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Fascinante Catherine Deneuve. A Weekend Le Vif / L'Express,
la star parle sans détour de son âge, de son nouveau rôle
de grand-mère. Et de Mastroianni.
Quel beau cadeau ! A quelques semaines de son anniversaire
(elle est née le 22 octobre 1943), Catherine Deneuve vient de se
voir décerner, à la Mostra de Venise, le prix d'interprétation
pour son rôle de bourgeoise alcoolique dans "Place Vendôme",
réalise par Nicole Garcia. Enlisée dans l'alcool, souvent
remgiée dans des cliniques et des maisons de repos, Marianne, après
la mort de son mari (Bernard Fresson), joaillier de la place Vendôme,
à Paris, retrouve peu à peu les gestes de son ancien métier.
Grande courtière en pierres précieuses, elle a aimé
Battistelli (Jacques Dutronc) qui l'a trahie. C'est, pour la star, l'un
des plus beaux rôles d'une carrière riche de personnages
étonnants. A quelques heures du palmarès de Venise, elle
nous avait accordé cet entretien dans lequel elle parle sans détour
de son âge et de son nouveau rôle de grand-mère, de
sa sur aînée, Françoise Dorléac, tuée
dans un accident de voiture, à Nice, en 1967, de Marcello Mastroianni.
Et de son envie de faire de la télévision.
Pour interpréter Marianne,
avez-vous observé des alcooliques dans des cliniques ?
Non, je suis beaucoup sortie dans ma vie et j'ai croisé des personnes
qui ne vont pas boire dans les bars mais qui s'adonnent à ce que
j'appelle l'alcoolisme mondain. J'ai beaucoup réfléchi au
problème de la voix, je voulais trouver ce quelque chose qui vous
trahit et qu'on ne peut contrôler. On peut se maquiller, s'habiller
haute couture mais la voix, ça ne pardonne pas...
Et ce flair de courtière
diamantaire ?
C'est un milieu que je connais. Mon beau-frère, ma sur, et
mes nièces sont dans la joaillerie. C'est une profession très
ancienne dont les instruments sont restés les mêmes depuis
le Moyen Age, même si, de nos jours, ils sont électriques.
Prisonnière d'un mari,
vous recommencez à vivre quand il meurt
Oui, et ça arrive souvent dans la vie. Les femmes, dévouées
à leurs enfants et à leur mari, revivent après une
grande épreuve. Marianne commence à être autonome
parce qu'elle doit faire face.
Elle est finalement positive,
non ?
Non, elle n'est pas positive. Elle vit avec le sentiment qu'elle ne peut
pas pardonner, qu'elle ne peut pas oublier, ce n'est pas son amour qui
la relève, c'est la trahison.
Ce film baigne dans une certaine
fascination pour la richesse, c'est très voluptueux
Absolument, voluptueux, c'est le mot ! Je me suis sentie très bien
dans cet appartement immense avec les grands paravents de laque et ces
fauteuils profonds, ces très belles matières, tout ce côté
luxueux, sophistiqué et esthétiquement très beau
! Mais je ne pense pas que cela puisse faire le fond d'une vie.
Aviez-vous des réticences
pour jouer cette femme mise à nu ?
Beaucoup de journalistes ont parlé de mon image sophistiquée.
Ce n'est pas vrai, j'ai fait pas mal de choses difficiles avec André
Téchiné. Quand vous croyez en votre réalisateur,
vous acceptez qu'on vous dise : "Aujourd'hui, vous allez jouer sans
maquillage". Si tout ça a du sens bien entendu. Et puis (rire),
c'est un grand soulagement d'éviter deux heures de préparation,
de maquillage et de coiffure...
Dans "Les voleurs",
vous tombiez amoureuse d'une jeune fille, et maintenant, dans "Place
Vendôme", vous jouez encore un personnage plutôt limite.
Votre carrière prend-elle une nouvelle direction ? Refusez-vous
désonnais les rôles de femmes dans la norme ?
