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Journal télévisé du 5 février 2002

David Pujadas : 8 stars. On a du mal à imaginer l'ambiance sur le tournage et dans les coulisses, est ce qu'il y avait de la concurrence entre vous ?

Catherine Deneuve : Non, enfin, on ne s'était pas consultées avant, mais franchement non, non, mais c'est vrai que ça ne donne pas beaucoup prise à... ce genre de... on nous a posé la question beaucoup au début puis je crois que très vite tout le monde s'et rendu compte que c'était pas vraiment l'actualité du film parce qu'on était un groupe et je crois que c'est vrai, il y avait plus une atmosphère de pensionnat de…

DP : Complicité ?

CD : Oh oui, franchement, franchement oui.

DP : Parce qu'on dit " les egos de stars "...

CD : D'abord on n'est pas des stars, on est des actrices et puis on est 8, vous savez, 8 ça devient une somme, c'est plus… enfin, je sais pas, c'était un peu... c'était vraiment différent quand même.

DP : Et vous, Fanny Ardant, on dit que vous étiez assez réticente ; vous dites : "j'aime pas trop les colonies de filles". Vous avez dit ça devant France Presse.

Fanny Ardant : Oui, et puis je me suis trompée, parce que c'est vrai [Fanny rit et Catherine aussi].

CD : Ça c'est Fanny, voilà !

FA : Oui, parce qu'on m'avait présenté ça sans hommes alors j'ai dit "les femmes entre elles !" et puis...

CD : C'est vrai que c'était pas très naturel.

FA : Mais le cinéma c'est très concret, alors on se retrouve avec une scène plus une scène plus une scène et dans ces 8 elles se transformèrent en une plus une plus une et tout. Moi j'ai un très bon souvenir. Comme du champagne.

DP : Est-ce que c'est flatteur quand même d'être dans un film comme ça, on a l'impression un peu de... d'appartenir finalement...

CD : À quoi ?

DP : J'allais dire presque à une élite, on a choisi les stars, on a choisi les vedettes, les actrices.

CD : On n'a pas été choisies parce qu'on était des stars, parce que d'abord c'est un mot qui est…

DP : Un peu quand même !

CD : Mais non mais aussi, parce que, si vous voulez François Ozon voulait faire un film où il y avait des personnages et enfin il connaissait les personnages et il voulait trouver des actrices qui correspondent à ces personnages, on pourrait refaire la distribution, peut être pas ici ce soir, mais la semaine prochaine si vous voulez on pourrait très bien imaginer d'autres actrices dans nos rôles, il y aurait au moins deux ou trois distributions possibles je pense pour ce film, non c'est pas du tout... simplement il a été et... comme c'est quelqu'un de très intelligent et de très malin, je pense qu'il a su très bien se servir de ce que nous avions déjà fait au cinéma avant dans d'autres films, ne pas lutter contre, parce que c'est vrai que les actrices connues, on se dit toujours… mais il y a une espèce de flottement comme ça... rapport à d'autres films qu'on a faits avant, donc il s'est servi de ça il y a des références et même quand il n'y a pas de références, il s'est servi, je veux dire, de notre notoriété de... d'actrices.

DP : Lui il dit quand même qu'il y a eu un peu de tension ; il dit "je me suis cantonné dans un devoir de neutralité pour ne pas avoir l'air de privilégier l'une par rapport à l'autre".

CD : Ça c'est peut-être lui qui l'a vécu comme ça [Fanny rit] mais franchement nous on l'a vécu comme une... enfin peut-être que lui il était dans cet état là, c'est normal, c'est quand même lui qui portait le film, il était en plus cadreur, c'est vraiment un projet qui lui appartient complètement donc je pense que c'était difficile pour lui, pour nous, mais ça c'est le plaisir d'être actrice, moi je trouve quand même [à Fanny]. Vous ne trouvez pas ?

FA : Oui.

CD : On arrive, on fait les choses, on a cette responsabilité de décision, de tenir les choses.

FA : Et je pense que la perversité de François c'était, il savait bien ce côté, ce cliché de l'électricité entre des femmes ensemble dans un vase clos.

CD : Alors il a dû être un peu déçu quand même je pense.

FA : Oui, ou c'est comme si vous faites un match de boxe, vous vous imaginez toujours que les deux hommes se détestent mais ça fait partie du plaisir, mais au fond, finalement... Ben il n'y avait pas tout ça.

DP : Vous avez aimé chanter ?

FA/CD : Oui.

CD : Je crois que toutes les actrices aiment chanter, tous les acteurs ont envie de chanter, c'est quelque chose de tellement agréable, de tellement physique, de tellement direct, tout le monde était très... Toutes les actrices, je crois, étaient très très contentes d'interpréter une chanson.

DP : Alors il y a une scène, hein, qui est une des scènes fortes du film, d'ailleurs on s'est bien gardé de nous en laisser un extrait.

CD : Ah il faut aller voir le film.

DP : Où vous vous disputez où vous vous crêpez le chignon et puis finalement ça se termine enlacées fiévreusement sur la moquette avec un baiser torride.

FA : Ah bon ?

CD : J'étais pas là, moi.

