Ses interviews / Radio et télévision / "Public" 1999 (TF1)
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Emission "Public"

Bonsoir à toutes, bonsoir à tous, merci de nous rejoindre sur le plateau de "Public". Catherine Deneuve, merci d'être ici. Vous êtes très rare à la télévision. C'est un choix pour ne pas... je ne sais pas... user son image comme on dit aujourd'hui ?
Non, pour moi la question ne se pose pas en terme d'usure mais en terme de... disons plutôt de quoi ?... Disons de ne pas... je trouve que la télévision pour les acteurs n'est pas le lieu idéal parce que je crois qu'on s'attend à retrouver les acteurs plus autre chose et qu'il y a... je ne sais pas... à la fois une proximité et en même temps quelque chose qui laisse toujours un petit peu sur sa faim, je ne sais pas. Donc oui... enfin là c'est différent si vous voulez parce que c'est une émission qui se fait en direct, donc la télévision, j'aime bien quand ça ressemble vraiment à de la télévision. Donc le fait que ce soit en direct, en public, même si c'est un petit peu dur parce que moi je n'ai jamais fait de théâtre, donc je ne suis pas habituée à être regardée, le fait que c'est aussi mes mots, moi qui parle et que je ne suis pas une actrice et c'est vrai que j'ai toujours dit que je me sentais plutôt une interprète, c'est vrai que c'est un petit peu plus compliqué.

C'est l'absence de mystère qui ne vous plaît pas à la télévision ?
Peut-être et pourtant je regarde beaucoup la télévision ; mais c'est vrai que je crois que ce n'est pas les acteurs que je préfère voir à la télévision, c'est ce qu'on appelle vraiment la télévision, les émissions, le journal, oui.

Alors on va parler de votre actualité puisqu'elle est riche, il y a deux films à l'affiche, "Belle-Maman", la comédie de Gabriel Aghion qui sort mercredi, "Le vent de la nuit" de Philippe Garrel, qui est sorti mercredi dernier. Des films qui s'annoncent, "Pola X" de Léos Carax, qui sera présenté à Cannes, Régis Wargnier "Est-Ouest", "Le temps retrouvé" de Raoul Ruiz un peu plus loin. Donc ça fait une grosse actualité cinématographique. Mais auparavant... on l'a appris quand vous arriviez dans les studios de TFl', on vient d'apprendre la mort du cinéaste américain Stanley Kubrick dont on peut dire que c'était un des géants de la réalisation de ce siècle.
Oui, on peut dire sombre dimanche.

Vous avez immédiatement en mémoire des images de lui ?
Oui. Je crois "Les sentiers de la gloire", "L'ultime razzia", beaucoup de choses et puis surtout... "Full métal jacket" et surtout l'image d'un cinéaste comme ça très sombre, très mystérieux, mais avec un univers et une envie en tous les cas, de faire son œuvre coûte que coûte et en dehors de toute la normalité de cette profession, qui paraissait à la fois forcenée et en même temps tellement évidente pour lui, donc quelque chose de puissant. Je n'arrive pas à imaginer qu'il soit mort d'autre chose que du cœur ; j'imagine que c'est quelqu'un qui devait être... je sais qu'il tournait beaucoup, que les acteurs avaient beaucoup de mal à tourner avec lui. C'est quelqu'un qui demandait énormément, qui recommençait, qui pouvait tourner jusqu'à cent prises, donc j'imagine quelqu'un de peut-être stressé et de stressant aussi. Donc je ne sais pas pourquoi, j'imagine un cœur qui lâche plutôt.

Un perfectionniste, bon on pense à des films comme "Barry Lyndon" avec tout le travail sur l'image et la lumière...
Magnifique "Barry Lyndon"...

... Qui renonçait aux lumières habituelles pour avoir des scènes entièrement éclairées à la bougie.
Moi j'avais un film d'ailleurs avec l'opérateur de Kubrick pour ce film-là, c'était un Anglais qui était très très talentueux et il me disait qu'ils avaient utilisé d'abord beaucoup de bougies, de lumière de bougies et également il avait fait faire beaucoup d'essais avec des verres très spéciaux qui étaient fabriqués pour la NASA, donc des choses vraiment expérimentales extrêmement pointues et avec un piqué très particulier. Toujours, on sent chez Kubrick, de toute façon, quel que soit le sujet, un désir d'expérimentation, d'aller plus loin, d'approfondir et de chercher des choses vraiment très très intéressantes, une démarche personnelle très intéressante.

Avec évidemment une variété incroyable... chaque film était une sorte d opéra parce que ça allait de "Spartacus" à "2001 Odyssée de I'espace".
Ça pour moi, "L'Odyssée de l'espace", c'est vrai que j'aurais dû dire ça parce que ça, c'est un souvenir extraordinaire, "L'Odyssée de l'espace", pour moi, un film d'un dépaysement extraordinaire. Je l'ai vu au moins trois fois, le film et je me souviens vraiment d'un choc très très grand.

Il faut vous envoyer très loin dans l'espace pour que vous soyez dépaysée ?
Non, ce n'était pas tellement l'espace, c'était vraiment le côté science-fiction. Je ne sais pas... on pourrait me dire que ça a été tourné en studios à Londres, je ne sais pas, la musique, tout ce qu'il a réussi à créer et à inventer et là ce n'était pas sur la technique pure ou la modernité de ce qu'il a utilisé pour faire le film mais c'est sur l'invention pure, c'est-à-dire que c'est vraiment... oui, on me dirait que ce film a été tourné entièrement en studios, ça ne changerait rien, c'est un film tellement inventif.

C'est quoi quand un grand réalisateur disparaît pour vous ? C'est comme un membre de la famille qui s'en va ?
Non, parce que je ne pense pas que le cinéma soit une grande famille contrairement à ce qu'on dit souvent pour essayer de rapprocher des choses tellement éloignées et des personnalités tellement éloignées les unes des autres...

