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Une
star de lumière entre au couvent |
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Catherine Deneuve, comme toujours
élégante, vêtue par Yves Saint Laurent, a fait sensation
au dernier Festival de Cannes. Elle présentait "Le couvent",
de Manoel de Oliveira projeté le même jour que le dernier
film de Chiara Mastroianni, sa fille.
La plus belle des actrices françaises
est aussi la plus éclectique ; depuis ses débuts, elle ne
s'est pas contentée d'utiliser son physique exceptionnel, mais
a mis son talent d'actrice au service d'artistes aussi originaux que variés,
comme Luis Buñuel, qui en fit une perverse "Belle de jour"
et une "Tristana" dure et sensuelle.
A Cannes, elle a pris le temps de jouer les "ambassadrices
de bonne volonté" et a remis à Pierre Viot, le président
du Festival, la première des médailles Fellini créée
par l'UNESCO pour le Centenaire du cinéma. Elle a aussi et surtout
présenté "Le couvent" avec son partenaire John
Malkovich et encouragé sa fille, Chiara Mastroianni, héroïne
de "N'oublie pas que tu vas mourir", de Xavier Beauvois, qui
a obtenu le Prix spécial du jury. Avec sa franchise et sa subtilité
habituelles, Catherine Deneuve s'est confiée à la presse.
L'an dernier, vous étiez
présidente du jury. Cette année, vous venez en tant qu'actrice,
pour la quatrième fois en compétition officielle. Quelle
activité préférez-vous ?
Je préfère ce que je connais le mieux, jouer la comédie.
Je ne recherche pas la compétition, mais je préfère
être jugée plutôt que juger !
Quel effet cela vous fait-il
d'être en compagnie de votre fille, Chiara Mastroianni ?
C'est une première ! Le film dans lequel joue Chiara a été
présenté le même jour que "Le couvent",
cela fait beaucoup d'événements à la fois, des plaisirs
mélangés, plus de tensions et d'inquiétudes, des
coïncidences et des moments uniques dont j'essaie de profiter. Il
y a deux ans, Chiara venait à Cannes pour un film dans lequel nous
jouiions toutes les deux. Je ne me sens pas blasée de venir à
ce festival, et j'ai l'impression d'avoir été encore plus
inquiète que Chiara sur les réactions du public. Ces appréhensions
sont éphémères, mais il reste le film, et c'est l'essentiel.
Avez-vous aimé le film
de Xavier Beauvois avec Chiara ?
Je ne sais pas si je l'aime ou non, mais je peux affirmer qu'il m'a surtout
bouleversée.
Qu'est-ce qui vous a déterminée
à tourner ce film ?
A l'origine, il existait une envie réciproque, Manoel de Oliveira
et moi avions eu des contacts indirects : j'avais confié à
une journaliste portugaise mon désir de tourner avec lui, il en
a été informé et s'est mis à développer
un sujet pour moi. Je l'ai rencontré au Portugal et je suis allée
vers lui. Je n'ai pas l'habitude d'être aussi directe, mais une
fois n'est pas coutume !
Comment procédez-vous
pour choisir un film ?
Je ne cherche pas à être séduite par un scénario,
mais à combler un désir de rencontre. Le but final d'un
film est de plaire, c'est certain, mais à part le souhait qu'il
soit vu par le maximum de gens, ce qui m'a poussée c'était
l'envie d'être avec Manoel de Oliveira. Je me suis engagée
en connaissant les décors et les angles de prises de vue, sans
me demander si le sujet me plaisait ou non. D'ailleurs, tout n'est pas
révélé au public dans le film, ni à la fin.
Voyez-vous un point commun entre
Buñuel avec qui vous avez tourné et Manoel de Oliveira ?
Oui ! L'obscurité ! Voilà leur point commun, qui, personnellement,
me convient.
Qu'y a-t-il de séduisant
dans l'obscurité ?
Dénouer quelque chose qui fascine, intéresse et fait peur.
Je préfère entrer dans l'expérience personnelle d'un
auteur, c'est un peu physique comme sensation ; chacun doit y trouver
sa propre interprétation. John Malkovich et moi, nous sommes entrés
dans un rébus, mais ça a beaucoup de charme !
Qu'en est-il des forces obscures,
du Diable qui apparaissent dans "Le couvent" ?
Je crois au Diable. On parle de plus en plus des anges gardiens, je suppose
que si on en a autant besoin, c'est que le Diable existe. En tout cas,
je suis d'accord pour vivre avec cette réalité.
On dit de vous que vous êtes
une actrice rapide. Avez-vous eu du mal à vous intégrer
dans l'univers plutôt lent de Manoel de Oliveira ?
Je suis quelqu'un d'à la fois très
rapide et de contemplatif. L'endroit où nous avons tourné,
au Portugal, est sublime, un de ces lieux que l'on choisit pour y établir
des édifices religieux, en harmonie avec la lumière, le
soleil et l'eau, où l'on peut se sentir incroyablement bien si
on peut rester dans un endoit totalement silencieux. Pour une personne
nerveuse comme moi, c'est très bénéfique et apaisant.
Je ne force pas les choses. Je ne cherche pas obligatoirement à
trouver une porte et à l'ouvrir avec une clé ; je sais voir
ce qu'on ne montre pas, je crois avoir assez d'imagination et de fantaisie
pour aborder ce que je ne comprends pas nécessairement. Je ne cherche
pas à m'intégrer à tout prix.

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Une belle rencontre

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Par : Hélène
Merrick
Photos :
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Film associé
: Le
couvent




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