Vous êtes-vous déjà
exprimée dans la presse gay auparavant ?
Et bien, à Paris une fois, j'ai fait quelque chose pour
l'association Act-up afin de collecter de l'argent pour la lutte contre
le Sida. Mais je n'ai pas donné d'interview. C'est la première
fois que je m'exprime dans la presse gay.
Pour une belle actrice, avoir
des admirateurs - gays ou hétéros - n'est pas un phénomène
nouveau. Vous vous êtes distinguée en ayant non seulement
des admirateurs mais aussi des admiratrices, homosexuelles ou hétérosexuelles.
Comment interprétez-vous cela ?
Je ne sais pas vraiment. Je pense que dans certains films que j'ai fait,
j'ai plus ou moins dupé certaines personnes - peut-être gay
ou lesbiennes - afin qu'ils se sentent plus proches de moi que d'autres
actrices. Bien sûr, il est vrai que j'ai travaillé sur des
films que d'autres actrices n'auraient pas fait.
Aimez-vous les femmes en général
?
Oui, j'aime les femmes. Je me sens très proche d'elles. J'ai toujours
beaucoup soutenu les intérêts des femmes. J'ai signé
la charte pour l'avortement en France en 1972 et j'ai pris position concernant
l'avortement à une époque difficile. Je suis triste qu'une
fois encore l'avortement redevienne très suspect. Je trouve ça
incroyable. Je pense que toutes ces choses ont donné aux femmes
une image de moi qui est différente de celle des autres actrices.
Pensez-vous que votre rôle
dans "Belle de jour" - où vous avez une double vie, prostituée
le jour à l'insu de votre mari - interpelle certains gays et lesbiennes
qui cachent au monde une partie de leurs vies ?
Oui, je peux le comprendre. Les gens sont très fascinés
par cet aspect du film. Je suis une personne très secrète,
et je pense que cela m'aide plus ou moins à maintenir cette image
de moi menant une double vie secrète.
Dans "Belle de Jour", la patronne du
bordel interprétée par Geneviève Page en pince apparemment
pour vous. En fait, vous l'agrippez et essayez de l'embrasser à
un moment. Cela a-t-il causé un engouement pour vous de la part
des lesbiennes lorsque ce film est sorti en 1967 ?
Non. Cela n'a pas commencé avant que j'ai fait "Les prédateurs".
Je pense que c'est parce que la scène d'amour entre les deux femmes
était si belle dans "Les prédateurs". Je pense
que Tony Scott, le réalisateur, a fait un film si beau visuellement,
particulièrement à cette époque, parce que c'était
une histoire de vampire. J'adore les histoires de vampire. C'est pourquoi
j'ai tourné le film. Les femmes étaient particulièrement
touchées par le film - encore plus lorsqu'il est sorti en vidéo.
Elles me demandent toujours de signer sur la jaquette de cette vidéo.
Susan Sarandon a donné
une interview au magazine gay américain "The Advocate"
en 1991, et elle disait que la presse lui demandait sans arrêt si
elle avait dû se saouler pour coucher avec vous. Elle leur a répondu
que c'était ridicule. Pourquoi quelqu'un devrait-il être
saoul pour coucher avec Catherine Deneuve ?
(Rires) Oh, oui, je ressens la même chose pour elle. La relation
que j'ai eu avec Susan Sarandon était excellente, et je pense que
cela s'est ressenti à l'écran. On peut le sentir. Il y avait
quelque chose de très naturel entre nous. C'est une femme très
chaleureuse. C'était un tournage très long, et aucune de
nous n'était dans son propre pays, alors nous avons passé
beaucoup de temps ensemble. Après, nous nous sommes vues et nous
nous sommes écrit. Nous avons gardé un lien. J'ai une photo
de ses enfants chez moi. Elle est toujours dans mon esprit et dans mon
cur. Je pense également que la scène que nous avons
faite était très sophistiquée et très belle.
Je crois que c'était une image très idéale de deux
femmes ensemble, une très bonne chose concernant l'homosexualité
dans les films.
C'est très intéressant
que les lesbiennes ayant vu "Les prédateurs" ne se soient
pas - du moins à cette époque - attachées à
Susan Sarandon comme elles se sont attachées à vous.
Je ne sais pas pourquoi, mais c'est vrai.
Vous n'interprétiez même
pas une lesbienne. Vous interprétiez un vampire.
Oui, mais même à cette époque, quand le film est sorti,
je pouvais sentir dans les interviews que les femmes ne le voyaient pas
de cette façon. Elles ne me considéraient pas comme un vampire.