Cela dit, dans une famille, ça peut castagner aussi.
Oui, enfin dans la mienne, on n'a jamais castagné, sauf quand on était enfants, mais on ne s'est jamais vraiment castagnés. Nous, on est pour des choses plus harmonieuses dans ma famille. Non, mais je pense que Kubrick ne faisait pas partie de la famille du cinéma, d'abord c'était un homme qui vivait en reclus, qui était complètement dans une maison je crois... extrêmement perfectionnée, avec des surveillances, personne ne le voyait. Je crois qu'il ne se faisait même pas livrer chez lui, j'avais entendu dire qu'il se faisait livrer à l'angle de sa maison les choses qu'il devait rentrer chez lui pour qu'on ne connaisse même pas l'adresse exacte de là où il habitait à Londres. Donc c'est quelqu un qui ne faisait pas partie de la famille du cinéma, non, c'était un créateur, un cinéaste mais je ne dirais pas qu'il était de la famille du cinéma.

Alors il venait d'achever un tournage extrêmement mystérieux, sur lequel on ne savait rien, avec Tom Cruise et Nicole Kidman, donc ce sera sans doute son film testament.
Qui sait !

Catherine Deneuve, on se retrouve après une première interruption pour parler plus joyeusement, j'espère, plus gaiement.
Oui, je trouve ça vraiment un triste dimanche.

A tout de suite quand même.

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A nouveau sur le plateau de "Public" en compagnie de Catherine Deneuve. Deux films donc qui font votre actualité : "Le vent de la nuit" de Philippe Garrel et "Belle-Maman", la comédie de Gabriel Aghion, deux films totalement différents, qui sont presque je dirais aux deux points limites, ou deux facettes très éloignées du travail du cinéma.
Oui, c'est vrai que c'est vraiment deux films qui sont très très éloignés. La sortie des films est malheureusement souvent quelque chose qu'on ne peut pas contrôler, d'ailleurs la preuve, c'est vrai que j'aurais préféré qu'il y ait un petit peu plus d'espace parce que je pense que c'est toujours embêtant qu'il y ait deux films presque en même temps à l'affiche, mais enfin bon, moi je n'y peux rien, c'est comme ça. Il est vrai qu'il y a un film qui est extrêmement... le film de Gabriel Aghion, "Belle-Maman", est un film extrêmement joyeux, c'est une comédie... et le film de Garrel est un film plus lunaire, un film plus sombre, un film grave, pas un film triste comme on pourrait l'imaginer par rapport à certaines choses que j'ai lues que je trouve formidables mais en même temps... c'est un film assez sombre, assez grave.

Et en même temps c'est assez explicite de votre inscription dans le cinéma, ces deux facettes-là parce que vous n'avez cessé finalement de travailler à la fois sur des films qui ont une vocation plus grand public et puis des films peut-être plus difficiles...
Oui, mais franchement, ce n'est pas que je me dis, après avoir fait un film grand public par exemple qui a bien marché, avec un sujet disons plus populaire, ce n'est pas que je me dis "il faudrait faire un film..."... je ne cherche pas toujours à équilibrer comme ça ; il y a quand même beaucoup le hasard de l'aboutissement des scénarios. Le film de Gabriel par exemple, on devait le tourner un peu plus tôt mais il y avait des problèmes par rapport au tournage en extérieurs, donc ça a été reculé de deux mois. Il y a beaucoup d'impondérables comme ça dans les tournages. C'est vrai que des fois, il peut y avoir six ou huit mois d'espace et puis là ça s'est trouvé vraiment très rapproché dans le temps mais vraiment c'est du hasard. Moi mes choix, c'est vraiment en fonction des scénarios et c'est vrai que je ne peux pas dire que je sois à chercher forcément un film d'un genre différent après l'autre.

En même temps Philippe Garrel, c'est un cinéaste qui en est à son 24ème film, c'est quelqu'un qui... qui trace un sillon très profond. Vous aviez vu un de ses films qui vous auraient donné envie de travailler avec lui ?
Oui, oui. "J'entends plus la guitare"... Et puis de toute façon, moi, à chaque fois que je lisais des choses de lui, je trouve ses interviews très intéressantes, il est très sincère, très inspiré.

II avait fait la critique d'un film où vous tourniez, Dupeyron, "Drôle d'endroit pour une rencontre"...
Oui, qui m'avait beaucoup touchée... Très réservé sur le fait qu'il y avait des acteurs connus comme Gérard Depardieu et moi dans le film.

Oui, il disait que Dupeyron n'avait pas réussi à faire oublier aux spectateurs que c'était Depardieu et Deneuve.
Oui, enfin il disait surtout : mais comment croire à un film où Catherine Deneuve serait sur le bord d'une autoroute et Gérard Depardieu s'arrêterait... donc je me suis dit pour lui, il y a quelque chose qui est manqué, qui est raté dans le film. Mais après, j'aurais dû réfléchir davantage, c'est-à-dire que dans l'optique de Garrel, par rapport à ce qu'il est, à ce qu'il défend lui, je comprends que ce soit une impossibilité. Je suis sure de toute façon que quand on a tourné ensemble, il était conscient de cette difficulté et qu'il a fait en sorte d'installer un personnage qui était tout à fait plausible par rapport à l'actrice que je suis disons et au passé d'actrice que j'ai, qu'il faut toujours arriver à faire oublier au bout d'un moment, enfin le plus tôt possible évidemment mais c'est vrai qu'il y a une installation quand même je crois pour faire entrer le public dans un film et lui faire oublier que c'est une actrice qu'on a déjà vue dans un autre film, à donner une certaine... il faut laisser je crois un peu d'oxygène, un peu de temps quand même. Il ne faudrait pas qu'il y ait des scènes capitales par rapport au film je crois, dans les dix premières minutes du film quand on a des acteurs connus.

