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Deneuve existe, je l'ai rencontrée

Son nouveau rôle : une femme ordinaire. Contre-emploi déroutant pour Deneuve, la si belle. Retour sur l'image de la star, avec des photos d'André Rau réalisées à Miami pour "Madame Figaro", et rencontre avec l'étoile par Eric Neuhoff, encore tout ébloui.

Dans "La reine blanche" de Jean-Loup Hubert, Catherine Deneuve épluche des pommes de terre sur une toile cirée. Elle fait ça très bien. Elle porte une blouse de ménagère en Nylon, comme Sophia Loren dans "Une journée particulière", et là non plus, personne n'a envie de ricaner. Sur un écran, Deneuve fait tout très bien : enlever son pull shetland debout dans une voiture décapotable ("La sirène du Mississippi"), occuper ses après-midi de façon pas très catholique ("Belle de jour"), courir en chemise de nuit dans un parc ("La vie de château"), laisser un lapin se décomposer dans son frigo ("Répulsion"). Dans la vie, Deneuve ne se débrouille pas mal non plus. Elle donne ses rendez-vous dans un hôtel du boulevard Raspail, boit du thé, a les cheveux tirés en arrière. Elle arrive (un peu) en retard, mais lorsqu'elle explique : "J'étais rive droite", on dirait le début d'un roman de Louise de Vilmorin. La veille, à la télévision, ils avaient repassé un document en noir et blanc sur le tournage des "Demoiselles de Rochefort". Deneuve avait raté ça. On les voyait, sa sœur et elle, en train de répéter. Que les admirateurs envoient la cassette au journal, qui fera suivre. Est-ce parce qu'elle a cessé de fumer ? Catherine Deneuve parle à toute allure, s'emballe pour le dernier Rochant, fait de la publicité pour les nouvelles venues ("Comment ? Vous n'avez pas vu Valérie Lemercier ?"), continue à avoir le trac quand elle tourne ("Mais les autres l'ont tellement plus que moi...").

Elle aurait bien aimé travailler avec Bresson, explique la difficulté qu'il y a à jouer avec des enfants ("Pour eux, c'est une question de vie ou de mort"), a une devise : "II faut garder son énergie pour l'essentiel", et admire les cinéastes "qui ne renoncent pas". Un jeune homme qui l'a reconnue vient lui offrir un ouvrage d'ésotérisme. Des phrases sont soulignées en jaune. "Ça m'arrive tout le temps. Je suis aussi la femme à qui on offre les plus beaux bouquets". Très parisienne - le terme est d'elle - Deneuve n'est pas une fanatique des mondanités : "Je déteste rester debout à manger des petits fours et à gazouiller. Je sens qu'on me regarde et qu'on ne m'écoute pas. Je suis gaie, mais peut-être pas assez légère pour ça". Elle a un physique d'héroïne à la Hitchcock, et elle a beaucoup ri au sketch de Palmade qui lui est consacré. Quand elle évoque Truffaut, Demy, il y a chez elle une vraie tristesse. "On fait d'autres choses, mais on est inconsolable. Même quand je ne travaillais pas avec eux, je pensais toujours à eux. Perdre des êtres aimés, ça vous donne la mesure du temps qui passe. On vit plus vieux, mais un tas de gens meurent plus jeunes. Tout est faussé. On a beaucoup plus d'espoir et beaucoup plus de chagrin".

N'empêche, Catherine Deneuve a de la chance. Elle va partir pour le Viêt-nam avec Régis Wargnier, un des metteurs en scène français les plus intéressants, l'auteur de "La femme de ma vie" et de "Je suis le seigneur du château", un de ceux qui autorisent à croire que la relève est assurée. Partenaires : Jean Yanne et Dominique Blanc. Scénario : "Romantique, romanesque, magnifique". Deneuve est excitée, inquiète aussi. "Ça me fait peur de partir si loin, si longtemps". Elle préfère les extérieurs aux studios, les tournages où on "essaie de rigoler". Le métier a changé. Maintenant, il faut assurer la promotion des films. "Ça fait désormais partie du rôle de l'acteur. Avant, le film sortait et puis c'était tout. Je ne suis pas productrice, mais aujourd'hui les films coûtent tellement cher. Je refuse de faire certaines choses, mais je ne me cache pas". Parfois, tout cela l'embête, les interviews, la télévision. "Cela donne de nous des images bavardes. C'est peut-être utile, je ne sais pas". On sent qu'elle a envie de tourner à nouveau, qu'elle s'est arrêtée trop longtemps ("Mais Adjani aussi, regardez. Demandez-lui"). Trop montrée dans les magazines. Un projet qu'elle avait au Brésil avec André Téchiné s'est cassé la figure au dernier moment. Ils se retrouveront pourtant fin 1991. Deneuve ne baisse pas les bras. En France, il n'y a plus qu'elle - et Adjani, justement.

Un de ses grands regrets s'appelle "Coup de foudre". Il s'agit du film que Robert Enrico avait commencé à tourner après "Le vieux fusil". Noiret était au générique. "On a tourné une semaine, et tout s'est arrêté. C'était la foudre qui était tombée à mes pieds. Il n'y a rien eu à faire. Après, j'ai eu beaucoup de mal à reprendre. C'est le genre d'accident qui vous laisse un peu d'effroi". A l'inverse, il lui est arrivé de quitter un tournage aux Etats-Unis parce que le réalisateur était un fumiste ("II jouait au tennis") On se demande : soigner son smash quand Deneuve patiente dans sa loge ! Bientôt, les passants de Saint-Germain-des-Prés ne la croiseront plus dans la rue, ne la reconnaîtront plus dans les files d'attente des cinémas. ("Je vais voir les films dans de vraies salles") Pendant plusieurs mois, les personnes informées prendront des airs entendus. Elles chuchoteront : "Catherine Deneuve est en Indochine" et la phrase ressemblera au titre d'un livre mystérieux que tout le monde rêvera d'ouvrir.

 

 

 

 

 

 

 

 

Deneuve : l'inaltérable reine Catherine


Par : Eric Neuhoff
Photos : André Rau


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