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Bonsoir à toutes, bonsoir
à tous, merci de nous rejoindre sur le plateau de "Public".
Catherine Deneuve, merci d'être ici. Vous êtes très
rare à la télévision. C'est un choix pour ne pas...
je ne sais pas... user son image comme on dit aujourd'hui ?
Non, pour moi la question ne se pose pas en terme d'usure mais
en terme de... disons plutôt de quoi ?... Disons de ne pas... je
trouve que la télévision pour les acteurs n'est pas le lieu
idéal parce que je crois qu'on s'attend à retrouver les
acteurs plus autre chose et qu'il y a... je ne sais pas... à la
fois une proximité et en même temps quelque chose qui laisse
toujours un petit peu sur sa faim, je ne sais pas. Donc oui... enfin là
c'est différent si vous voulez parce que c'est une émission
qui se fait en direct, donc la télévision, j'aime bien quand
ça ressemble vraiment à de la télévision.
Donc le fait que ce soit en direct, en public, même si c'est un
petit peu dur parce que moi je n'ai jamais fait de théâtre,
donc je ne suis pas habituée à être regardée,
le fait que c'est aussi mes mots, moi qui parle et que je ne suis pas
une actrice et c'est vrai que j'ai toujours dit que je me sentais plutôt
une interprète, c'est vrai que c'est un petit peu plus compliqué.
C'est l'absence de mystère
qui ne vous plaît pas à la télévision ?
Peut-être et pourtant je regarde beaucoup la télévision
; mais c'est vrai que je crois que ce n'est pas les acteurs que je préfère
voir à la télévision, c'est ce qu'on appelle vraiment
la télévision, les émissions, le journal, oui.
Alors on va parler de votre
actualité puisqu'elle est riche, il y a deux films à l'affiche,
"Belle-Maman", la comédie de Gabriel Aghion qui sort
mercredi, "Le vent de la nuit" de Philippe Garrel, qui est sorti
mercredi dernier. Des films qui s'annoncent, "Pola X" de Léos
Carax, qui sera présenté à Cannes, Régis Wargnier
"Est-Ouest", "Le temps retrouvé" de Raoul Ruiz
un peu plus loin. Donc ça fait une grosse actualité cinématographique.
Mais auparavant... on l'a appris quand vous arriviez dans les studios
de TFl', on vient d'apprendre la mort du cinéaste américain
Stanley Kubrick dont on peut dire que c'était un des géants
de la réalisation de ce siècle.
Oui, on peut dire sombre dimanche.
Vous avez immédiatement
en mémoire des images de lui ?
Oui. Je crois "Les sentiers de la gloire", "L'ultime razzia",
beaucoup de choses et puis surtout... "Full métal jacket"
et surtout l'image d'un cinéaste comme ça très sombre,
très mystérieux, mais avec un univers et une envie en tous
les cas, de faire son uvre coûte
que coûte et en dehors de toute la normalité de cette profession,
qui paraissait à la fois forcenée et en même temps
tellement évidente pour lui, donc quelque chose de puissant. Je
n'arrive pas à imaginer qu'il soit mort d'autre chose que du cur
; j'imagine que c'est quelqu'un qui devait être... je sais qu'il
tournait beaucoup, que les acteurs avaient beaucoup de mal à tourner
avec lui. C'est quelqu'un qui demandait énormément, qui
recommençait, qui pouvait tourner jusqu'à cent prises, donc
j'imagine quelqu'un de peut-être stressé et de stressant
aussi. Donc je ne sais pas pourquoi, j'imagine un cur qui lâche
plutôt.
Un perfectionniste, bon on pense
à des films comme "Barry Lyndon" avec tout le travail
sur l'image et la lumière...
Magnifique "Barry Lyndon"...
... Qui renonçait aux
lumières habituelles pour avoir des scènes entièrement
éclairées à la bougie.
Moi j'avais un film d'ailleurs avec l'opérateur de Kubrick pour
ce film-là, c'était un Anglais qui était très
très talentueux et il me disait qu'ils avaient utilisé d'abord
beaucoup de bougies, de lumière de bougies et également
il avait fait faire beaucoup d'essais avec des verres très spéciaux
qui étaient fabriqués pour la NASA, donc des choses vraiment
expérimentales extrêmement pointues et avec un piqué
très particulier. Toujours, on sent chez Kubrick, de toute façon,
quel que soit le sujet, un désir d'expérimentation, d'aller
plus loin, d'approfondir et de chercher des choses vraiment très
très intéressantes, une démarche personnelle très
intéressante.