C'est ce que André Téchiné disait de vous, il disait : quand on tourne avec elle, on doit se coltiner avec l'énorme mémoire de cinéma qui se rattache à elle.
Oui, eh bien c'est les avantages et les inconvénients... Oui, c'est un fait, pour moi c'est incontournable, donc j'essaie de faire avec. Mais pour moi aussi, c'est lourd des fois, parce que même des gens que je ne connais pas ou des cinéastes avec qui je n ai jamais travaillé, je sens bien qu'ils m'abordent avec une certaine appréhension, je peux sentir leur trac ou leur timidité qu'ils arrivent d'ailleurs à me donner, d'abord parce que je suis quand même un peu timide dans la vie et que souvent, j'ai cette responsabilité de devoir abaisser toutes les barrières et de devoir aller vers l'autre parce qu'on me dit : mais tu ne te rends pas compte, tu es impressionnante pour les gens. C'est sans doute vrai, mais c'est vrai que ça fait un lourd rôle à porter, un peu j'imagine comme si on était comme ça un peu chef d'Etat et qu'on se devait si vous voulez, de toujours avoir la pensée, l'attention, le geste, le regard, pour l'autre qui n'ose pas forcément peut-être vous aborder normalement. Alors... et moi qui aime pourtant plutôt les rapports simples et directs et naturels, c'est vrai que... j'essaie d'y penser plus maintenant si vous voulez, pour gagner du temps, pour arriver plus vite à un rapport plus simple.

"Le vent de la nuit" avec Xavier Beauvois, Daniel Duval, Jacques Lassalle, et une superbe voiture, une Porsche rouge, qui joue presque aussi bien que l'Alfa Roméo du "Mépris" de Godard. On en voit deux extraits.

Extraits du film

Un film superbe de Philippe Garrel, "Le vent de la nuit", qui avait commencé par un court-métrage qui s appelait "Les enfants désaccordés" et je me disais... souvent je vous ai entendu dire que vous étiez comme un instrument entre les mains d'un réalisateur, vous aviez envie d'être un instrument, je me disais que c'est un film aussi sur le désaccord, une façon d'être désaccordé aux autres et puis à soi-même, la façon dont ce qu'on devient finalement, on n'est pas obligé de le supporter.
Oui. Mais c'est vrai que je le pense vraiment. C'est vrai que je me sens avant tout interprète. J'aime bien être une interprète qui peut collaborer éventuellement aussi... j'aime bien être là quand on fait la mise en place des scènes, j'aime bien pouvoir donner mon avis par rapport à des choses, pas par rapport à la mise en scène, mais par rapport à la mise en place disons d'une scène, mais ce qui m'intéresse le plus, oui, c'est l'univers d'un metteur en scène, donc de rentrer vraiment dans son monde à lui.

Philippe Garrel a une particularité, en tout cas dans ce film et en tout cas avec vous - je ne suis pas sûr qu'il l'ait fait pour toutes les scènes - c'est qu'il vous a fait tourner en une seule prise. Comment ça fonctionne ? Et il faut le dire aux téléspectateurs qui ne le savent pas forcément, normalement il peut y avoir des dizaines et des dizaines de prises dans le découpage...
Oui, Kubrick par exemple, lui peut aller jusqu'à cent prises, ce qui est un cas extrême, mais il y a pas mal de cinéastes qui peuvent tourner selon la difficulté entre quinze et vingt prises et on peut dire que jusqu'à huit-dix prises, c'est normal.

Alors une prise ?
Une prise, c'était un pari que je trouvais très intéressant par rapport au personnage et par rapport aux scènes, c'est quelque chose de très impressionnant mais c'est vrai qu'il y avait quand même toujours cette sécurité ; il m avait dit : mais s'il y a un problème technique grave, c'est évident qu'on ne gardera pas la scène, on peut recommencer. Ça nous est arrivé quand même deux ou trois fois de recommencer pour des problèmes techniques. Mais c'est vrai que s'il n y avait pas de problème majeur, on devait savoir qu'en principe, on ne tournait qu'une fois. Et c'est vrai que ça donne quelque chose d'assez vertigineux comme impression parce que... moi je n'ai jamais fait de théâtre, ce n'est pas exactement pareil puisqu'il y a quand même l'idée que c'est pour la première fois. Donc on a répété mais on ne répète jamais comme on va jouer quand même. On répète par rapport à des déplacements, on répète pour être sûr qu'on est bien dans le mouvement, dans le rythme de la scène, on donne quand même approximativement ce qu'on va donner au tournage parce que le metteur en scène doit pouvoir savoir si on est dans une direction qui lui convient par rapport au ton, mais là c'était vraiment l'extrême, c'est-à-dire que vraiment c'était une fois ; donc c'est vrai qu'à chaque fois qu'on disait " moteur ", moi j'avais une espèce de pincement comme ça, comme une espèce de montée d'adrénaline parce que c'est vrai que c'était maintenant et puis après plus rien... et très vite plus rien.

Vous l'aviez déjà fait ça ?
Non, jamais.

Et ça vous a plu ?
Oui, oui, ça m'a plu beaucoup. Ça m'a plu beaucoup mais ça m'a plu beaucoup avec lui parce qu'en plus, il tourne très simplement, il fait des plans très longs, donc je trouve ça très très agréable de tourner des plans très longs, des plans en séquences, donc si vous voulez, on rentre quand même dans quelque chose. Je pense que si c'était des moments courts, ce serait très dur. La difficulté pour ça... je trouve quand même que la difficulté dans un tournage comme ça, c'est que, comme évidemment, on tourne très peu, nous les acteurs, la difficulté, c'est de rester concentré parce qu'après, il y a le moment de la préparation de l'autre plan et là il peut se passer une heure, une heure et demie. Et finalement, le moment où on travaille est encore plus court que d'habitude. Et déjà c'est court pour les acteurs, le vrai travail par rapport à une journée de tournage.

Alors on parlera tout à l'heure de musique et de chansons, dans la deuxième partie de l'émission. On pourrait dire tout de suite qu'il y a une musique qui est un personnage presque essentiel dans le film de Garrel, la musique de John Cale...
Oui, la musique très présente de John Cale, je crois qu'il a écrite à l'image quand il l'a enregistrée, je trouve que c'est une musique très belle, très forte, très poignante et très lyrique en même temps, oui je trouve que c'est une très belle musique.

Alors on dit souvent de vous, à chaque fois que vous jouez un rôle un peu difficile - et c'est le cas dans ce film de Garrel - oh là là ! elle prend des risques, elle abîme son image ou elle la casse, on l'a dit à propos de "Place Vendôme"...
Oui, je suis une femme puzzle, depuis le temps qu'on me dit que je suis cassée !

