-vous eu des moments où vous avez su ce que cela pouvait représenter que d'être amoureuse d'une autre femme ?
Le mot amour signifie beaucoup de choses pour moi.

Avez-vous déjà eu une aventure physique avec une femme ?
Je ne peux pas imaginer avoir une relation physique avec une femme. Cela ne m'est jamais arrivé. Mais j'aime vraiment les femmes. J'ai une très forte relation avec une femme que je connais depuis longtemps. Je la connaissais depuis quelque temps avant d'apprendre qu'elle était lesbienne, mais cela n'a rien changé dans ma relation avec elle.

Savez-vous ce que signifie l'expression "être dans le placard" (en anglais : closeted) ?
Fermer (to close) ?

Oh, c'est intéressant. En fait, plus ou moins. C'est quand des gens savent qu'ils sont gays mais ne veulent pas que les autres gens le sachent...
Oh, oui, oui. Je comprends, mais à mon avis, ils ne devraient pas être poussés. Je sais qu'en Amérique vous êtes très forts pour pousser publiquement des femmes à dire ouvertement qu'elles sont gays, mais je ne suis pas d'accord. Je pense que c'est un tort. Je pense que c'est très choquant.

Mais d'un autre côté, l'union fait la force. Les gens n'ont pas idée de combien il y a de gays dans le monde.
Oui, c'est tout à fait vrai.

Si une femme est lesbienne et qu'elle fait un travail merveilleux, quelque chose que les autres personnes admireraient, elle pourrait être un modèle pour les jeunes gays et lesbiennes qui sont désespérés de n'avoir personne à admirer. Le taux de suicide parmi les adolescents gays est élevé.
Je ne le savais pas. Je pensais qu'il était beaucoup plus facile aujourd'hui d'être ouvertement gay.

Effectivement, mais il y a encore peu de modèles pour les jeunes gens.
Oui, mais c'est très dur. Nous sommes dans une société qui est dirigée par des hommes, et l'image que les gens ont d'une femme est celle d'une femme mariée qui a des enfants. C'est un problème pour les gays ; je le sais bien. J'ai beaucoup - non, non, pas beaucoup - mais quelques très bons amis homosexuels. Je connais un intellectuel qui m'a dit qu'il ne pouvait pas le dire officiellement aux gens tant que sa mère était vivante.

C'est très triste.
Oui, mais pourquoi forcer…

Non, pas forcer...
Non, pas forcer, mais pousser quelqu'un à être officiellement reconnu comme étant homosexuel ? Je crois que quand vous avez une vie publique, vous avez toujours le droit d'avoir une vie privée. Et on a parlé de certaines personnes avant qu'elles aient été prêtes elles-mêmes. Elles ont été poussées avant d'être prêtes à... à faire leur "come out".

Si une de vos amies venait à vous - une actrice dans le placard - et vous disait qu'elle pense faire son come out, que lui conseilleriez-vous ?
Je lui dirais qu'elle devra choisir avec beaucoup de soin si elle veut révéler quelque chose qui est toujours, dans notre profession, difficile à vivre sans que ce soit problématique. Vous voyez, c'est toujours un métier d'hommes en France. Même s'il y a beaucoup de femmes dans les films, il y en a peu qui sont lesbiennes - à la connaissance du public.

Oui, c'est bien le problème. Personne ne le saura jamais si elles ne font pas leur come out.
Je pense qu'elle devra choisir avec beaucoup d'attention parce qu'elle devra se battre pour ça, pour sa carrière. Si vous êtes une actrice et que les gens savent que vous êtes une lesbienne, beaucoup de gens dans le public ne pourront pas oublier - quand ils vous regardent - que vous aimez les femmes même si vous êtes en train d'embrasser un homme dans le film. Les réalisateurs diront, "Non, nous ne pouvons pas la laisser jouer la petite amie de cet homme. Le public ne croira pas ce qu'il voit." C'est pourquoi il est bon que le public n'en connaisse pas trop sur votre vie privée. Vous devez pouvoir avoir un large registre afin d'être crédible dans des rôles différents.

Mais nous connaissons aussi d'autres choses sur les acteurs et les actrices qui ne nous empêchent pas de les trouver crédibles à l'écran. Si nous voyons Clint Eastvood et Meryl Streep s'embrasser, on ne dit pas "Oh, je ne peux pas voir ça ! Je sais qu'ils sortent avec d'autres personnes".
Mais c'est différent, parce que les gens s'attendent à voir un homme embrasser une femme. C'est ce que les gens croient. S'ils savent qu'un acteur aime uniquement les hommes, ils ne le trouveront pas crédible quand il fera l'amour avec une femme dans un film.

Les gens vous ont trouvé crédible lorsque vous faisiez l'amour avec une autre femme dans "Les prédateurs".
Oui, mais ils n'en savent pas beaucoup sur moi. Les gens ne pensent pas que je suis une vampire, mais ils ne savent pas ce qu'il se passe dans ma vie privée.

Alors que conseilleriez-vous à votre amie ? De ne pas faire son corne out ?
(Pause) Non. Mais je lui dirais que cela va poser un problème. Es-tu prête pour te battre pour ta carrière ? Tu vas devoir être très ouverte et engagée. Tu vas avoir plus de problèmes pour obtenir les rôles que tu veux comparée à quelqu'un qui n'est pas gay, donc tu vas devoir te battre avec de nombreuses personnes qui sont très conventionnelles.