Avec évidemment une variété
incroyable... chaque film était une sorte d opéra parce
que ça allait de "Spartacus" à "2001 Odyssée
de I'espace".
Ça pour moi, "L'Odyssée de l'espace", c'est vrai
que j'aurais dû dire ça parce que ça, c'est un souvenir
extraordinaire, "L'Odyssée de l'espace", pour moi, un
film d'un dépaysement extraordinaire. Je l'ai vu au moins trois
fois, le film et je me souviens vraiment d'un choc très très
grand.
Il faut vous envoyer très
loin dans l'espace pour que vous soyez dépaysée ?
Non, ce n'était pas tellement l'espace, c'était vraiment
le côté science-fiction. Je ne sais pas... on pourrait me
dire que ça a été tourné en studios à
Londres, je ne sais pas, la musique, tout ce qu'il a réussi à
créer et à inventer et là ce n'était pas sur
la technique pure ou la modernité de ce qu'il a utilisé
pour faire le film mais c'est sur l'invention pure, c'est-à-dire
que c'est vraiment... oui, on me dirait que ce film a été
tourné entièrement en studios, ça ne changerait rien,
c'est un film tellement inventif.
C'est quoi quand un grand réalisateur
disparaît pour vous ? C'est comme un membre de la famille qui s'en
va ?
Non, parce que je ne pense pas que le cinéma soit une grande famille
contrairement à ce qu'on dit souvent pour essayer de rapprocher
des choses tellement éloignées et des personnalités
tellement éloignées les unes des autres...
Cela dit, dans une famille,
ça peut castagner aussi.
Oui, enfin dans la mienne, on n'a jamais castagné, sauf quand on
était enfants, mais on ne s'est jamais vraiment castagnés.
Nous, on est pour des choses plus harmonieuses dans ma famille. Non, mais
je pense que Kubrick ne faisait pas partie de la famille du cinéma,
d'abord c'était un homme qui vivait en reclus, qui était
complètement dans une maison je crois... extrêmement perfectionnée,
avec des surveillances, personne ne le voyait. Je crois qu'il ne se faisait
même pas livrer chez lui, j'avais entendu dire qu'il se faisait
livrer à l'angle de sa maison les choses qu'il devait rentrer chez
lui pour qu'on ne connaisse même pas l'adresse exacte de là
où il habitait à Londres. Donc c'est quelqu un qui ne faisait
pas partie de la famille du cinéma, non, c'était un créateur,
un cinéaste mais je ne dirais pas qu'il était de la famille
du cinéma.
Alors il venait d'achever un
tournage extrêmement mystérieux, sur lequel on ne savait
rien, avec Tom Cruise et Nicole Kidman, donc ce sera sans doute son film
testament.
Qui sait !
Catherine Deneuve, on se retrouve
après une première interruption pour parler plus joyeusement,
j'espère, plus gaiement.
Oui, je trouve ça vraiment un triste dimanche.
A tout de suite quand même.
Pause publicitaire
A nouveau sur le plateau de
"Public" en compagnie de Catherine Deneuve. Deux films donc
qui font votre actualité : "Le vent de la nuit" de Philippe
Garrel et "Belle-Maman", la comédie de Gabriel Aghion,
deux films totalement différents, qui sont presque je dirais aux
deux points limites, ou deux facettes très éloignées
du travail du cinéma.
Oui, c'est vrai que c'est vraiment deux films qui sont très très
éloignés. La sortie des films est malheureusement souvent
quelque chose qu'on ne peut pas contrôler, d'ailleurs la preuve,
c'est vrai que j'aurais préféré qu'il y ait un petit
peu plus d'espace parce que je pense que c'est toujours embêtant
qu'il y ait deux films presque en même temps à l'affiche,
mais enfin bon, moi je n'y peux rien, c'est comme ça. Il est vrai
qu'il y a un film qui est extrêmement... le film de Gabriel Aghion,
"Belle-Maman", est un film extrêmement joyeux, c'est une
comédie... et le film de Garrel est un film plus lunaire, un film
plus sombre, un film grave, pas un film triste comme on pourrait l'imaginer
par rapport à certaines choses que j'ai lues que je trouve formidables
mais en même temps... c'est un film assez sombre, assez grave.
Et en même temps c'est
assez explicite de votre inscription dans le cinéma, ces deux facettes-là
parce que vous n'avez cessé finalement de travailler à la
fois sur des films qui ont une vocation plus grand public et puis des
films peut-être plus difficiles...