On oublie que dès le début finalement, vous êtes passée des "Parapluies" à "Répulsio"...
Voilà, exactement, c'est toujours l'exemple que je cite. Je dis oui, mais enfin on a oublié que j'ai fait "Répulsion", "Tristana" aussi où j'étais quand même... bon c'était Buñuel... on me disait "oui, c'est Buñuel". Mais enfin quand même, je tournais avec une jambe coupée, j'étais quand même une femme qui devenait acariâtre. Enfin, je ne sais pas, moi je trouve que ça fait partie au contraire de la vie des acteurs je trouve de faire des choses...

Mais comment vous comprenez que quelque chose de votre image ou de votre icône résiste à ça puisqu'à chaque fois, on dit : oh là là, elle prend un risque, alors que vous n'avez cessé d'en prendre ?
Parce que je crois que les gens préfèrent l'image d'icône. Je crois que malgré tout, les gens préfèrent me voir blonde, souriante, voilà... je pense que même dans les films de Téchiné, je pense qu'il y a des gens qui ont du mal à m'accepter dans cette forme de nudité là parce je crois qu'il se trouve que bon l'image de l'icône ou de l'image comme ça blonde... est plus réconfortante, plus agréable à regarder je ne sais pas. Et puis bon, il y a quand même aussi toujours les photos de presse et les photos qui ne sont pas toujours des photos de film à la sortie des films, sont toujours plus sophistiquées, et il y a quelque chose qui... oui, c'est ça, je crois que les gens préfèrent l'autre côté. Il y a un côté de moi qui les intéresse moins.

Et vous, vous le regrettez ?
Non. Moi je suis très fataliste. Je pense que les gens ont le droit de choisir ce qu'ils veulent comme moi j'ai le droit de choisir ce que je veux. Je fais des films pour que les gens aillent les voir et c'est vrai que s'il n'y avait pas de spectateurs, je crois que ça ne m'intéresserait plus. Mais en même temps, c'est vrai que je peux tenir compte du goût du public ou des gens qui m'aiment, mais en même temps je ne peux pas faire mes choix en fonction de ça, ça c'est impossible. Non, il vaudrait mieux que j'arrête dans ce cas-là, je crois.

Au bout d'un moment, le sentiment de répétition j'imagine, doit vous guetter, dans le cinéma comme dans la vie...
Oui, enfin dans la vie, non. Tous les jours sont différents.

Enfin je veux dire, plus on avance et plus on se coltine un peu à ce sentiment de répéter les mêmes histoires, de répéter les mêmes choses...
Oui, moi dans la vie... j'ai l'impression de me débrouiller mieux dans la vie qu'au cinéma parce que dans la vie, j'ai l'impression que je choisis tout le temps. Donc des fois, ça m'arrive évidemment sans doute de me tromper mais pour moi, chaque jour est différent et comme je suis quelqu'un de très curieux dans la vie et que je suis très énergique et que je fais beaucoup de choses, je n'ai pas cette impression de répétition. En revanche, c'est une menace qui pèse beaucoup, je trouve, sur les acteurs et donc sur moi aussi, parce que je pense qu'on en est beaucoup moins conscient de cette répétition et je pense que souvent, si on se sent par exemple... pas assez guidée, pas assez aidée par un metteur en scène, disons pas assez dirigée, je crois qu'inconsciemment même, les acteurs vont vers quelque chose qu'ils connaissent, qui les rassure et où ils se sentent à l'aide. Et c'est vrai que souvent, on dit d'un acteur ou d'une actrice, on dit oui, il est bon, il était bon. Mais ça ne suffit pas d être bon. C'est le minimum de ce qu'on demande à l'acteur d'être bon. Et ça souvent, c'est quand un acteur va vers des choses où en effet, il est juste, voilà. Et la justesse ou être bon, je trouve que c'est le minimum, ce n'est pas assez.

Et comment conjurer ce risque et réactiver cette capacité de nouveauté, d'émerveillement ?
Avoir peur. Je crois qu'avoir peur et avoir conscience de cette peur-là, ce n'est déjà pas mal. Mais il n'empêche que moi je suis assez modeste par rapport à ça parce que je suis sure qu'il m'est arrivé de ne pas échapper à ça sûrement par moments parce qu'il suffit de tomber là-dedans inconsciemment et qu'un metteur en scène ne soit pas assez vigilant à ce moment-là parce que... je ne sais pas... parce qu'il y a d'autres éléments, d'autres personnages dans la scène et que la scène est compliquée, pour que ça échappe même à sa... c'est pour ça que je trouve que c'est si dur d'être metteur en scène. Il faut faire attention, être conscient tout le temps de tout, c'est terrible, je trouve que ça demande une attention terrible.

Alors on fait le grand écart comme vous nous le proposiez tout à l'heure et alors une autre facette de vous, c'est "Belle-Maman", cette comédie de Gabriel Aghion dont je vous propose tout de suite de découvrir la bande annonce.

Bande-annonce

C'est une comédie qui a ceci de commun avec "Pédale douce", le précédent film'de Gabriel Aghion, c'est que sous les abords d'une comédie, et Dieu sait que c'est une comédie, on dit des choses, on dit des choses plutôt dérangeantes ou transgressives.
Oui, oui, on dit des choses dérangeantes, oui, des choses qu'on sait mais des choses qu'on n'a pas l'habitude de voir condensées comme ça dans le temps et dans ces situations-là par rapport à des situations sentimentales ou familiales que les gens peuvent vivre aujourd hui.

Alors c'est quoi, c'est une morale de la moralité, c'est l'idée que le désir n'a ni foi ni loi ?
Oh bien le désir n'a ni foi ni loi, oui, le désir c'est autre chose, ça c'est sûr mais bon, après, une fois le désir passé, on peut imaginer que le désir, c'est des pulsions et qu'on peut retourner à des choses plus raisonnables après.

Mais pas là.
Mais pas là. Mais Gabriel Aghion, il est comme ça, lui, et "Pédale douce" déjà aussi, c'était comme ça.