DP : Ben oui.

FA : Moi non plus [elles rient toutes les deux].

DP : Est ce qu'on s'y prépare spécialement à une scène comme ça ? C'était pas évident quand même.

CD : Mais...

DP : Bon, c'est vrai qu'il y a 20 ans ça aurait peut être fait beaucoup parler aujourd'hui c'est plus naturel quand même.

CD : À mon avis ça va faire parler quand même, enfin j'espère.

DP : Je pense aussi.

CD : C'est quand même pas tout à fait naturel d'autant plus qu'elle part d'une chose dramatique pour devenir une chose violente et puis elle se termine en effet par une scène… C'est une chose assez sensuelle.

DP : Plus que sensuelle.

CD : Ah bon ? Vous appelez ça comment vous alors ?

DP : Je ne sais pas.

CD : Sexuelle ? Quand même pas ! [Fanny rit].

DP : Presque ?

CD : Et puis ça termine en comédie, parce que l'arrivée des filles qui reviennent et qui nous découvrent comme ça, donc c'est totalement...

DP : Il n'y a pas un peu d'appréhension ? Avec une scène comme ça ?

CD : Oh si, moi j'appréhendais beaucoup.

FA : Mais autant de se battre, parce que pour se battre il faut savoir se battre et moi j'avais très peur de faire mal à Catherine.

CD : Oui parce qu'on n'est pas des professionnelles cascadeuses, ça c'est une crainte que l'on a toujours, donner une gifle par exemple c'est épouvantable, souvent, au cinéma, on a beau vous expliquer comment arrêter le geste, c'est toujours une crainte terrible ça, la peur de faire mal, alors que dans la vie, si ça arrive, ça arrive.

DP : C'est plus compliqué que de jouer un baiser ?

CD : De gifler ? Ah oui, je préfère un baiser qu'une gifle, de toute façon, dans la vie, je préfère un baiser qu'une gifle [Fanny rit], mais je préfère donner un baiser, franchement, qu'une gifle, c'est très difficile d'être agressif sur commande.

DP : Vous vous connaissiez ? Vous n'aviez jamais tourné ensemble ?


FA : Jamais.

CD : On se connaissait un peu, mais on n'avait jamais tourné ensemble, non.

FA : Mais moi je ne connaissais aucune des actrices, je n'avais jamais tourné avec aucune et ça aussi ça a fait partie du plaisir, parce qu'on se voit de loin et tout à coup on s'est retrouvées dans ces équations là et moi je me suis dit, j'aurais aimé aller plus profondément avec chacune.

CD : Moi je crois que ce que j'aurais aimé c'est qu'on tourne le film en extérieurs, c'est-à-dire qu'on ne soit pas à Paris, ce qui fait qu'on aurait pu se voir le soir, qu'on aurait dormi dans le même hôtel, ça c'est le plaisir des tournages quand on n'est pas à Paris. À Paris, tout le monde retrouve sa vie et... voilà, j'aurais su un peu plus de chacune.

DP : C'est idyllique ce que vous décrivez, alors vous aviez toutes envie de devenir amies ?

CD : Ah bon ? Ah non non, c'est pas de devenir amies, c'est se connaître.

DP : Partager un moment.

CD : Partager un moment, mais c'est surtout se connaître mieux, se connaître plus voilà, ça ne veut pas dire devenir amies.

FA : Mais voilà un tournage, c'est pas comme une équipe de télévision, un tournage ça ne dure que deux mois et c'est très intense, c'est un début un milieu et une fin, alors il y a un phénomène de grandes vacances il faut en profiter parce qu'on sait qu'on ne se retrouvera pas, c'est pas le phénomène du bureau où tous les jours on va voir les memes têtes, donc il y avait une sorte de joie éphémère, dont on a bien profité.

DP : Et d'un mot, quand vous avez vu le film monté, à la première projection, vous avez retrouvé ce que vous avez vécu ?

CD : Non, c'était autre chose, j'ai eu une certaine surprise et il y avait plus de drôlerie que je n'avais vécu euh... Plus d'insolite aussi, vous savez, quand on tourne pendant deux mois tous les jours dans un décor unique il y a forcément des moments disons un peu plus difficiles de... Je connaissais le scénario... je n'avais pas vécu exactement ce que j'ai éprouvé sur l'écran et puis heureusement car il y a eu un travail de montage formidable et ne reste que ce qui devait être dans le film, mais c'est la quintessence de ce qu'on avait fait, c'est ça que j'aime d'ailleurs au cinéma.

FA : Moi ce qui me frappe c'est toujours le décalage entre un scénario et après chaque rôle interprété par, justement, Catherine, Emmanuelle, Isabelle... je trouve qu'il y a une histoire et puis après une fois que c'est incarné sur l'écran ça appartient exactement à celles qui l'ont incarné.

CD : Oui, un film ça se déplace beaucoup entre le moment où on a lu le scénario et où l'on tourne et le moment où le film arrive, ça se déplace énormément et heureusement d'ailleurs.

DP : Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.

FA/CD : Merci.

France 2

Journal télévisé
du 5 février 2002

Captures d'écran


Par : David Pujadas


Film associé : Huit femmes



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