Oui, mais franchement, ce n'est pas que je me dis, après avoir
fait un film grand public par exemple qui a bien marché, avec un
sujet disons plus populaire, ce n'est pas que je me dis "il faudrait
faire un film..."... je ne cherche pas toujours à équilibrer
comme ça ; il y a quand même beaucoup le hasard de l'aboutissement
des scénarios. Le film de Gabriel par exemple, on devait le tourner
un peu plus tôt mais il y avait des problèmes par rapport
au tournage en extérieurs, donc ça a été reculé
de deux mois. Il y a beaucoup d'impondérables comme ça dans
les tournages. C'est vrai que des fois, il peut y avoir six ou huit mois
d'espace et puis là ça s'est trouvé vraiment très
rapproché dans le temps mais vraiment c'est du hasard. Moi mes
choix, c'est vraiment en fonction des scénarios et c'est vrai que
je ne peux pas dire que je sois à chercher forcément un
film d'un genre différent après l'autre.
En même temps Philippe
Garrel, c'est un cinéaste qui en est à son 24ème
film, c'est quelqu'un qui... qui trace un sillon très profond.
Vous aviez vu un de ses films qui vous auraient donné envie de
travailler avec lui ?
Oui, oui. "J'entends plus la guitare"... Et puis de toute façon,
moi, à chaque fois que je lisais des choses de lui, je trouve ses
interviews très intéressantes, il est très sincère,
très inspiré.
II avait fait la critique d'un
film où vous tourniez, Dupeyron, "Drôle d'endroit pour
une rencontre"...
Oui, qui m'avait beaucoup touchée... Très réservé
sur le fait qu'il y avait des acteurs connus comme Gérard Depardieu
et moi dans le film.
Oui, il disait que Dupeyron
n'avait pas réussi à faire oublier aux spectateurs que c'était
Depardieu et Deneuve.
Oui, enfin il disait surtout : mais comment croire à un film où
Catherine Deneuve serait sur le bord d'une autoroute et Gérard
Depardieu s'arrêterait... donc je me suis dit pour lui, il y a quelque
chose qui est manqué, qui est raté dans le film. Mais après,
j'aurais dû réfléchir davantage, c'est-à-dire
que dans l'optique de Garrel, par rapport à ce qu'il est, à
ce qu'il défend lui, je comprends que ce soit une impossibilité.
Je suis sure de toute façon que quand on a tourné ensemble,
il était conscient de cette difficulté et qu'il a fait en
sorte d'installer un personnage qui était tout à fait plausible
par rapport à l'actrice que je suis disons et au passé d'actrice
que j'ai, qu'il faut toujours arriver à faire oublier au bout d'un
moment, enfin le plus tôt possible évidemment mais c'est
vrai qu'il y a une installation quand même je crois pour faire entrer
le public dans un film et lui faire oublier que c'est une actrice qu'on
a déjà vue dans un autre film, à donner une certaine...
il faut laisser je crois un peu d'oxygène, un peu de temps quand
même. Il ne faudrait pas qu'il y ait des scènes capitales
par rapport au film je crois, dans les dix premières minutes du
film quand on a des acteurs connus.
C'est ce que André Téchiné
disait de vous, il disait : quand on tourne avec elle, on doit se coltiner
avec l'énorme mémoire de cinéma qui se rattache à
elle.
Oui, eh bien c'est les avantages et les inconvénients... Oui, c'est
un fait, pour moi c'est incontournable, donc j'essaie de faire avec. Mais
pour moi aussi, c'est lourd des fois, parce que même des gens que
je ne connais pas ou des cinéastes avec qui je n ai jamais travaillé,
je sens bien qu'ils m'abordent avec une certaine appréhension,
je peux sentir leur trac ou leur timidité qu'ils arrivent d'ailleurs
à me donner, d'abord parce que je suis quand même un peu
timide dans la vie et que souvent, j'ai cette responsabilité de
devoir abaisser toutes les barrières et de devoir aller vers l'autre
parce qu'on me dit : mais tu ne te rends pas compte, tu es impressionnante
pour les gens. C'est sans doute vrai, mais c'est vrai que ça fait
un lourd rôle à porter, un peu j'imagine comme si on était
comme ça un peu chef d'Etat et qu'on se devait si vous voulez,
de toujours avoir la pensée, l'attention, le geste, le regard,
pour l'autre qui n'ose pas forcément peut-être vous aborder
normalement. Alors... et moi qui aime pourtant plutôt les rapports
simples et directs et naturels, c'est vrai que... j'essaie d'y penser
plus maintenant si vous voulez, pour gagner du temps, pour arriver plus
vite à un rapport plus simple.