Non, pas du tout. Je me considère d'abord comme une interprète.
J'entre dans la peau des personnages mais cela ne veut pas dire pour autant
que je suis comme eux ! André Téchiné et Nicole Garcia
me voient mieux que je ne me vois. De plus, je dois évoluer au
fur et à mesure que j'avance en âge et ça, c'est une
chose que je n'essaie pas d'éviter.
Vous allez avoir 55 ans, est-ce
dur, pour une femme, de trouver des rôles à cet âge
?
Pour moi, non, je ne sais pas pourquoi. J'ai beaucoup de chance. J'ai
eu des années dans ma carrière plus importantes que d'autres
mais pas de mauvaises années. Les films que j'ai interprétés
ces derniers temps et ceux dans lesquels je vais jouer dans les dix-huit
prochains mois ont été écrits pour moi. Même
si j'ai cet âge, je n'en ai pas l'air, donc je peux vivre une love
story au cinéma.
Meryl Streep se plaignait récemment
de ne pas trouver de rôles dignes
En Amérique, on n'a pas le droit de vieillir et je suis sure que
Meryl Streep serait plus heureuse de travailler en Europe que là-bas.
Peut-être qu'aujourd'hui ils permettraient qu'un jeune homme tombe
amoureux de sa belle-mère (la deuxième femme de son père),
c'est ce qui arrive dans "Belle-maman", une comédie de
Gabriel Aghion, que je tourne actuellement. La femme, aujourd'hui, a le
droit de vieillir et les films sont le reflet de cette réalité.
Vous avez bien dit ne pas faire
votre âge ?
Oui, je peux dire ça !
Comment faites-vous pour rester
aussi belle ?
(Rire) Je ne suis pas aussi belle que vous le dites ! Après un
certain âge, n'importe quelle femme essaie de ralentir le processus
et moi, en tant qu'actrice, je dois faire attention à mon apparence
physique. Mais ce sont mes gênes qui comptent : ma mère est
une femme solide.
Dans les dossiers de presse
qui vous concernent on vous associe souvent à Françoise,
votre sur
Oui, et j'en suis ravie.
Auriez-vous été
en concurrence avec votre sur si elle avait été encore
de ce monde ?
Parfois, je pense à ça. Je suis sure que nous aurions eu
des moments difficiles parce qu'elle était nerveuse, moi aussi.
Nous nous serions disputées mais la rivalité n'en serait
pas la cause. Rien que des disputes de surs parce que nous n'aurions
pas la même opinion, parce qu'elle ne me laisserait pas parler,
parce qu'elle serait arrivée en retard. Nous avions une petite
différence d'âge (NDLR : Françoise est née
en 1942), nous étions très différentes mais très
proches.
Et êtes-vous proche de
votre fille, Chiara Mastroianni ?
Tout à fait, nous allons au cinéma ensemble, nous parlons
des films, des réalisateurs, des acteurs, de la profession. Elle
a une personnalité très forte mais elle me demande des petits
conseils.
Qu'est-ce que ça vous
fait d'être grand-mère ?
Je ne le réalise pas. J'ai gardé Milo (20 mois), le fils
de Chiara, pendant une semaine à la maison et c'était très
amusant lorsque je le promenais : comme j'avais une relation très
proche avec ce petit bout de chou, les gens devaient penser que c'était
mon enfant. Je ne tricote pas pour lui mais je suis contente d'avoir ce
petit bonhomme dans ma vie.
Quand Marcello Mastroianni a
quitté ce monde, c'était une perte terrible. Se remet-on
de cela ?
Quand vous perdez quelqu'un qui est le père de votre fille, qu'il
demeure à Paris comme vous et qui fait partie de votre vie depuis
vingt-cinq ans, vous ne pouvez pas oublier. J'ai eu des pertes terribles
dans ma vie. Non, on ne s'en remet pas, mais il faut essayer de vivre
avec.

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