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Une Deneuve bon chic, bon gendre

Dans "Belle-maman", elle est l'irrésistible tornade blonde qui plonge un très attachant Vincent Lindon dans une situation des plus inextricables. Une grande comédie qui suggère des choses assez subversives sur la morale et ce que devrait être l'amour.

La comédie peut être un genre majeur, on le sait depuis Billy Wilder et plus récemment Woody Allen ou Pedro Almodovar. Le savoir-faire de Gabriel Aghion n'est pas loin de supporter la comparaison. Après "Pédale douce", sa "Belle-maman" va donner des couleurs à notre cinéma maison : une bonne histoire bien jouée, et de surcroît filmée avec un goût marqué pour les jolies lumières. 17 sur 20.

Tout en haut de l'affiche, un Vincent Lindon hilarant et tendre. Il est Antoine, un homme "à la rue" sur un plan affectif, habité par l'amour soudain et improbable qu'il éprouve pour sa belle-mère (Catherine Deneuve) le jour où il est quand même censé épouser sa fille (Mathilde Seigner). Une situation inextricable a priori qui avait toutes les chances de virer à l'eau de boudin théatro-boulevardière sans une bonne dose d'adresse, un sens très sûr pour le comique de situation et finalement une certaine forme de classe. C'est élégant de bout en bout, crédible tout autant et ça permet à une Catherine Deneuve de nous livrer un numéro d'anthologie, tout en élégance et détachement. Un de plus.

Le film, l'air de rien, souffle pas mal de choses assez subversives sur ce que devraient être les rapports amoureux.
Justement. Une comédie pâtit souvent de sembler avoir été réalisée I'"air de rien". Certains imaginent encore qu'une comédie c'est une film qu'on fait "comme ça", sortie d'un chapeau, qui ne nécessite pas de construction sérieuse et où les acteurs improvisent. Moralité, c'est un genre mineur. Les professionnels ne se bousculent pas pour les distinguer, même si cette année aux Césars, il y a l'exception "Dîner de cons". Il faut croire que nous sommes tous plus réceptifs à la douleur qu'à la gaieté.

On sent que vous vous plaisez à essayer de faire rire.
C'est gratifiant une comédie pour un acteur, c'est flatteur même lorsqu'on n'est pas une actrice comique.

Le film pose pas mal de questions sur la morale et sur ses limites. Qu'est-ce qui est plus "immoral" ? Tomber amoureux de sa belle-mère le jour de son mariage et oser le lui avouer ? Ou bien rester avec sa fille, que l'on n'aime plus, histoire de surtout pas lui faire de la peine ?
La force du scénario est de demeurer plausible, en partant d'un cas de figure caricatural. Beaucoup de gens se reconnaîtront à travers Antoine et Léa, surtout lorsqu'ils hésitent à prendre une décision qui peut - c'est clair ! - bouleverser à ce point leur vie.

Comme "Pédale douce", "Belle-maman" compte aussi son lot de marginaux sublimes. Line Renaud par exemple, truculente en lesbienne amateur de cigares. A terme, des couples homo aspirent à pouvoir un jour adopter des enfants comme les autres couples. Qu'est-ce que ça vous inspire ?
Je reconnais que j'ai un petit peu de mal à imaginer des enfants élevés par deux hommes, ou bien par deux femmes. Ça ne me paraîtrait pas être la base du meilleur équilibre pour eux, parce que ce n'est ni mon modèle, ni mon idéal. En même temps, on peut se dire qu'un enfant s'en sortira toujours pourvu qu'il reçoive beaucoup d'amour et d'attention, et pourvu que ses "parents" sachent lui apprendre la confiance...

Une scène du film vous a-t-elle demandé un travail particulier ?
Celle dans les toilettes du lieu où ma fille (Mathilde Seigner) fête son mariage : on est là à la lisière de la comédie musicale, dansant et chantant au rythme de "Marcia Baila" des Rita Mitsouko.

