Ses interviews / Presse 1990-99 / Source inconnue 1999
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Pécheuses pas snob

Donner rendez-vous à Catherine Deneuve dans un hôtel parisien, un délicieux jour de printemps, ce n'est pas un bonheur, c'est un euphémisme. Blonde comme une rafale, vibrante comme la lumière, chaleureuse à souhait, elle transforme la moindre attente inquiète en certitude apaisée. Ça va être formidable, elle est épatante cette femme-là, forcément il en restera quelque chose. Décaféiné serré commandé, cigarette allumée, elle écoute, sourit. On va parler des péchés, pas les véniels, les capitaux, les capiteux... Elle acquiesce.

La vraie gourmandise, ce serait quoi ?
Le plaisir de tout, dans tous ses états. Manger les pétales de fleurs, les feuilles, avaler la nature en plus de la nourriture. En fait, c'est l'appétit. D'ailleurs, toutes les choses agréables sont des péchés. Pour les catholiques toutes les choses humaines.

Votre sens de la luxure ?
La chair quand il n'y a pas de limites. Mais c'est triste s'il n'y en a pas car, au fond, le pire des péchés, c'est l'excès, il y a le vide, même si l'abandon est nécessaire dans l'idée du plaisir. La chair a besoin de savoir ou elle commence, pas ou elle finit. Et ça, elle le sent.

Des limites à l'envie ?
L'envie dans le sens "vouloir prendre aux autres", c'est assez moche en soi. Je suis issue d'une famille nombreuse où l'on pratique le partage, l'équité. Je préfére "avoir envie" car c'est encore du plaisir. J'envie l'insouciance, la gaieté, la joie des enfants... En fait, j'envie certains tempéraments qui touchent au bonheur.

Une défense contre l'orgueil ?
La lucidité, mais je me demande si l'orgueil est vraiment un péché. C'est une certaine hauteur d'idée de la vie et il faut en avoir à petite dose. Le propre du péché, c'est le contrôle. L'orgueil n'est pas un péché d'orgueil. Il y a dans l'un la fierté, la légitimité qui manque a l'autre qui, lui, n'est qu'exercice.

Une petite avarice ?
Malheureusement oui, même si pour moi c'est un défaut rédhibitoire. Personne n'est à l'abri. La petite avarice est proche de la mesquinerie, ce sont les petites économies sur les petites choses, c'est ne pas donner quand on pourrait le faire. Même si on est honnête, on fait toutes ces petites choses un peu tristes. Il faut s'en défier.

Résistante à la colère ?
Parfois je le regrette. La colère est la sœur de la révolte. Je pense qu'il est bon de se laisser aller à la colère. Il faut dire, s'exprimer, refuser dans ce monde trop convenu où tout est dit, pensé, digéré, consensus et compagnie. Nous sommes dans une période tiède, un faux moment relayé assez bêtement par les médias, où manque l'originalité des propos. Et puis la colère rentrée, c'est mauvais pour la santé.

Des dispositions à la paresse ?
A l'idée de la paresse. L'idée de pouvoir s'arrêter. La paresse, pour moi, c'est l'arrêt, imaginer un repos, le début de la détente, l'inaction souhaitée, la velléité. Rêver, c'est s'adonner à une vraie forme de paresse.

Avez-vous un péché mignon ?
Un péché mignon qui touche à la gourmandise. Tout ce qui se mange avec une cuillère, les crèmes, les mousses, les purées, les bouillies, ce qui est doux au goût, presque liquide. Les objets pour la maison aussi, c'est une maladie, et les chaussures, là, c'est une folie. Je me souviens que, petite, je dessinais sans arrêt des jambes de femmes très cambrées avec des chaussures à barrettes. C'est donc un péché capital pour moi.

Moi aussi j'ai ce truc avec les chaussures, finie la liste du Bon Dieu, on s'est dit qu'on changerait bien certains péchés pour d'autres, qu'on mettrait le mépris, l'indifférence et la bêtise, qu'il y a décidément des choses à revoir là-dedans. Dehors, c'est presque l'été, on a fait la photo ensemble, place Vendôme, sans cinéma, on s'est embrassées avant de partir, en aparté elle a dit : "Les femmes sont des amies, les hommes sont des amants. Avec eux, il y a toujours la possibilité de la séduction, avec elles, il y a celle de l'alliance, de l'entente, du repos". Au moment où j'allais lui dire oui, oui, ça ne nous ferait pas de mal, elle avait filé dans l'air, renonçant à la paresse de l'espace ensoleillé et frais, absoute, en définitive.



Par : Françoise Lacroix
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