"Le vent de la nuit" avec Xavier Beauvois,
Daniel Duval, Jacques Lassalle, et une superbe voiture, une Porsche rouge,
qui joue presque aussi bien que l'Alfa Roméo du "Mépris"
de Godard. On en voit deux extraits.
Extraits du film
Un film superbe de Philippe
Garrel, "Le vent de la nuit", qui avait commencé par
un court-métrage qui s appelait "Les enfants désaccordés"
et je me disais... souvent je vous ai entendu dire que vous étiez
comme un instrument entre les mains d'un réalisateur, vous aviez
envie d'être un instrument, je me disais que c'est un film aussi
sur le désaccord, une façon d'être désaccordé
aux autres et puis à soi-même, la façon dont ce qu'on
devient finalement, on n'est pas obligé de le supporter.
Oui. Mais c'est vrai que je le pense vraiment. C'est vrai que je me sens
avant tout interprète. J'aime bien être une interprète
qui peut collaborer éventuellement aussi... j'aime bien être
là quand on fait la mise en place des scènes, j'aime bien
pouvoir donner mon avis par rapport à des choses, pas par rapport
à la mise en scène, mais par rapport à la mise en
place disons d'une scène, mais ce qui m'intéresse le plus,
oui, c'est l'univers d'un metteur en scène, donc de rentrer vraiment
dans son monde à lui.
Philippe Garrel a une particularité,
en tout cas dans ce film et en tout cas avec vous - je ne suis pas sûr
qu'il l'ait fait pour toutes les scènes - c'est qu'il vous a fait
tourner en une seule prise. Comment ça fonctionne ? Et il faut
le dire aux téléspectateurs qui ne le savent pas forcément,
normalement il peut y avoir des dizaines et des dizaines de prises dans
le découpage...
Oui, Kubrick par exemple, lui peut aller jusqu'à cent prises, ce
qui est un cas extrême, mais il y a pas mal de cinéastes
qui peuvent tourner selon la difficulté entre quinze et vingt prises
et on peut dire que jusqu'à huit-dix prises, c'est normal.
Alors une prise ?
Une prise, c'était un pari que je trouvais très intéressant
par rapport au personnage et par rapport aux scènes, c'est quelque
chose de très impressionnant mais c'est vrai qu'il y avait quand
même toujours cette sécurité ; il m avait dit : mais
s'il y a un problème technique grave, c'est évident qu'on
ne gardera pas la scène, on peut recommencer. Ça nous est
arrivé quand même deux ou trois fois de recommencer pour
des problèmes techniques. Mais c'est vrai que s'il n y avait pas
de problème majeur, on devait savoir qu'en principe, on ne tournait
qu'une fois. Et c'est vrai que ça donne quelque chose d'assez vertigineux
comme impression parce que... moi je n'ai jamais fait de théâtre,
ce n'est pas exactement pareil puisqu'il y a quand même l'idée
que c'est pour la première fois. Donc on a répété
mais on ne répète jamais comme on va jouer quand même.
On répète par rapport à des déplacements,
on répète pour être sûr qu'on est bien dans
le mouvement, dans le rythme de la scène, on donne quand même
approximativement ce qu'on va donner au tournage parce que le metteur
en scène doit pouvoir savoir si on est dans une direction qui lui
convient par rapport au ton, mais là c'était vraiment l'extrême,
c'est-à-dire que vraiment c'était une fois ; donc c'est
vrai qu'à chaque fois qu'on disait " moteur ", moi j'avais
une espèce de pincement comme ça, comme une espèce
de montée d'adrénaline parce que c'est vrai que c'était
maintenant et puis après plus rien... et très vite plus
rien.
Vous l'aviez déjà
fait ça ?
Non, jamais.
Et ça vous a plu ?
Oui, oui, ça m'a plu beaucoup. Ça m'a plu beaucoup mais
ça m'a plu beaucoup avec lui parce qu'en plus, il tourne très
simplement, il fait des plans très longs, donc je trouve ça
très très agréable de tourner des plans très
longs, des plans en séquences, donc si vous voulez, on rentre quand
même dans quelque chose. Je pense que si c'était des moments
courts, ce serait très dur. La difficulté pour ça...
je trouve quand même que la difficulté dans un tournage comme
ça, c'est que, comme évidemment, on tourne très peu,
nous les acteurs, la difficulté, c'est de rester concentré
parce qu'après, il y a le moment de la préparation de l'autre
plan et là il peut se passer une heure, une heure et demie. Et
finalement, le moment où on travaille est encore plus court que
d'habitude. Et déjà c'est court pour les acteurs, le vrai
travail par rapport à une journée de tournage.