J'étais devenue un symbole pour les lesbiennes.
Avez-vous déjà
entendu l'expression "lesbian chic" ?
Non. Oh, vous voulez parler des lesbiennes qui sortent aussi avec des
hommes ?
(Rires) Euh, non, mais qui sait
? Cela pourrait devenir chic aussi. Je suis sure que chaque lesbienne
vous donnerait une définition légèrement différente,
mais cela fait référence au mouvement qui a commencé
dans les années 80, quand les lesbiennes ont consciemment récupéré
certaines des choses qui étaient associées aux femmes hétérosexuelles.
Des choses comme la mode, le maquillage, la féminité en
général.
Oh, oui, maintenant, je vois ce que vous voulez dire.
Pensez-vous que vous avez pu
accidentellement aider à créer une première image
du "lesbian chic" dans l'esprit des lesbiennes parce que vous
êtes très belle et féminine et que vous avez fait
une scène érotique avec une autre femme ?
Il est vrai qu'avant "Les prédateurs", l'image de la
lesbienne au cinéma était toujours très masculine.
Elle devait s'habiller comme un homme. S'il devait y avoir une femme qui
aime une autre femme, alors elle devait ressembler à un homme.
"Les prédateurs" véhiculait des images très
fortes de belles femmes, alors peut-être est-ce vrai. Tout à
coup, il y avait une femme ressemblant à une femme et aimant les
femmes. Oui, j'ai montré qu'on pouvait être belle et être
une lesbienne.
Quand une actrice joue une propriétaire
d'une plantation de caoutchouc, comme vous l'avez fait dans "Indochine",
personne ne lui demande si elle est vraiment propriétaire d'une
plantation de caoutchouc. Mais quand une actrice joue une scène
de séduction avec une autre femme, comme vous l'avez fait dans
"Les prédateurs", tout le monde veut savoir si elle est
lesbienne.
N'est-ce pas ! Je crois que tout ce qui a un rapport avec la sexualité
intéresse beaucoup les gens. Quand vous travaillez sur le côté
sexuel d'un personnage, les choses deviennent très compliquées.
Quand vous devez toucher et embrasser quelqu'un dans un film, ce n'est
plus quelque chose qui appartient au personnage. Cela vous appartient,
parce que c'est une continuation de votre moi physique, de votre désir.
Certaines personnes tombent amoureuses de leur partenaire à l'écran
et ressentent des choses qu'elles n'auraient jamais imaginées pouvoir
ressentir envers ce partenaire parce qu'ils sont en contact physique.
Je peux connaître un acteur depuis des années, et puis nous
jouons dans un film ensemble avec une scène d'amour, et je suis
stupéfaite. Ce n'est pas forcément quelque chose de sexuel,
mais c'est le fait de toucher, d'embrasser et d'être pris physiquement
par quelqu'un - parce que l'on ne se touche pas comme ça dans la
vie réelle, à moins, bien sûr, d'être amants.
Donc on vous a interrogée
sur votre sexualité après "Les prédateurs"
?
Oui, il y a eu beaucoup de questions. Dans le film que je viens de finir
avec André Téchiné, "L'enfant de la nuit"
["Les voleurs"], j'interprète un professeur qui tombe
amoureuse de son élève, une élève.
Je suis très contente
d'entendre cela, parce que je me demandais si vous oseriez interpréter
un autre rôle romantique avec une femme après "Les prédateurs".
Et bien, vous êtes la première personne à qui je dis
cela. Et c'est très important pour moi d'en parler parce que si
je dis que je tourne un film dans lequel j'interprète un professeur,
il n'y aura pas beaucoup de questions. Si je dis que je vais jouer une
scène d'amour avec une autre femme dans laquelle on s'embrassera
et on se touchera, et bien tout à coup, cela ne concerne plus le
film. C'est propre à moi. Ce n'est plus le rôle mais l'actrice.
Ce n'est plus que moi touchant une autre femme.
(Rires) Alors vous récidivez.
(Rires) Oh, oui ! Je joue déjà un autre rôle avec
une femme et les questions vont venir. Mais, c'est normal, vraiment, le
sexe étant si important. C'est toujours un gros point d'interrogation
me concernant. C'est quelque chose à propos duquel les gens parleront
toujours - et pas seulement à cause des "Prédateurs".