Alors là c'est comme si c'était "Pédale douce" puissance N, parce qu'on y retrouve évidemment des hommes qui découvrent leur homosexualité mais on voit aussi des femmes qui l'ont découverte il y a bien longtemps, il y a un couple entre Line Renaud et Stéphane Audran absolument merveilleux. Mais il y a aussi d'autres marginalités plus douloureuses, enfin... difficiles aussi, Stéphane Audran qui campe une personne qui petit à petit perd la raison, et ça c'est une sorte de nuance...
Ça, c'est bien parce que ça, je trouve que c'est le contrepoint à une relation d'abord parce que ce qu'il y a quand même dans le film, c'est qu'il y a quand même beaucoup d'amour avec un grand "A", c'est-à-dire que la relation entre Line Renaud et Stéphane Audran, est une relation vraiment d'amour. Et ce qui est beau justement, le contrepoint, c'est que Stéphane Audran dans son personnage, est malade au début du film, on va la voir se dégrader comme ça et on va voir Line Renaud donc qui aime cette femme, on va la voir malheureuse et souffrir. Donc il y a toujours ce contrepoint parce qu'on voit aussi les relations de Jean Yanne avec sa fille :il adore sa fille.

Et aussi les relations de Jean Yanne avec vous. On sent une certaine jubilation dans la scène où il vous insulte, comme si c'était un luxe de pouvoir...
Bien sûr, parce que la haine, c'est comme l'amour, c'est l'amour à l'envers de toute façon. Quelqu'un qui vous est indifférent, on ne prend pas la peine de l'insulter. Donc c'est un peu la même chose. On voit bien qu'il n'a jamais digéré quand même le départ de cette femme. Et même moi la relation que j'ai pour ma fille, même si elle n'a jamais pu vraiment exister parce que... ça, c'est la partie pour laquelle j'ai eu du mal quand même...

Pourquoi ?
Avoir une non relation avec un enfant, pour moi, c'est vraiment... ce n'est pas parce que c'est un échec, c'est parce que c'est quelque chose qui m'est vraiment étranger, sans doute parce que... j'aime mes enfants comme tous les parents, mais je suis très proche de mes enfants, en tous les cas je me sens très proche de mes enfants. Donc c'est la chose sur laquelle j'avais vraiment beaucoup de mal, c'est de me dire que... parce que je suis quelqu'un d'assez maternel... je suis une femme maternelle, donc j'avais beaucoup de mal à me mettre dans cette situation d'être dans une non relation avec ma fille. Et puis ça, je trouve que c'est une situation intéressante, c'est-à-dire oui, c'est ça, une femme qui est troublée par un jeune homme qui est encore plus troublé par elle alors qu'il vient d'épouser sa fille avec qui elle n'a pas une relation comme ça très... ça, c'est vraiment intéressant et c'est vrai que là, il prend des risques comme il prend des risques aussi en présentant la relation de cet homme qui va donc découvrir qu'après vingt ans de vie commune et deux enfants, finalement il a un coup de foudre comme ça pour un homme et qu'il est homosexuel. Je pense que c'est des choses qui existent et des choix que les gens ne sont pas prêts à faire. Je crois que dans la vie, ça arrive, des hommes qui sont émus par d'autres hommes et qui ne se décident pas ; de même que je pense que ça arrive à des femmes. Ça reste encore très très très marginal pour l'instant mais je suis sûre que ça existe. Je crois qu'on n'a pas toujours le courage de le faire ni le courage de s'assumer ce qui est normal, parce que la société n'est pas encore prête non plus tout à fait.

C'est un film qui présente un peu la cartographie de tous les nouveaux désordres amoureux, on pourrait le dire comme ça ?
Oui, oui, et j'adore la scène de la fin, la conclusion, avec les enfants qui sont finalement... forcément, les enfants n'ayant pas encore les inconvénients de connaître toutes les règles du jeu de la société, eux ils énoncent les vérités comme ça à la fin, ils font une espèce de panorama comme ça et puis à la fin, ils disent : et puis on s'en fout, c'est trop compliqué, je n'ai pas compris. Parce que finalement, oui c'est comme ça. C'est la vie privée, ça n'appartient qu'aux gens.

La comédie pour vous, c'est quelque chose qui...
De très rare malheureusement pour moi... de trop rare.

De très rare, qui vous motive spécialement parce que c'est rare ?
Non, ça ne me motive pas parce que c'est rare, ça me motive parce que si vous voulez, quand même, quand on tourne une comédie, c'est vrai que c'est un moment... c'est très dur physiquement parce qu'il faut beaucoup d'énergie tout le temps, mais il y a quand même beaucoup de gaieté donc si vous voulez l'ambiance du tournage, venir au tournage pour tourner une comédie dans des situations comme ça plutôt drôles et burlesques, c'est très très agréable. Et c'est vrai qu'en France, on fait plutôt des films dramatiques, on parle plutôt de l'amour et des relations amoureuses d'une façon plus disons... souvent quand même plus... qui m'intéresse beaucoup aussi d'ailleurs, mais c'est vrai qu'on est quand même plus porté vers des films plutôt dramatiques, oui.

En même temps, Aghion, il renoue avec une tradition qui est plus une tradition du grand cinéma américain, on pense à Capra, on pense à Lubitsch, c'est-à-dire parler de choses sérieuses avec une sorte de légèreté dans la forme...
Oui, parce que c'est un film qui bouscule quand même beaucoup de choses...

Et en France, on a l'impression que c'est toujours un peu dévalorisé, la comédie, qu'on ne peut pas dire des choses sérieuses sur le mode léger.
Oui, totalement. Parce que je crois que franchement, les Français sont quand même... on est quand même des gens plutôt sérieux et que même si on aime la comédie, c'est un peu du bout des lèvres, on aime bien ça sur le moment ; il y a une espèce... il y a comme une espèce de regret après avoir ri, une espèce de volonté d'oublier, comme si on devait être tout le temps des grandes personnes et qu'il fallait être sérieux tout le temps et qu'après tout, la comédie, ça ne pouvait pas être une chose de la vie, que c'était un moment, comme un moment de bonheur et qu'il faut surtout vite l'effacer après et qu'il faut repartir vers des choses très très sérieuses. Et d'ailleurs les comédies, c'est vrai qu'il y a des films de comédie qui ont très très bien marché en France, mais c'est vrai que c'est quand même un genre... et c'est un genre très difficile parce que moi je me souviens, quand j'ai vu Gabriel pendant qu'il écrivait, avec Danièle Thompson qui a écrit le scénario avec lui, c'est vrai que ça demande des séances de travail vraiment très ingrates et très dures parce que quand on ne trouve pas, si vous voulez, il n'y a pas justement la situation d'émotion où on sait qu'on va de toute façon se rattraper parce qu'il y aura les sentiments. La comédie, il faut que ça fonctionne vraiment techniquement en plus.