Alors on parlera tout à
l'heure de musique et de chansons, dans la deuxième partie de l'émission.
On pourrait dire tout de suite qu'il y a une musique qui est un personnage
presque essentiel dans le film de Garrel, la musique de John Cale...
Oui, la musique très présente de John Cale, je crois qu'il
a écrite à l'image quand il l'a enregistrée, je trouve
que c'est une musique très belle, très forte, très
poignante et très lyrique en même temps, oui je trouve que
c'est une très belle musique.
Alors on dit souvent de vous,
à chaque fois que vous jouez un rôle un peu difficile - et
c'est le cas dans ce film de Garrel - oh là là ! elle prend
des risques, elle abîme son image ou elle la casse, on l'a dit à
propos de "Place Vendôme"...
Oui, je suis une femme puzzle, depuis le temps qu'on me dit que je suis
cassée !
On oublie que dès le
début finalement, vous êtes passée des "Parapluies"
à "Répulsio"...
Voilà, exactement, c'est toujours l'exemple que je cite. Je dis
oui, mais enfin on a oublié que j'ai fait "Répulsion",
"Tristana" aussi où j'étais quand même...
bon c'était Buñuel... on me disait "oui, c'est Buñuel".
Mais enfin quand même, je tournais avec une jambe coupée,
j'étais quand même une femme qui devenait acariâtre.
Enfin, je ne sais pas, moi je trouve que ça fait partie au contraire
de la vie des acteurs je trouve de faire des choses...
Mais comment vous comprenez
que quelque chose de votre image ou de votre icône résiste
à ça puisqu'à chaque fois, on dit : oh là
là, elle prend un risque, alors que vous n'avez cessé d'en
prendre ?
Parce que je crois que les gens préfèrent l'image d'icône.
Je crois que malgré tout, les gens préfèrent me voir
blonde, souriante, voilà... je pense que même dans les films
de Téchiné, je pense qu'il y a des gens qui ont du mal à
m'accepter dans cette forme de nudité là parce je crois
qu'il se trouve que bon l'image de l'icône ou de l'image comme ça
blonde... est plus réconfortante, plus agréable à
regarder je ne sais pas. Et puis bon, il y a quand même aussi toujours
les photos de presse et les photos qui ne sont pas toujours des photos
de film à la sortie des films, sont toujours plus sophistiquées,
et il y a quelque chose qui... oui, c'est ça, je crois que les
gens préfèrent l'autre côté. Il y a un côté
de moi qui les intéresse moins.
Et vous, vous le regrettez ?
Non. Moi je suis très fataliste. Je pense que les gens ont le droit
de choisir ce qu'ils veulent comme moi j'ai le droit de choisir ce que
je veux. Je fais des films pour que les gens aillent les voir et c'est
vrai que s'il n'y avait pas de spectateurs, je crois que ça ne
m'intéresserait plus. Mais en même temps, c'est vrai que
je peux tenir compte du goût du public ou des gens qui m'aiment,
mais en même temps je ne peux pas faire mes choix en fonction de
ça, ça c'est impossible. Non, il vaudrait mieux que j'arrête
dans ce cas-là, je crois.
Au bout d'un moment, le sentiment
de répétition j'imagine, doit vous guetter, dans le cinéma
comme dans la vie...
Oui, enfin dans la vie, non. Tous les jours sont différents.
Enfin je veux dire, plus on
avance et plus on se coltine un peu à ce sentiment de répéter
les mêmes histoires, de répéter les mêmes choses...