C'est pourquoi je pense que "Belle de jour" est si important
pour moi. Vous pouvez toujours le voir aujourd'hui et trouver comment
il est lié aux fantasmes des femmes et des hommes - mais principalement
des femmes.
Vous avez dit que vous étiez
préoccupée du fait que les femmes puissent avoir un problème
avec "Belle de jour" à cause de la prostitution.
Oui, parce que la prostitution est quelque chose qui vous arrive à
cause de problèmes que vous avez eus quand vous étiez jeune.
En réalité, aucune femme ne choisirait de faire ça
juste pour le plaisir.
Il y a une scène très
courte dans laquelle on voit votre personnage enfant, il semblerait qu'elle
ait été abusée. C'est vrai ?
Oui, c'est pourquoi ce n'est pas un choix pour elle. Toutes les femmes
qui font des choses extrêmes comme tuer ou avoir des obsessions
sexuelles ou qui se prostituent ont des problèmes avec leur père.
Même si une femme a été abusée longtemps auparavant,
cela ressurgit dans sa vie d'une façon négative. Certaines
femmes ont des relations dans lesquelles elles sont physiquement blessées.
Les femmes parlent plus de ça parce qu'auparavant. Avant, elles
n'osaient pas.
Pensez-vous que cette image
secrète que vous avez entretenue a aussi contribué à
créer cet engouement pour vous de la part des lesbiennes ?
Oh, oui. Et les femmes savent que j'aime les femmes. J'ai des amies très,
très proches, et donc les gens disent souvent de moi que je n'aime
que les femmes. C'est quelque chose qui plaît aux gens. Moi, actrice,
pas mariée mais ayant des enfants, cela signifie que j'ai une autre
facette, cette vie privée, secrète. Les gens se posent toujours
des questions. Et moins je leur en dis, plus la question grandit.
Les gens pensent vraiment que
vous êtes lesbienne ? Je veux dire, je connais des lesbiennes qui
espéreraient que vous le soyez, mais pensent-ils vraiment que vous
êtes lesbienne ?
Oh, oui. Si je sors avec un homme trois fois, ils ne disent pas immédiatement
que c'est mon amant. Mais s'ils me voient dans une situation privée
ou allant en vacances avec une femme, ils diront, "Oh, oui, je pense
qu'elle est lesbienne !"
Ils vous demandent si vous êtes
lesbienne ?
Non, ils n'osent pas me demander ça en face. En France, la presse
est différente de ce qu'elle est aux Etats-Unis. Mais parfois,
je peux le sentir.
Mais vous avez une vie hétérosexuelle
très publique.
Mais je ne laisse pas vraiment les gens la voir.
Vous dites que vous êtes
très proche des femmes. Où tracez-vous la limite ? Avez-vous
eu des moments où vous avez su ce que cela pouvait représenter
que d'être amoureuse d'une autre femme ?
Le mot amour signifie beaucoup de choses pour moi.
Avez-vous déjà
eu une aventure physique avec une femme ?
Je ne peux pas imaginer avoir une relation physique avec une femme. Cela
ne m'est jamais arrivé. Mais j'aime vraiment les femmes. J'ai une
très forte relation avec une femme que je connais depuis longtemps.
Je la connaissais depuis quelque temps avant d'apprendre qu'elle était
lesbienne, mais cela n'a rien changé dans ma relation avec elle.
Savez-vous ce que signifie l'expression
"être dans le placard" (en anglais : closeted) ?
Fermer (to close) ?
Oh, c'est intéressant.
En fait, plus ou moins. C'est quand des gens savent qu'ils sont gays mais
ne veulent pas que les autres gens le sachent...
Oh, oui, oui. Je comprends, mais à mon avis, ils ne devraient pas
être poussés. Je sais qu'en Amérique vous êtes
très forts pour pousser publiquement des femmes à dire ouvertement
qu'elles sont gays, mais je ne suis pas d'accord. Je pense que c'est un
tort. Je pense que c'est très choquant.
Mais d'un autre côté,
l'union fait la force. Les gens n'ont pas idée de combien il y
a de gays dans le monde.
Oui, c'est tout à fait vrai.
Si une femme est lesbienne et
qu'elle fait un travail merveilleux, quelque chose que les autres personnes
admireraient, elle pourrait être un modèle pour les jeunes
gays et lesbiennes qui sont désespérés de n'avoir
personne à admirer. Le taux de suicide parmi les adolescents gays
est élevé.
Je ne le savais pas. Je pensais qu'il était beaucoup plus facile
aujourd'hui d'être ouvertement gay.
