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Eternelle Belle de Jour

Elle tourne sous la direction d'André Téchiné et sera sur les écrans le 6 septembre la troublante épouse de John Malkovich dans "Le couvent", de Manoel de Oliveira. Aux Etats-Unis, c'est l'été Deneuve avec la programmation - dans 70 salles ! - de "Belle de jour", tourné par Luis Buñuel en 1966. Pour "Paris-Match", la star présente la dernière collection d'Yves Saint Laurent, dont elle est l'image. Et se livre dans un tête-à-tête intime.

Qui est Catherine Deneuve en dehors du cinéma ?
Une femme qui fait tout pour garder cette partie d'elle-même qui lui appartient : sa famille, ses amis, son entourage. La barrière que j'ai construite n'est pas très haute, mais elle est très large. J'essaie de faire en sorte que ma vie soit protégée. Cela dit, je ne me barricade pas : je sors, je vis, je vais au restaurant, au cinéma, je vois mes amis... Qui je suis dans la vie ne regarde personne. Ce qui me frappe, c'est que, contrairement aux comédiennes, les comédiens sont moins sollicités sur leur vie privée, leurs vacances, leur vie personnelle.

Mais une femme n'est-elle pas un mystère ?
Peut-être. Une femme est sans doute plus attirante, même pour le public. Raison de plus pour résister à une demande qui est quotidienne. Je n'encourage pas du tout la curiosité sur ma vie privée.

Vos amitiés se situent-elles plutôt en dehors de votre milieu professionnel ?
Oui et non. J'ai de nombreux amis dans le cinéma, mais ce ne sont pas forcément des acteurs.

Vous tenez à contrôler votre image en photo. Faites-vous de même au cinéma ?
Non. Je trouve que je ne contrôle pas tellement mon image, puisque je sors et que je ne passe pas mon temps à me cacher dans les soirées ou derrière des lunettes noires dans la rue.

Aimez-vous les vacances ?
Les vacances d'été sont une habitude de jeunesse que j'ai perpétuée avec mes enfants. Je me suis toujours efforcée de les prendre avec eux durant les congés scolaires. Ils sont grands maintenant, mais je n'ai pas encore le réflexe de me dire : "Je peux partir quand je veux". Cette année, en tout cas, ce ne sera pas en été, car je tourne sous la direction d'André Téchiné.

Avez-vous gardé des souvenirs merveilleux de vos vacances d'enfance ?
Bien sûr ! Je me souviens avoir passé des vacances familiales très simples à la campagne, avec mes sœurs, à 40 kilomètres de Paris, dans une maison que mes parents possèdent toujours. Il n'y avait là rien d'extraordinaire, simplement l'insouciance et la gaieté.

Quel souvenir particulier vous revient en mémoire ?
La traversée de la Seine en bateau pour aller retrouver des amis sur l'autre rive. C'était une aventure quotidienne !

Vous est-il déjà arrivé de prendre des vacances en solitaire ?
Il est rare que j'aie envie de partir seule. A ce moment-là, je n'appelle plus cela des vacances. C'est un moyen de me retrouver, de me détendre. Je ne suis jamais fatiguée au point de devoir partir seule. En revanche, j'aime aller en thalassothérapie, mais pas l'été : à la rentrée ou au cœur de l'hiver, vers la fin de l'année.

Pouvez-vous vraiment profiter d'un plaisir ou d'un paysage sans pouvoir le partager ?
Il est toujours plus agréable d'être à deux. On est déjà tellement seul avec soi-même... Partageons donc tout ce qui peut être partagé !

Des plages de solitude vous sont-elles nécessaires à la fin du tournage d'un film ou après les vacances ?
Pas systématiquement, mais je peux ressentir la nécessité d'un certain isolement au cours d'un travail ou à l'intérieur même d'une journée. Le sentiment de solitude est quelque chose qui m'accompagne...

Y a-t-il des lieux où vous ayez envie de passer vos vacances ?
Généralement, les lieux qui me plaisent sont liés à la campagne, très proches de chez moi souvent. Il
y a aussi des villes que j'aime : Paris, New York, San Francisco... Ce sont des endroits où j'aimerais vivre. A New York et à San Francisco, la mer n'est pas loin et la lumière est particulièrement belle. J'ai en permanence un besoin de nature.

Avez-vous des souvenirs de vos amours d'adolescente ?
Aucun. Je suis issue d'une famille nombreuse, et nous étions toujours en bande. C'était plutôt cela, le
fonctionnement de notre "groupe de filles" : la bande.

Vous souvenez-vous de votre premier baiser ?
Sûrement... Je ne sais pas pourquoi j'hésite. Oui, bien sûr. Mais ce sont des choses que je n'évoque jamais.

Certains acteurs craignent de n'être aimés que pour leur renommée. Et les actrices ?
Les actrices peuvent dire également qu'elles sont aimées pour leur physique et non pour leurs qualités. C'est une angoisse inhérente à l'être humain. Je crois qu'on est tous un peu inquiets là-dessus, sauf ceux qui sont fats ou très sûrs de leur charme. Les gens célèbres sont habitués à être un peu plus méfiants, tant il est vrai que la réussite professionnelle a des effets sur l'entourage.