Il ne vous était pas arrivé de chanter à l'écran depuis "Je vous aime" de Claude Berri.
Je l'ai fait sans complexe, à savoir comme quelqu'un ne prétend pas se reconvertir dans la chanson !

Vous vous êtes essayée au rap avec une vraie aisance.
Et un peu de travail ! Il en fallait : parler en rythme ce n'est pas un truc qui me vient naturellement. J'apprécie le rap chez des gens comme MC Solaar ou Stomy Bugsy qui dans ce cas m'a servi de "coach", mais j'aurais été plus à l'aise si j'avais pu me raccrocher à une mélodie.

Vous fumez beaucoup dans le film.
Le rôle demandait ça. Léa est une anxieuse. Je fume malheureusement de nouveau pas mal depuis deux ans. Je n'en suis pas très fière. Ça détend provisoirement.

Léa n'a rien non plus contre un p 'tit pétard...
Oui, elle aime bien se rouler un p'tit joint devant un bon coucher de soleil. Moi, ce n'est pas un truc sur lequel je sois portée.

Lors d'une soirée, quand un groupe "fait tourner" comme on dit, vous ne vous laissez jamais tenter ?
Ce n'est pas tellement mon truc, non. En plus, il y a toute une organisation autour, je vois bien qu'il faut préparer, veiller à ce qu'il ne s'éteigne pas au milieu... J'ai besoin de choses plus... Disons que je serais plus comme les Anglais vous voyez... Un verre d'alcool. C'est quelque chose de plus personnel. Un plaisir plus égoïste...

...Qui rappelle votre rôle dans "Place Vendôme". On a dit que vous avez pris des risques en acceptant de jouer une femme cassée par l'alcool. Est-ce que le vrai risque ne serait pas de ne pas prendre de risque, en ne jouant que des femmes transparentes ?
C'est exactement ce que je pense. Le danger véritable pour un acteur c'est de rester sur un personnage et de ne pas en bouger. Personnellement, ça ne m'a jamais effrayée de tenter des trucs, sans doute parce que je suis un peu inconsciente, parce que j'ai envie de surprendre, de me surprendre, de me faire plaisir.

C'est manifeste encore dans le dernier Philippe Garrel ("Le vent de la nuit"). On sort indemne de rôles si violents ?
J'espère que non. Chaque nouveau rôle, comme chaque situation nouvelle dans la vie, vous modifie. Pas forcément de manière violente, non, mais par petites touches et en profondeur.

Est-ce que ce personnage de "Belle-maman" vous en a rappelé d'autres ?
Vingt ans après, j'y perçois des traces du personnage que je jouais dans "Le sauvage", une femme qui elle aussi n'arrêtait pas de fuir, une aventurière des sentiments, sans cesse "au bord de la noyade", comme dit Léa.

Vous continuez de faire rêver. L'an dernier, le magazine Studio a titré sur "L'intrigue Deneuve".
Si intrigue il y a, elle m'échappe comme à tout le monde. Être encore là aujourd'hui, c'est une interrogation pour moi aussi. Ça fait très longtemps que je fais des films. J'ai beaucoup de chance. Il est difficile de vieillir au cinéma, comme dans la vie.

Même au cinéma, le mot "vieillir" appliqué à vous, paraît impropre tant vous parvenez à faire de la séduction une idée neuve à chaque apparition. N'est-ce pas un peu agaçant de s'entendre dire souvent "Catherine Deneuve ? Elle est "encore" belle" !
Ce mot "encore" je l'entends effectivement souvent, sans qu'il me paraisse injuste. On sent bien à travers lui que les gens pensent que je vais vers le bord "d'autre chose", vers le coucher de soleil, vers l'aube, ce qu'il faut accepter, on ne peut pas s'en extraire.

De Xavier Beauvois à Léos Carax, beaucoup de jeunes cinéastes vous réclament.
Leur jeunesse peut avoir quelque chose de rassurant pour une femme d'un certain âge. Mais il ne faut pas courir après...


Par : Carlos Gomez
Photos :


Films associés : Belle-maman, Place Vendôme, Le vent de la nuit, Le sauvage



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