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"En 1965 j'ai été
séduite par la robe qu'il avait créée pour ma
présentation à la reine" |
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Vous connaissez Yves Saint Laurent
depuis longtemps. Vous souvenez-vous de votre première rencontre
?
C'était en 1965. Je suis arrivée chez Saint Laurent
avec une photo de l'année précédente, découpée
dans un journal. Au grand étonnement de tous, je voulais absolument
me faire faire une robe de la dernière collection. C'était
pour le gala de présentation à la reine Elisabeth d'Angleterre.
Une robe longue, blanche, en crêpe, avec un plastron brodé
rouge que je n'oublierai jamais. Elle était tout à fait
extraordinaire. Voilà comment nous nous sommes rencontrés.
Puis nous avons eu très vite l'occasion de travailler ensemble
pour "Belle de jour", et par la suite pour beaucoup d'autres
films.
Ce fut un coup de foudre, en
quelque sorte ?
Non. Cette relation a abouti parce que notre rencontre s'est produite
à travers le travail. M. Saint Laurent est un homme si délicat
et si timide que si cette rencontre avait eu lieu dans des circonstances
plus privées, elle aurait été différente.
Dans ce contexte professionnel, nous parlions du vêtement, du film,
du personnage et, par ce biais, nous nous disions d'autres choses qui,
petit à petit, ont tissé un lien très fort entre
nous et ont donné naissance, chez moi, à une admiration
qui n'a jamais failli. Yves Saint Laurent est vraiment un être surprenant.
Comment choisissez-vous vos
modèles : sur les mannequins, lors des défilés ?
Oui. Très vite. Je fréquente cette maison depuis très
longtemps. J'y connais tout le monde. Je peux donc facilement imaginer
et juger ce qui me conviendra. Bien que le style de Saint Laurent me soit
familier, je continue d'être étonnée et surprise à
chaque collection. C'est là que réside la différence
entre la mode et la modernité : quelque chose qui survit aux saisons
et aux années même. Je porte encore des robes qui datent
de l'époque Mondrian. J'ai gardé beaucoup de vêtements
et je suis sûre que j'en reporterai certains dans quelques années.
Quand j'assiste aux collections, je retrouve son style, les matières.
Toute notre relation repose sur l'osmose qui s'est réalisée
entre nous. Je ne suis pas influencée, mais mon il est préparé
à ce mélange de simplicité et de sophistication.
Pour votre film Indochine",
qui sortira en avril prochain sur les écrans, est-ce Yves Saint
Laurent qui vous a habillée ?
Non. C'est un film d'époque. Gabriella Pescuecci, costumière
italienne de Visconti et de Fellini, a habillé les comédiens.
Tourner au Viêt-nam a-t-il
été éprouvant ?
Non, pas du tout. Je n'ai pas fait la guerre du Viêt-nam, mais un
film en Indochine, dans une ambiance extraordinaire. C'est un très
beau pays, où j'ai passé plus d'un mois, de la baie d'Along
à Hué. Nous avons tourné pour la première
fois dans la Cité interdite, au palais impérial de Hué,
restauré pour les besoins du film et auquel on a redonné
sa splendeur d'antan.
Travaillez-vous en ce moment
?
Oui et non. J'ai fini de tourner au mois de septembre. Ensuite, j'ai réalisé
le doublage et il me reste encore pas mal de choses à faire jusqu'à
la sortie du film.
Qui vous a suggéré
cette nouvelle coiffure ?
Quand j'ai tourné "Indochine", j'ai dit que je couperais
mes cheveux. Je l'ai fait. Mais pas aussi courts qu'aujourd'hui. A la
fin du tournage, j'ai constaté que je n'avais pas les avantages
des cheveux vraiment courts et j'ai décidé d'aller jusqu'au
bout de ma décision pour savoir au moins une fois ce que c'est
qu'avoir une nuque de garçon. Le dernier plan tourné, sur
le plateau même, je les ai fait couper.
Les années passent et
vous ne changez pas. Quel est votre secret ?
Je suis contente d'étonner encore sur ce plan-là. C'est
toujours un challenge, pour une femme. Et, avec les années, il
est de plus en plus difficile à relever. De la même façon,
je suis toujours émerveillée de voir Yves Saint Laurent,
qui n'est jamais devenu un "monsieur responsable". Malgré
le talent et le succès, il a su garder une inaltérable fraîcheur
qui fait de lui cet éternel jeune homme.

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Saint Laurent : Catherine Deneuve pose
pour fêter 30 ans de chefs-d'uvre

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Par : Claudie Van Gelder
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Film associé
: Belle
de jour, Indochine

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