Effectivement, mais il y a encore
peu de modèles pour les jeunes gens.
Oui, mais c'est très dur. Nous sommes dans une société
qui est dirigée par des hommes, et l'image que les gens ont d'une
femme est celle d'une femme mariée qui a des enfants. C'est un
problème pour les gays ; je le sais bien. J'ai beaucoup - non,
non, pas beaucoup - mais quelques très bons amis homosexuels. Je
connais un intellectuel qui m'a dit qu'il ne pouvait pas le dire officiellement
aux gens tant que sa mère était vivante.
C'est très triste.
Oui, mais pourquoi forcer
Non, pas forcer...
Non, pas forcer, mais pousser quelqu'un à être officiellement
reconnu comme étant homosexuel ? Je crois que quand vous avez une
vie publique, vous avez toujours le droit d'avoir une vie privée.
Et on a parlé de certaines personnes avant qu'elles aient été
prêtes elles-mêmes. Elles ont été poussées
avant d'être prêtes à... à faire leur "come
out".
Si une de vos amies venait à
vous - une actrice dans le placard - et vous disait qu'elle pense faire
son come out, que lui conseilleriez-vous ?
Je lui dirais qu'elle devra choisir avec beaucoup de soin si elle veut
révéler quelque chose qui est toujours, dans notre profession,
difficile à vivre sans que ce soit problématique. Vous voyez,
c'est toujours un métier d'hommes en France. Même s'il y
a beaucoup de femmes dans les films, il y en a peu qui sont lesbiennes
- à la connaissance du public.
Oui, c'est bien le problème.
Personne ne le saura jamais si elles ne font pas leur come out.
Je pense qu'elle devra choisir avec beaucoup d'attention parce qu'elle
devra se battre pour ça, pour sa carrière. Si vous êtes
une actrice et que les gens savent que vous êtes une lesbienne,
beaucoup de gens dans le public ne pourront pas oublier - quand ils vous
regardent - que vous aimez les femmes même si vous êtes en
train d'embrasser un homme dans le film. Les réalisateurs diront,
"Non, nous ne pouvons pas la laisser jouer la petite amie de cet
homme. Le public ne croira pas ce qu'il voit." C'est pourquoi il
est bon que le public n'en connaisse pas trop sur votre vie privée.
Vous devez pouvoir avoir un large registre afin d'être crédible
dans des rôles différents.
Mais nous connaissons aussi
d'autres choses sur les acteurs et les actrices qui ne nous empêchent
pas de les trouver crédibles à l'écran. Si nous voyons
Clint Eastvood et Meryl Streep s'embrasser, on ne dit pas "Oh, je
ne peux pas voir ça ! Je sais qu'ils sortent avec d'autres personnes".
Mais c'est différent, parce que les gens s'attendent à voir
un homme embrasser une femme. C'est ce que les gens croient. S'ils savent
qu'un acteur aime uniquement les hommes, ils ne le trouveront pas crédible
quand il fera l'amour avec une femme dans un film.
Les gens vous ont trouvé
crédible lorsque vous faisiez l'amour avec une autre femme dans
"Les prédateurs".
Oui, mais ils n'en savent pas beaucoup sur moi. Les gens ne pensent pas
que je suis une vampire, mais ils ne savent pas ce qu'il se passe dans
ma vie privée.
Alors que conseilleriez-vous
à votre amie ? De ne pas faire son corne out ?
(Pause) Non. Mais je lui dirais que cela va poser un problème.
Es-tu prête pour te battre pour ta carrière ? Tu vas devoir
être très ouverte et engagée. Tu vas avoir plus de
problèmes pour obtenir les rôles que tu veux comparée
à quelqu'un qui n'est pas gay, donc tu vas devoir te battre avec
de nombreuses personnes qui sont très conventionnelles.
Vous la soutiendriez dans son
combat ?
Oui. Je lui dirais "Je sais que tu peux le faire mais te vas devoir
te battre durement pour ça".
Il y a une rumeur persistante
disant que vovs avez utilisé une doublure pour les scènes
d'amour avec Susan Sarandon dans "Les prédateurs". Est-ce
vrai ?
Il y avait une doublure, oui. Nous utilisions toutes les deux des doublures.
C'est vrai. Je le confirme.
Vraiment ? Des milliers de lesbiennes
viennent de s'effondrer en larmes en lisant ça.
Pas la scène entière, non, mais il y avait quelques plans
avec une doublure.
