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Catherine
Deneuve est Marie dans Pola X |
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Comment êtes-vous entrée
dans l'univers de Leos Carax ?
Je ne suis pas entrée dans l'univers de Leos Carax, parce
que je ne pense pas que Carax ait cherché à m'entraîner
dans son univers. De toute façon, à moins d'une relation
personnelle qui se prolonge, je ne pense pas qu'on entre dans l'univers
des cinéastes. Comme on n'entre pas dans la tête des gens.
Mais je me suis sentie très bien dans ce film. J'avais vu les autres
films de Carax, c'est quelqu'un que j'admire. Ce film était l'occasion
de le voir et de le connaître un peu mieux. Je l'ai vu un peu plus,
mais je ne le connais pas mieux, parce que les tournages sont compliqués
et parce que c'était un film difficile pour lui. Nous nous sommes
vus ce qu'il fallait, dans l'harmonie.
Vous semblez à l'aise
dans l'univers un peu fantaisiste de la première partie de "Pola
X"...
Je me suis toujours sentie à l'aise dans les mondes fantaisistes.
Quand on a eu la chance de tourner avec Jacques Demy, on est prêt
à tout, car Demy est sans doute le cinéaste le plus fou
avec qui j'ai tourné, et c'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de
choses qui me font peur. L'univers de "Pola X" est en effet
un univers de fantaisie, et c'est un des plus grands charmes du cinéma
que d'inviter à la fantaisie.
Avez-vous abordé le personnage
de Marie comme un personnage traditionnel ?
Non, pas du tout. Je savais que mon rôle était bref. Faire
un travail traditionnel aurait été disproportionné,
hors de propos, et je n'ai pas ressenti le besoin de le faire. Je n'avais
pas beaucoup de questions à poser à Carax non plus, la lecture
du scénario m'avait donné l'essentiel. Mon personnage n'a
qu'une petite part dans l'histoire que raconte le film, mais une part
qui permet de faire comprendre quelles relations Pierre a connues et ce
qui pouvait le faire fuir, ou le faire courir après quelque chose
de plus vrai, de plus sincère que la relation imposée par
la loi du sang qui perd subitement son sens pour lui.
Le film invente entre vous et
Guillaume Depardieu une ressemblance à la fois ludique et troublante...
Parce que nous sommes blonds. C'est pour ça que Carax m'a choisie
d'abord, pour ma blondeur. Il a cherché quelqu'un qui pourrait
être une mère plausible pour Guillaume, et même s'il
n'y a pas une vraie ressemblance entre nous, ce n'est pas impossible d'imaginer
que cette ressemblance existe. La scène où c'est le plus
évident, c'est lorsque Marie et Pierre fument tous les deux sur
le lit, dans la chambre. On sent qu'elle aimerait le garder comme ça.
Marie, c'est une mère
ou LA mère ? C'est la bonne ou la mauvaise mère ? Elle a
une dimension symbolique, selon vous ?
Une mère n'est jamais ou bonne ou mauvaise, c'est ça le
problème. Et elle est toujours abusive. On aime toujours trop,
ou mal, ou pas assez. Marie est un peu une mère abusive, avec une
tendance à avoir un rapport platonique incestueux avec le seul
fils qu'elle ait eu. Symboliquement, elle est écrasante.
La mort de Marie est une scène
magnifique, très étonnante, et qui fait presque peur quand
la moto fonce sur vous. C'était une scène difficile à
tourner ?
Ce n'est pas ce que j'ai préféré
faire dans le film, mais le tournage de cette scène était
assez beau. C'est toujours autre chose, l'atmosphère de la nuit.
C'est à la fois toujours plus difficile de tourner, et là
il faisait en plus très froid, et en même temps c'est toujours
une ambiance plus forte. Le plan le plus difficile, c'était en
effet celui où Marie est morte et où la moto arrive sur
elle en tournant dans tous les sens. Il n'y a jamais assez de temps pour
préparer des plans comme celui-là, et ce sont en général
ceux qu'on ne refait pas, donc on prend quelques risques. Carax a envie
que le film soit visuellement intéressant, et ça ne le gêne
pas de pousser les choses assez loin en sachant qu'il y a toujours une
petite part d'impondérable dans la façon dont ça
va se dérouler. Mais je savais jusqu'où je pouvais aller.

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