Vous la soutiendriez dans son combat ?
Oui. Je lui dirais "Je sais que tu peux le faire mais te vas devoir te battre durement pour ça".

Il y a une rumeur persistante disant que vovs avez utilisé une doublure pour les scènes d'amour avec Susan Sarandon dans "Les prédateurs". Est-ce vrai ?
Il y avait une doublure, oui. Nous utilisions toutes les deux des doublures. C'est vrai. Je le confirme.

Vraiment ? Des milliers de lesbiennes viennent de s'effondrer en larmes en lisant ça.
Pas la scène entière, non, mais il y avait quelques plans avec une doublure.

Avez-vous déjà été témoin d'une certaine homophobie sur le tournage d'un film sur lequel vous avez travaillé ?
Oui, j'ai déjà vu ça. Les gens font ça parfois sans même s'en rendre compte, vous savez. Les gens ont une attitude incroyable, conventionnelle envers les homosexuels.

Alors vous ne dites rien ?
Pardon ? Oh, non, ils ne feraient jamais ça devant moi ! Mais j'en ai entendu parler, les gens me disent des choses. Mais non, personne n'est jamais...

Homophobe...
Oui, homophobe devant moi. Parce que pour vous dire la vérité, j'ai une grande gueule. Je ne supporterai pas que quelqu'un humilie un ou une homosexuelle devant moi, jamais. Je suis Balance, et je ne peux pas supporter ce qui est injuste.

Je veux vous demander quelque chose. Avez-vous déjà entendu parler du magazine lesbien ''Deneuve" ?
Mais, oui, bien sûr ! Et bien, je suis en procès contre ses responsables en France. Ils essayent maintenant d'importer le magazine en France et ce n'est pas juste. Ils utilisent mon nom, et mon nom est un produit. On ne peut pas faire ça.

Oh, c'est étrange que vous me disiez ça parce que j'ai appelé la rédactrice en chef de "Deneuve" pour avoir des informations sur son magazine avant cette interview. Et elle m'a dit que le magazine n 'était pas une référence à vous. Elle m'a dit que c'était le nom de sa première petite amie.
Oui, oui, je sais qu'ils disent ça. Ils disent que c'est une amie ou une petite amie ou quelque chose comme ça, mais ça n'a pas d'importance. Tout le monde pense que c'est moi. Pas vous ?

Si. En fait, j'ai été surprise qu'elle me dise le contraire. Je lui ai même demandé si elle pensait que les gens qui achetaient le magazine savaient que ce n'était pas une référence à Catherine Deneuve, et elle m'a dit "Personne ne pense que "Deneuve" est une référence à Catherine Deneuve".
C'est ridicule ! Personne ne pense que cela puisse être quelqu'un d'autre que moi.

Mais cela va être délicat pour vous, parce qu'on aura l'impression que c'est les grands qui poursuivent les petits.
Oui, je sais, et c'est un magazine lesbien, et les lesbiennes penseront que je les attaque. Ce n'est pas vrai. Le produit n'a aucune importance, que ce soit un parfum ou un magazine. Mon nom est un produit et on ne peut pas le mettre sur quelque chose sans m'en demander la permission. Ce n'est pas juste. J'espère que les gens comprendront quel est le vrai problème ici.

J'espère aussi. Beaucoup d'homosexuels - hommes et femmes - ont perdu des êtres chers à cause du Sida ou du cancer du sein. Vous avez eu une disparition tragique dans votre vie de jeune adulte lorsque votre sœur a été tuée dans un accident de voiture. J'ai réalisé que c'était il y a longtemps et vous n'en avez jamais parlé. Pourtant, le chagrin est un long processus. Comment avez-vous réussi à affronter ce décès ?
Oui, je ne parle pas de ça, mais je vais vous dire quelque chose : ce fut terrible. J'étais très jeune, et elle est morte violemment, alors ce fut horrible pour moi. Maintenant, j'ai perdu des amis du Sida, et je revis ces sensations douloureuses. Ce qui est très différent pour moi aujourd'hui, c'est qu'il y a d'autres personnes avec qui partager ma peine. Il y a tant d'amis qui ont perdu des proches à cause du Sida, et aussi à cause du cancer, que je peux partager cela. Quand ma sœur est morte, je n'avais personne avec qui partager ma douleur, alors j'ai tout gardé pour moi. J'étais jeune, et je travaillais sur un film et je n'avais que un ou deux jours pour pleurer. Mais c'était une mauvaise chose, être seule avec cette douleur. Des années plus tard, ça m'a repris. Cela a envahi ma vie. Ce fut une période très difficile. Alors je voudrais dire que même si cette épidémie est une chose terrible, quelque chose de bon en est sorti. Cela a appris aux gens comment partager leur chagrin. Les gens apprennent à partager ce long processus. C'est extrêmement important. J'aurais aimé savoir comment partager mon chagrin quand j'ai perdu ma sœur. Je suis très, très reconnaissante de savoir comment faire cela beaucoup mieux, maintenant.

Traduction de l'interview accordée à The Advocate


Par : Judy Wieder
Photos :


Films associés : Belle de jour, Les prédateurs, Indochine, Les voleurs



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