Avez-vous déjà
été témoin d'une certaine homophobie sur le tournage
d'un film sur lequel vous avez travaillé ?
Oui, j'ai déjà vu ça. Les gens font ça parfois
sans même s'en rendre compte, vous savez. Les gens ont une attitude
incroyable, conventionnelle envers les homosexuels.
Alors vous ne dites rien ?
Pardon ? Oh, non, ils ne feraient jamais ça devant moi ! Mais j'en
ai entendu parler, les gens me disent des choses. Mais non, personne n'est
jamais...
Homophobe...
Oui, homophobe devant moi. Parce que pour vous dire la vérité,
j'ai une grande gueule. Je ne supporterai pas que quelqu'un humilie un
ou une homosexuelle devant moi, jamais. Je suis Balance, et je ne peux
pas supporter ce qui est injuste.
Je veux vous demander quelque
chose. Avez-vous déjà entendu parler du magazine lesbien
''Deneuve" ?
Mais, oui, bien sûr ! Et bien, je suis en procès contre ses
responsables en France. Ils essayent maintenant d'importer le magazine
en France et ce n'est pas juste. Ils utilisent mon nom, et mon nom est
un produit. On ne peut pas faire ça.
Oh, c'est étrange que
vous me disiez ça parce que j'ai appelé la rédactrice
en chef de "Deneuve" pour avoir des informations sur son magazine
avant cette interview. Et elle m'a dit que le magazine n 'était
pas une référence à vous. Elle m'a dit que c'était
le nom de sa première petite amie.
Oui, oui, je sais qu'ils disent ça. Ils disent que c'est une amie
ou une petite amie ou quelque chose comme ça, mais ça n'a
pas d'importance. Tout le monde pense que c'est moi. Pas vous ?
Si. En fait, j'ai été
surprise qu'elle me dise le contraire. Je lui ai même demandé
si elle pensait que les gens qui achetaient le magazine savaient que ce
n'était pas une référence à Catherine Deneuve,
et elle m'a dit "Personne ne pense que "Deneuve" est une
référence à Catherine Deneuve".
C'est ridicule ! Personne ne pense que cela puisse être quelqu'un
d'autre que moi.
Mais cela va être délicat
pour vous, parce qu'on aura l'impression que c'est les grands qui poursuivent
les petits.
Oui, je sais, et c'est un magazine lesbien, et les lesbiennes penseront
que je les attaque. Ce n'est pas vrai. Le produit n'a aucune importance,
que ce soit un parfum ou un magazine. Mon nom est un produit et on ne
peut pas le mettre sur quelque chose sans m'en demander la permission.
Ce n'est pas juste. J'espère que les gens comprendront quel est
le vrai problème ici.
J'espère aussi. Beaucoup
d'homosexuels - hommes et femmes - ont perdu des êtres chers à
cause du Sida ou du cancer du sein. Vous avez eu une disparition tragique
dans votre vie de jeune adulte lorsque votre sur a été
tuée dans un accident de voiture. J'ai réalisé que
c'était il y a longtemps et vous n'en avez jamais parlé.
Pourtant, le chagrin est un long processus. Comment avez-vous réussi
à affronter ce décès ?
Oui, je ne parle pas de ça, mais je vais
vous dire quelque chose : ce fut terrible. J'étais très
jeune, et elle est morte violemment, alors ce fut horrible pour moi. Maintenant,
j'ai perdu des amis du Sida, et je revis ces sensations douloureuses.
Ce qui est très différent pour moi aujourd'hui, c'est qu'il
y a d'autres personnes avec qui partager ma peine. Il y a tant d'amis
qui ont perdu des proches à cause du Sida, et aussi à cause
du cancer, que je peux partager cela. Quand ma sur est morte, je
n'avais personne avec qui partager ma douleur, alors j'ai tout gardé
pour moi. J'étais jeune, et je travaillais sur un film et je n'avais
que un ou deux jours pour pleurer. Mais c'était une mauvaise chose,
être seule avec cette douleur. Des années plus tard, ça
m'a repris. Cela a envahi ma vie. Ce fut une période très
difficile. Alors je voudrais dire que même si cette épidémie
est une chose terrible, quelque chose de bon en est sorti. Cela a appris
aux gens comment partager leur chagrin. Les gens apprennent à partager
ce long processus. C'est extrêmement important. J'aurais aimé
savoir comment partager mon chagrin quand j'ai perdu ma sur. Je
suis très, très reconnaissante de savoir comment faire cela
beaucoup mieux, maintenant.

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