C'est plus une mécanique de précision.
En plus il faut qu'il y ait en plus la mécanique de précision, parce que le rythme, tout ça, c'est absolument capital, les mots, l'esprit, trouver... ils ont bien travaillé je trouve.

Oui, oui, ils ont bien trouvé, travaillé. On se retrouve après une page de pub et puis on reparle de ce beau travail.

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Retour sur le plateau de "Public" en compagnie de Catherine Deneuve. On parlait du film de Philippe Garrel, "Le vent de la nuit" et puis de "Belle-Maman", la comédie de Gabriel Aghion qui sort mercredi sur les écrans ; et on disait que c'était sous une comédie ou par une comédie, une façon de parler de tas de marginalités parce que bon, on a parlé de la sexualité, de l'homosexualité, des relations d'amour entre deux personnes d âges différents, mais il y a aussi l'alcoolisme avec une composition de Danièle Lebrun qui est absolument extraordinaire, il y a aussi la vulgarité assumée de Line Renaud en personnage de vieille lesbienne mais qui a envie de le montrer et qui ne s'en laisse pas compter...
C'est une femme amoureuse.

Alors tout ça, ce sont des milieux dans lesquels vous vous reconnaissez à cause de la liberté... c'est un hymne à la liberté de choix.
Oui, tout à fait.

Ça, ça vous plaît.
Oui, ça me plaît de faire ça au cinéma parce qu'on n'a pas l'occasion souvent, franchement, de lire des scénarios gonflés comme ça, il faut bien le dire. Mais ça me plaît aussi parce que de toute façon, l'homosexualité, c'est une réalité aujourd hui - moi j'ai beaucoup d'amis homosexuels - donc c'est un concentré encore une fois, le film, c'est un film qui reprend toute la... donc je trouve ça plutôt gai, oui, plutôt gai d'écrire un film là-dessus et de vouloir faire une comédie, je trouve que c'est assez audacieux.

On y chante et on y danse aussi, il y a des petits moments qui flirtent ou qui font clin d'œil à la comédie musicale, on en a vu un petit extrait dans la bande annonce.
Oui. Mais ce qu'ils ont réussi aussi je trouve, en écrivant le scénario, si vous voulez, c'est à situer ces personnages qui veulent vraiment vivre leur vie, ce sont quand même les trois femmes par exemple, des femmes qui vivent sur une île, qui ont quand même décidé de se mettre vraiment quand même en marge d'une certaine société. C'est évident que si elles vivaient à Paris ou dans une grande ville, je pense que ça serait quand même beaucoup plus difficile. Je pense qu'elles ont vraiment choisi d'aller là parce qu'elles ont chacune vécu leur vie et que c'est la deuxième partie de leur vie et que c'est comme ça qu'elles ont envie de la vivre. Finalement elles ont peut-être... ce serait un peu dérangeant peut-être pour les autres, mais là elles ne s'exposent à rien, elles vivent sur une île, elles tiennent un hôtel, elles vivent leur vie.

C'est parce que c'est un film gai qu'on y chante et qu'on y danse ? C'est-à-dire que pour vous, c'est l'expression de la gaieté et de la joie de vivre, de chanter ?
Oui, ça fait partie de la vie. Moi je sais que j'ai toujours aimé ça. D'ailleurs je chantonne beaucoup dans la vie, mes parents chantaient beaucoup quand j'étais petite, je connais beaucoup de chansons de la génération de mes parents, ce qui fait que j'ai appris beaucoup de chansons à mes enfants quand ils étaient petits, de ma génération, et on a toujours beaucoup chanté dans ma famille et on chantonne encore très très souvent, je connais beaucoup beaucoup de chansons.

Oui, la preuve, on est allé voir un petit peu dans vos prestations télévisées, dans les films. Alors on n a pas tout, loin de là, parce que sinon on y aurait passé l'émission, mais c'est un peu Catherine Deneuve, "Paroles et musiques" au pluriel.

Reportage

Voilà, un petit florilège et il y en aurait bien d'autres, il y aurait "Peau d'âne" enfin bref. C'est la preuve que la chanson, finalement.
M'attire...

Mais pourquoi n'avez-vous jamais eu envie, je ne sais pas, d'enregistrer ?
Mais si, j'ai fait un disque, d'ailleurs un des extraits qu'on a vus, c'était extrait du disque que j'ai fait avec Serge Gainsbourg, d'un 33 tours qu'il a écrit pour moi. Mais moi je suis une actrice, je ne suis pas une chanteuse, donc c'est assez difficile si vous voulez, parce que je n'ai pas une voix de chanteuse et qu'il faut donc quelqu'un qui écrive pour une actrice et finalement, ce n'est pas si simple que ça. Gainsbourg faisait ça très très bien. C'est vrai que j'aimerais bien refaire ça. Je me dis d'ailleurs que si j'avais l'envie plus grande peut-être et le temps et le courage, je demanderais à David McNeal parce que je trouve qu'il écrit des paroles formidables. J'aimerais bien. C'est un plaisir extraordinaire de chanter. C'est un plaisir physique qui est vraiment très très agréable.

Alors il y a une chanson quand même, dans "Belle-Maman" on y revient, c'est la chanson que vous offrez au personnage de votre mère dans le film, à Line Renaud... et cette chanson, vous l'avez enregistrée avec quelqu'un de la nouvelle génération du rap.
Stomy Bugsy, oui.

C'est une rencontre un petit peu incongrue aussi.
Oui, mais je ne sais pas... comme je l'avais toujours su et que Gabriel Aghion m'avait dit, voilà, j'aimerais bien que ce soit un peu un rap, que ce soit un truc un peu improvisé, quand j'ai lu le scénario si vous voulez, j'étais déjà apprivoisée avec cette idée. Je me suis dit oui, dans le fond, pourquoi pas ? Vous savez, tant qu'on n'est pas mis devant le fait sur le plateau et qu'on vous dit " il faut y aller " et qu'on a la possibilité de travailler, d'en parler, de répéter, tout est possible mais c'est vrai que j'avais une certaine appréhension parce qu'il n y a pas de mélodie dans le rap, donc c'était un petit peu particulier mais c'était très amusant et puis Stomy Bugsy est vraiment adorable, patient, beaucoup d'humour, il est vraiment très charmant, ça s'est très bien passé.