Faut-il être Antonio Banderas ou Woody Allen pour vous séduire ?
Woody Allen serait éventuellement plus mon type d'homme qu'Antonio Banderas ! Mais je ne les connais ni l'un ni l'autre ! Je préfère être séduite par l'humour et le charme d'un homme que par son physique. L'intelligence comme la gentillesse sont à mes yeux deux qualités absolument fondamentales. La beauté physique ne m'attire pas particulièrement. Je peux trouver des hommes très beaux mais pas forcément séduisants. De même que des hommes pas très beaux peuvent m'apparaître excessivement séduisants.

Dans votre vie amoureuse, avez-vous eu peur de la routine, du vide, de la solitude ?
Quand on est amoureux, on ne pense pas à tout ça. On flotte. C'est après, quand on aime et que l'on
s'installe dans une autre forme de relation, qu'on peut le craindre. Au début, on se sent invincible ! Après, on devient vulnérable.

Avez-vous eu peur de faire souffrir en quittant ?
Oui ! Et cela ne prouve rien, car c'est sans doute vrai aussi pour la pire des salopes ou le pire des salauds ! Quand on a eu un sentiment pour quelqu'un, on redoute toujours de le faire souffrir. Cela ne prouve pas que l'on soit ou très "bien" ou très "moche". Ce qui compte, c'est la façon dont on agit. Dans le domaine des sentiments, il n'existe pas de règle, même s'il y a des choses qui ne se font pas a priori. Loin de moi l'idée d'être moralisatrice. Dans une rupture, il y a trop de sentiments contradic-
toires enjeu. C'est tellement personnel !

Gardez-vous des rapports complices avec ceux que vous quittez ?
Je n'aime pas employer le pluriel. C'est désagréable pour les hommes, comme s'il s'agissait d'une collection, et ce pluriel n'existe pas vraiment dans ma vie, aujourd'hui. Mes rapports avec les hommes que j'ai aimés ? Je n'ai pas de règle, il est évident que je suis liée avec le père de ma fille, Chiara (Marcello Mastroianni). Nous avons une enfant que nous adorons et nous sommes très proches. Il y a aussi la vie qui fait qu'on peut se rencontrer ou pas. Et puis, quand on travaille, on n'est pas forcément dans les mêmes endroits au même moment. On retrouve des gens parfois longtemps après.

Vous quittez parce que vous aimez ailleurs ou parce que vous êtes lassée ?
Je n'en sais rien... C'est une question à laquelle je ne veux pas répondre.

Votre fils, Christian, et votre fille, Chiara, ont, comme vous, décidé de faire carrière dans le cinéma. Les avez-vous conseillés lorsqu'ils ont choisi cette voie ?
Mes enfants étaient majeurs quand ils ont décidé de leur voie, mais je n'étais pas très favorable à leur choix. C'est un métier aléatoire et difficile. Je ne parle même pas de réussir, mais simplement d'arriver à travailler. Pour des jeunes de 20 ou 22 ans, garçons ou filles, c'est terrible de rester sans travail. S'ils ne sont pas très structurés sur le plan de leur organisation de vie, ils peuvent se retrouver paumés. Tous les jeunes acteurs n'ont pas la chance de travailler. Toutes les jeunes actrices n'ont même pas la chance simplement d'être demandées dans des castings... Que faire ? En Amérique, on peut se dire qu'on fera des petits boulots, serveuse dans un restaurant, par exemple... En France, ce n'est pas facile, nous ne sommes pas aussi décontractés que les Américains.

Si vous regardez en arrière, est-ce plus dur aujourd'hui qu'avant ?
Oui, parce que tout est inversement proportionnel : il y a de plus en plus d'acteurs et d'actrices et de moins en moins de spectateurs dans les salles. On n'a plus le droit à l'insouciance.

Vous vous efforcez de jouer pour la nouvelle génération de réalisateurs...
Je ne me force pas. Depuis toujours, il m'arrive de travailler avec de jeunes réalisateurs. Je viens même de faire un court-métrage, "L'inconnu", d'Ismaël Ferroukhi ; il a la trentaine.

Lorsqu'ils vous contactent, les intimidez-vous ?
Dans un premier temps, sûrement. C'est normal, mais cela ne dure pas. Ma célébrité n'est pas un inconvénient majeur.

Recherchez-vous un rôle dans un registre particulier ou avez-vous une héroïne dans la tête ?
Je ne songe pas à une héroïne en particulier, je suis plutôt attirée par des scénarios originaux. Les héroïnes ne correspondent pas à ma façon de fonctionner. Je préfère devenir une héroïne au cinéma à travers un rôle plutôt que d'incarner un personnage connu que je devrais me contenter d'interpréter.

Avez-vous parfois un coup de cœur pour un rôle qu'on vous propose ?
J'ai eu beaucoup de chance. Notamment avec "Indochine" et, dans un registre différent, "Ma saison préférée". Il s'agissait de personnages féminins très forts qui ne pouvaient que me combler comme actrice. "Indochine" m'a marquée. Ma rencontre avec le Vietnam a été un véritable choc.

