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La belle pas bête

Catherine, la discrète, n'accepte photos et interviews que pour promouvoir ses films. Pour "Indochine", elle a posé dans une pagode et parle sans détours à Eric Neuhoff : un régal !

Au générique de "Répulsion", il y avait son œil en gros plan. Le droit. Le film était en noir et blanc. Dans la réalité, les deux sont - comment dire ? - verts, oui vert d'eau. "Mais beaucoup moins verts que sur les photos", précise Catherine Deneuve, assise dans un fauteuil au bar du Lutétia. "C'est mon bureau", dit-elle. En ce moment, on la voit sur les affiches, sur les écrans, dans les journaux, à la télévision. "Indochine" est un film auquel elle tient beaucoup et son visage sert de publicité à une ligne de soins signée Yves Saint-Laurent.

Elle survole depuis près de trente ans le cinéma français mais appréhende chaque nouveau rôle avec angoisse car "le doute naît avec la répétition des choses". La confidente de François Truffaut, dont Burt Reynoids fit graver, un jour à Hollywood, le nom sur un scénario de cuir, nous revient, pour son soixante-dixième film, secrète et grave de son voyage d'"Indochine". Et toujours plus proche.

"Indochine" a été écrit pour elle, ce qui n'a pas l'air de lui déplaire. "Je n'ai rien contre. C'est très exceptionnel". Deneuve parle du tournage (le plus long de sa carrière), du Vietnam, de son personnage ("Une femme déjà fragile qui va jusqu'à la douleur absolue"). Enchaîner sur un autre film ? "Pas tout de suite". Chez elle, elle garde des scénarios, des cartes postales. A une époque, elle a eu envie de faire un album avec tout ça. "Je ne l'ai pas fait. J'ai tout rangé dans une grande pochette". A Saigon, elle a pris des photos. Paris ne lui a pas manqué tant que ça. "De toute façon, je préfère les tournages en extérieur". Cette fois, ça a été difficile pour elle de sortir du film. On s'en serait douté : dans "Indochine", Catherine Deneuve est impressionnante. Grave, blessée, secrète. Quand même, le cinéma n'est pas tout. "J'aime bien parler d'autre chose. Je ne reste pas avec les personnages, en tout cas pas consciemment". Elle ne se souvient pas de la première phrase qu'elle a prononcée devant une caméra ("C'est drôle, c'est la première fois qu'on me demande ça"). Dans "La sirène du Mississippi" et dans "Le dernier métro", elle portait le même prénom, Marion. ("Ah ? Je n'avais pas fait attention"). Truffaut avait placé dans sa bouche les mêmes répliques, mais ça elle s'en était aperçue ("Pour lui, c'était peut-être la même femme"). Le réalisateur a une place à part. "II aimait les acteurs, parler aux acteurs. J'ai rarement vu quelqu'un qui a autant aimé le cinéma. Pour lui, il s'agissait d'une question de vie ou de mort. On avait de grandes discussions de fond là-dessus. On n'était pas d'accord. Il disait que le cinéma était plus intéressant que la vie. Il avait plus peur de la vie que moi. Il vivait dans un univers très vaste. Il décidait tout. Il fallait que la vie ressemble à ce qu'il avait décidé. Il n'y avait pas de hasard, mais il y avait beaucoup de sensibilité. On s'écrivait, on se voyait, on se parlait. On avait eu des projets ensemble. De toute façon, on se serait retrouvés". Le trac est toujours là. "Au début, on a peur parce que c'est l'inconnu. Quand on sait beaucoup de choses, on est beaucoup plus angoissé. Comme pour un examen. Le doute naît avec la répétition des choses. On vous reconnaît, on attend quelque chose de vous". Le risque est là tout le temps, que ce soit dans un premier film ou dans un gros budget. "La grosse machine est plus risquée. Si un premier film ne marche pas, on dit que c'est sympathique de jouer dedans. Si on réfléchissait, il faudrait ne plus tourner du tout, rêver les films. Ou alors travailler tout le temps, comme Depardieu, c'est la solution. Je ne pourrais pas en faire autant". Son prochain film sera dirigé par André Téchiné. Démarrage en juillet. Partenaire : Daniel Auteuil.

Qu'on ne compte pas sur elle pour passer de l'autre côté de la caméra. "D'accord, la technique, à force je connais un peu, mais je me considère vraiment comme une interprète. Je n'ai jamais regardé dans l'œilleton". A Paris, elle continue à aller voir les films en salle. "Trust Me" l'a emballée. Pareil pour "J'entends plus la guitare", de Philippe Garrel. Même "Bugsy" lui a plu. "Si on avait des scripts comme ça chez nous, beaucoup d'acteurs accepteraient des seconds rôles". Elle ignore combien de scénarios elle reçoit. "Je les lis. On sait très vite si c'est bien. Il y a o très peu de scénarios intéressants". Hollywood, elle y a travaillé deux fois, avec Jack Lemmon et avec Burt Reynoids. "II avait fait graver mon nom sur un scénario couvert de cuir". L'Amérique, elle n'a rien contre : "Tourner aux Etats-Unis, bien sûr que ça me tente. Seulement, je ne vois pas pourquoi ils feraient appel à moi, ils ont tout ce qu'il faut là-bas". Durant le tournage d'"Indochine", elle a tenu une sorte de journal. "C'est la première fois que je suis allée jusqu'au bout. Je fais ça pour moi. Ça m'ennuierait que quelqu'un tombe dessus. J'évite de dire du mal des gens avec qui je travaille. Il y a beaucoup de photos en noir et blanc que je faisais développer dans des laboratoires d'Etat. A Paris, je n'ai pas le temps de faire ça. Je n'ai le temps de rien, d'ailleurs". Aujourd'hui, elle se méfie de la presse écrite. "C'est le plus dangereux pour les acteurs. Ça vous échappe complètement. A la radio, c'est plus direct. Et puis on ne l'entend qu'une fois". On a écrit des mensonges sur elle. "Le plus énorme, c'est de dire que je suis quelqu'un de froid. Je ne sais pas pourquoi. Le feu et la glace, vous savez, ce truc de journalistes". Elle n'aime pas non plus qu'on dise du mal d'elle. "Je m'étais habituée à être aimée en France et il y a eu l'article d'un journaliste anglais. Sur le moment, ça m'a fait de l'effet. Ça m'a gâché mes vacances en Irlande". Autre détail qui l'agace : "Quand on dit du bien de moi en étant à côté de la plaque".

Deneuve entre sur l'écran comme un paquebot dans le port de New York, avec évidence, avec majesté. Dans "Répulsion", elle gardait une tête de lapin dans son sac à main et tuait son soupirant à coups de chandelier. Elle a eu Mick Jagger pour témoin à son mariage, a enregistré un disque avec Serge Gainsbourg, failli être Katharina Blum (" les droits étaient déjà pris "). On l'imaginerait très bien en Mme Travers, l'héroïne de "La rescousse", le roman de Conrad. Ou dans un remake de "La vérité sur Bébé Donge", dans lequel une grande bourgeoise essaie d'empoisonner son mari. Le mari le découvre et il pardonne. Evidemment.


Par : Eric Neuhoff
Photos : Patrick Demarchelier


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