Oui, et puis il a l'air un peu impressionné à l'image d'être à côté de vous.
Oui parce que là, quand on enregistrait, c'était plus son élément. A partir du moment où il y avait la caméra... disons que ça rétablissait un petit peu le truc parce que lui, les studios, le micro, tout ça pour lui ce n'est pas impressionnant, en revanche la caméra, ça l'impressionnait. Donc moi j'étais moins impressionnée par la caméra et plus par le micro, donc ça nous a remis un peu au même niveau tous les deux.

C'est tout récent, vous avez enregistré ça dans la semaine.
Oui, absolument.

Eh bien voilà, vous nous avez fait le petit cadeau... le grand cadeau, de nous permettre de le voir, on regarde.
Je vais le découvrir avec vous d'ailleurs.

Extrait

Qu'en pensez-vous alors, puisque vous le découvrez ?
Je trouve ça sympathique, je trouve ça sympathique. Mais c'est vrai qu'il faut savoir que dans le contexte du film, c'est une chose qui est vraiment improvisée, ce n'est pas quelque chose qui est supposé être... vous voyez... Ce n'est pas une chanteuse...

Non, mais ça peut faire un bon succès. En plus l'anniversaire des mamans, c'est un truc...
Oui, c'est un bon créneau comme vous dites.

Alors on n'a pas parlé de Mathilde Seigner qui est votre fille dans le film et bon, ça me permet de faire une transition...
On n a pas parlé de Vincent Lindon non plus.

Non... il y a plein de choses et l'heure tourne pourtant. Mais je voulais parler de Mathilde Seigner parce qu'elle fait partie de ces jeunes comédiennes pour qui on suppose que ça ne doit pas être très facile de se retrouver à côté de Catherine Deneuve et en même temps elle existe pleinement et complètement.
Tout à fait, il se trouve qu'en plus Mathilde est une jeune actrice qui a une personnalité très forte et puis on a eu la chance de commencer le film par les tournages en extérieur en Martinique, ce qui fait qu'on était tous dans le même hôtel et qu'on vivait ensemble, qu'on se voyait le soir et que ça a beaucoup facilité quand même les rapports et la simplicité justement des rapports du tournage parce qu'on était vraiment... il y avait beaucoup plus d'intimité. Et Mathilde est en plus quelqu'un qui a beaucoup d'humour et puis c'est une forte personnalité. Donc elle cache sa timidité sous un truc comme ça de provocation des fois, et ça c'est très bien passé. Je crois que s'il y avait une barrière, c'est tombé vraiment très vite, très très vite.

Vous êtes attentive à toute cette jeune génération parce que c'est vrai que c'est invraisemblable le nombre de jeunes comédiennes aujourd'hui qui éclatent, et aussi cette sorte de prise de pouvoir on dirait, dans le cinéma français par les femmes. Il y a deux grands succès en ce moment, "Vénus Beauté" de Tonie Marshall, "La nouvelle Eve" de Karin Viard, c'est des succès un petit peu inattendus pour la profession et qui sont des films de femmes et qui parlent des femmes et des hommes évidemment, mais sous un regard vraiment féminin. C est comme une nouvelle tendance ?
Moi-même j'ai fait un film avec Nicole Garcia cette année et puis c'est vrai que Laetitia Masson aussi a fait un film très beau avant. Eh bien il me semble que disons c'est une arrivée qui remet un peu de justice dans le cinéma où c'est vrai qu'on a tendance quand même à voir plus d'hommes que de femmes ; mais mêmes chez les techniciens, on commence à voir pas mal de techniciens femmes et c'est d'ailleurs assez agréable de voir plus de femmes sur un tournage. Je crois que c'est dans I'air du temps, c'est-à-dire que les femmes arrivent à écrire plus et à s'imposer davantage dans le cinéma et dans la mesure où elles vont avoir une crédibilité parce que ces deux films-là sont des films qui marchent quand même, je pense que ça va aider quand même à se dire que finalement ce n'est pas impossible pour une femme de faire un film et de le mener jusqu'au bout et d'avoir du succès, c'est ça, les femmes n'ont pas à être cantonnées simplement au rôle d'écrivain. Danièle Thompson fait son premier film comme metteur en scène.

Le cinéma est finalement en phase avec ce grand mouvement de féminisation de la société, beaucoup plus que les débats préhistoriques de la politique sur parité, PACS et compagnie.
Je crois que de toute façon, le cinéma est toujours en phase avec la réalité. Je crois que le cinéma est des fois en avance - et ça c'est bien - des fois un peu en retard mais c'est toujours quand même un reflet de la société, quand même, toujours.

Il y a deux ans, vous parliez des Césars en disant que de toute façon, c'était une cérémonie un petit peu étrange que vous n'aimiez pas beaucoup, et vous disiez la chose suivante : c'est quelque chose de presque déprimant comme le lendemain de Noël même si on a eu plein de cadeaux, c'est fini et on n'existe plus. Alors j'imagine en plus quand c'est un Noël où on n a pas eu de cadeaux.
Je ne crois pas avoir dit "on n'existe plus", mais disons que ça n'a plus de réalité...

C'est comme si vous n'existiez plus vous dites, le lendemain...
Oui, mais c'est pareil à Cannes aussi. Quand on va au festival, il y a cette espèce d'émotion de monter, les journalistes, la pression, les photographes, les marches... Et puis bon, si rien ne se passe après, vous avez cette espèce de chute et de retombée. Mais c'est quelque chose que je pense toujours aujourd'hui. En plus le film de Nicole Garcia avait beaucoup de nominations, il n y a rien eu à l'arrivée mais de toute façon, c'est vrai que j'étais dans un état... c'est une épreuve que je redoute. Vous allez me dire que ce n'est pas une obligation, pourquoi j'y vais ! J'y vais parce que...