Etes-vous retournée dans ce pays ?
Oui, un an plus tard, à Hanoi et à Saigon, pour présenter le film. Ce fut très émouvant Dans le film, ma fille adoptive abandonne son bébé pour des raisons idéologiques. Cela, les Vietnamiens l'ont complètement rejeté.

Etes-vous partiellement productrice sur certains films ?
Non.

Vous êtes fidèle à Yves Saint Laurent depuis vingt-cinq ans.
Plus que ça !

Chez Saint Laurent, on a vos mesures. On vous fait une robe pour telle ou telle occasion sur un simple coup de fil...
Avoir une robe Saint Laurent, ce n'est pas un caprice. C'est une envie, un luxe auquel je suis très sensible. Je ne suis pas blasée. Nos rapports sont basés sur une très longue relation que je considère comme un privilège.

La maison Saint Laurent est-elle seule à savoir quand vous grossissez ou vous maigrissez ?
Quand on est habillé sur mesure, ce problème n'existe pas. On n'entre pas dans des vêtements, on
les fait sur vous. On ne vous pose pas ce genre de question. De plus, ce sont des choses avec lesquelles on a tant de mal à vivre qu'on n'a pas envie de les exposer ! Il est évident qu'un corps bouge, surtout en vingt-cinq ans.

Que vous a enseigné Saint Laurent sur vous-même ? Vos points forts ? Un art de cacher vos points faibles ?
Je ne pense pas que Saint Laurent fasse partie de ceux qu'on appelle "les magiciens du corps". C'est un créateur qui a un style. Il faut avoir une certaine silhouette pour porter ses modèles. Par exemple, il faut avant toute chose avoir des épaules. Et correspondre aux points forts de son graphisme : la tenue du dos, la ligne... Saint Laurent ne fait pas de vêtements pour dissimuler les défauts mais pour rendre les femmes belles.

Il suggère, vous décidez ? Vous demandez une couleur ? Une coupe ? Une matière ?
Yves Saint Laurent a réalisé spécialement pour moi des robes du soir pour des événements particuliers. Sinon, je choisis dans la collection et ne demande de changement que lorsque la couleur correspond plus à une brune qu'à une blonde. Je me souviens des toilettes qu'il m'a faites pour les grands anniversaires de la maison Saint Laurent, pour des films aussi bien sûr, et à l'occasion du Festival de Cannes ou de la cérémonie des Césars. Il aime le théâtre et le cinéma, il adore dessiner des costumes de scène.

Vous arrive-t-il d'acheter ailleurs ? Dans les boutiques de Saint-Germain par exemple ?
Je mélange beaucoup... Tous mes vêtements ne sortent pas de chez Saint Laurent. Il est d'autres couturiers que j'estime et admire. Je ne m'habille pas comme dans les journaux de mode. Il m'arrive de porter une veste de Saint Laurent, un pantalon de Roméo Gigli, une chemise de Michel Klein, ou une robe d'Alaïa, et un sac Chanel. Il est vrai que ma grande base, c'est plutôt Saint Laurent, mais je peux aussi porter un blue-jean avec un grand manteau long de Jill Sander, même si ça n'est pas l'image que j'ai de moi, et pas non plus celle que l'on a de moi.

Quel est votre rapport à l'argent ?
Faussement simple. Je suis à la fois inquiète et peu raisonnable : je suis capable de dépenser trop mais incapable de rester indifférente ou désinvolte par rapport à ces excès.

Votre fille Chiara s'habille-t-elle Saint Laurent ou se l'interdit-elle ?
Ma fille ne s'interdit rien de ce genre. Elle a 23 ans. Elle voit sa mère, elle la connaît. Nous parlons beaucoup. Elle admire Yves Saint Laurent Une jeune fille, et surtout une jeune actrice, n'a pas forcément envie de s'habiller comme sa mère, même si elle trouve qu'elle est élégante. Chiara préfère ce qu'on appelle les jeunes créateurs, Agnès b., Marcel Marongiu.

Quand elle déprime, parce qu'elle n'est pas choisie dans un casting, par exemple, trouvez-vous les mots magiques pour la consoler ?
Elle ne déprime pas pour cela, heureusement !

Et vous, comment cela se passe-t-il ?
Il faut qu'il y ait, avec un metteur en scène, une envie réciproque de travailler ensemble. Cela peut passer par un producteur qui souhaite vous faire rencontrer un metteur en scène. On ne me dit pas : "On a pensé à vous" mais "On a pensé à vous mais aussi à telle ou telle actrice"... On ne propose pas à tous le même rôle en même temps.

S'agissant du film de Téchiné, allez-vous voir les rushes ?
Je vais toujours voir les rushes des films que je tourne. Et même si je ne suis pas dans la prise. J'en tire des enseignements.

Etes-vous critique avec vous-même ?
Oui, je suis aussi sévère avec les autres qu'avec moi-même. C'est à la fois une qualité et un défaut.

Vous intéressez-vous à ce qui se passe dans le monde ?
Et si je vous disais non...

Eternelle Belle de Jour


Par : Jean-Claude Zana
Photos : André Rau


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