Parce que ça fait vraiment genre de ne pas y aller...
Oui, je crois que c'est ça et que moi, mon genre, c'est plutôt d'essayer d'être toujours quand même dans une espèce de normalité si vous voulez par rapport aux choses. Je n'aime pas trop... ce n'est pas que je n'aime pas faire des vagues mais je n'aime pas faire des remous sur des choses. Donc souvent je reconnais qu'il m'arrive de râler et puis de faire les choses quand même finalement. Et c'est vrai que j'ai toujours été un peu mitigée sur les Césars et pourtant j'y ai été et pourtant j'en ai eu. Mais je crois que la chose sur laquelle je reste toujours mitigée, c'est que je trouve qu'il y a quand même des choses étranges, il y a quand même des choses curieuses. C est vrai qu'hier, j'entendais encore des gens parler comme ça et c'est vrai que d'apprendre que des gens de la profession ne votent pas, que des réalisateurs ne votent pas, ne reçoivent pas les bulletins de vote, qu'il faut en faire la demande, c'est vrai que c'est quand même étrange. On ne sait pas entre le premier tour et le deuxième tour ce qui se passe par rapport au vote. On ne sait pas exactement finalement qui vote. Ce n'est pas comme en Amérique où on sait que c'est par corporations et il n'y a que pour les films que tout le monde vote. C'est vrai que de voir le film André Téchiné "Alice et Martin" totalement oublié dans les nominations pour tout, parce qu'il y a quand même beaucoup de possibilités quand même pour un film d'avoir au moins une ou deux nominations, c'est vrai que c'est des étrangetés, pour moi ça reste étrange, donc on se retrouve dans une soirée avec que des gens de la profession et en même temps on se demande qui a voté parce que je n'y retrouve pas toujours... je ne dirais pas ma famille, mais je n'y retrouve pas la famille que je vois disons du cinéma... la carte du cinéma de l'année. Je n'y retrouve pas forcément mes choix mais je n'y retrouve même pas forcément non plus les choix du public. Ça reste un peu étrange et un peu bâtard pour moi.

Vous avez été un peu déçue en ce qui vous concerne ?
Non, en ce qui me concerne moi, non. Parce que contrairement à ce qu'on disait, je ne sais pas pourquoi, ou peut-être pour parjurer... on m'a tellement dit que j'étais favorite, que forcément j'allais l'avoir, je disais non, détrompez-vous, je ne l'aurai pas ; je pense que l'effet des douze nominations aussi a dû agacer un peu. Et puis je pensais que voilà, les Césars... il y a quand même de temps en temps cette incursion... où on a envie comme ça de pousser davantage une jeune actrice qui avait déjà eu la Palme d'Or à Cannes, cette envie comme ça de dire qu'à un moment il faut ouvrir les brèches, oui, voilà. Mais moi, franchement je suis assez fair-play. J'ai été déçue par rapport au film quand même parce que douze nominations et rien, c'est quand même un peu dur. J'ai pensé beaucoup à Nicole qui était à côté de moi et je pense que c'était encore plus difficile pour elle. Mais après, on a été au souper, il y avait toute l'équipe du film et on avait une table très chaleureuse. Gabriel Aghion m'accompagnait. Disons, on a réussi à rattraper le côté un peu triste. C'est toujours triste d'aller à une fête et de ne rien avoir. Mais moi je n'étais pas partie pour avoir personnellement vraiment un cadeau. Donc voyez, ce n'était pas un Noël totalement raté pour moi quand même.

"Tu t'agites, tu t'agites mais ce qui compte, c'est de donner un sens à sa vie". C'est une réplique de Daniel Auteuil dans le film de Téchiné.
Absolument, dans le film d'André Téchiné. C'est une phrase qui m'avait beaucoup marquée parce que c'est une phrase, que beaucoup de gens, dont moi d'ailleurs, qu'on peut reprendre pour soi, souvent, ça nous arrive à tous.

Vous avez le sentiment de vous agiter et de perdre un peu le sens de votre vie dans ces cas-là.
Oui. Oui, oui. Mais je pense que je ne suis pas la seule. Enfin ça ne me console pas. Mais enfin je pense que ça fait partie malheureusement... oui, je pense que je n'ai pas la sagesse de me retirer au moment où il le faudrait par rapport à des activités que j'ai. J'essaie toujours de faire souvent beaucoup de choses en même temps, j'essaie toujours de concilier les choses de travail, d'amitié. Donc c'est vrai que je vole du temps, je me vole du temps à moi aussi. Donc des fois je suis un peu au bord quand même d'une petite catastrophe, ça m'arrive souvent, oui.

Alors comme vous n'avez pas eu de César, moi je vous fais un cadeau ; il y a un livre absolument magnifique de Roland Brasseur qui s'appelle "Je me souviens de je me souviens". Vous connaissez Georges Pérec ?
Mais bien sûr ! C'est drôle ce que vous dites parce que j'étais à New York il n y a pas longtemps et j'ai cherché le livre qui est à l'origine de ce livre qui est le livre de George Brenna qui s'appelle "l remember" parce ce que il l'a écrit après le livre de Brenna et que c'est introuvable aujourd'hui aux Etats-Unis.

Alors Roland Brasseur s'est dit...
Il a repris le principe...

Il a repris tous les principes de ce dont parle Georges Pérec en se disant que ce n'était plus pour les générations futures forcément audible tout ce qui se passait dans les années 60 ; il a fait des petites fiches techniques...
J'ai entendu parler du livre, oui.

Roland Brasseur, c'est aux éditions du Castor Astral. "Je me souviens de je me souviens" et je vous l'offre avec grand plaisir.
Oh merci, c'est très bien.

Et on peut signaler aussi parce qu'il y a aussi tout l'aspect Catherine Deneuve, Saint-Laurent, la mode etc., la nouvelle revue qui s appelle "Numéro" et où vous verrez de grandes photos, de belles choses...
Encore un journal féminin ! J'espère qu'il y a des images et pas trop de textes parce que je n'aime pas trop les textes des journaux féminins, moi !

Vous aurez les deux ! Voilà, Catherine Deneuve, je vous remercie.

TF1

 


Par : Michel Field


Films associés : Belle-maman, Le vent de la nuit, Drôle d'endroit pour une rencontre

 



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