Oui, moi dans la vie... j'ai l'impression de me débrouiller mieux
dans la vie qu'au cinéma parce que dans la vie, j'ai l'impression
que je choisis tout le temps. Donc des fois, ça m'arrive évidemment
sans doute de me tromper mais pour moi, chaque jour est différent
et comme je suis quelqu'un de très curieux dans la vie et que je
suis très énergique et que je fais beaucoup de choses, je
n'ai pas cette impression de répétition. En revanche, c'est
une menace qui pèse beaucoup, je trouve, sur les acteurs et donc
sur moi aussi, parce que je pense qu'on en est beaucoup moins conscient
de cette répétition et je pense que souvent, si on se sent
par exemple... pas assez guidée, pas assez aidée par un
metteur en scène, disons pas assez dirigée, je crois qu'inconsciemment
même, les acteurs vont vers quelque chose qu'ils connaissent, qui
les rassure et où ils se sentent à l'aide. Et c'est vrai
que souvent, on dit d'un acteur ou d'une actrice, on dit oui, il est bon,
il était bon. Mais ça ne suffit pas d être bon. C'est
le minimum de ce qu'on demande à l'acteur d'être bon. Et
ça souvent, c'est quand un acteur va vers des choses où
en effet, il est juste, voilà. Et la justesse ou être bon,
je trouve que c'est le minimum, ce n'est pas assez.
Et comment conjurer ce risque
et réactiver cette capacité de nouveauté, d'émerveillement
?
Avoir peur. Je crois qu'avoir peur et avoir conscience de cette peur-là,
ce n'est déjà pas mal. Mais il n'empêche que moi je
suis assez modeste par rapport à ça parce que je suis sure
qu'il m'est arrivé de ne pas échapper à ça
sûrement par moments parce qu'il suffit de tomber là-dedans
inconsciemment et qu'un metteur en scène ne soit pas assez vigilant
à ce moment-là parce que... je ne sais pas... parce qu'il
y a d'autres éléments, d'autres personnages dans la scène
et que la scène est compliquée, pour que ça échappe
même à sa... c'est pour ça que je trouve que c'est
si dur d'être metteur en scène. Il faut faire attention,
être conscient tout le temps de tout, c'est terrible, je trouve
que ça demande une attention terrible.
Alors on fait le grand écart comme vous nous
le proposiez tout à l'heure et alors une autre facette de vous,
c'est "Belle-Maman", cette comédie de Gabriel Aghion
dont je vous propose tout de suite de découvrir la bande annonce.
Bande-annonce
C'est une comédie qui
a ceci de commun avec "Pédale douce", le précédent
film'de Gabriel Aghion, c'est que sous les abords d'une comédie,
et Dieu sait que c'est une comédie, on dit des choses, on dit des
choses plutôt dérangeantes ou transgressives.
Oui, oui, on dit des choses dérangeantes, oui, des choses qu'on
sait mais des choses qu'on n'a pas l'habitude de voir condensées
comme ça dans le temps et dans ces situations-là par rapport
à des situations sentimentales ou familiales que les gens peuvent
vivre aujourd hui.
Alors c'est quoi, c'est une
morale de la moralité, c'est l'idée que le désir
n'a ni foi ni loi ?
Oh bien le désir n'a ni foi ni loi, oui, le désir c'est
autre chose, ça c'est sûr mais bon, après, une fois
le désir passé, on peut imaginer que le désir, c'est
des pulsions et qu'on peut retourner à des choses plus raisonnables
après.
Mais pas là.
Mais pas là. Mais Gabriel Aghion, il est comme ça, lui,
et "Pédale douce" déjà aussi, c'était
comme ça.
Alors là c'est comme
si c'était "Pédale douce" puissance N, parce qu'on
y retrouve évidemment des hommes qui découvrent leur homosexualité
mais on voit aussi des femmes qui l'ont découverte il y a bien
longtemps, il y a un couple entre Line Renaud et Stéphane Audran
absolument merveilleux. Mais il y a aussi d'autres marginalités
plus douloureuses, enfin... difficiles aussi, Stéphane Audran qui
campe une personne qui petit à petit perd la raison, et ça
c'est une sorte de nuance...
Ça, c'est bien parce que ça, je trouve que c'est le contrepoint
à une relation d'abord parce que ce qu'il y a quand même
dans le film, c'est qu'il y a quand même beaucoup d'amour avec un
grand "A", c'est-à-dire que la relation entre Line Renaud
et Stéphane Audran, est une relation vraiment d'amour. Et ce qui
est beau justement, le contrepoint, c'est que Stéphane Audran dans
son personnage, est malade au début du film, on va la voir se dégrader
comme ça et on va voir Line Renaud donc qui aime cette femme, on
va la voir malheureuse et souffrir. Donc il y a toujours ce contrepoint
parce qu'on voit aussi les relations de Jean Yanne avec sa fille :il adore
sa fille.
Et aussi les relations de Jean
Yanne avec vous. On sent une certaine jubilation dans la scène
où il vous insulte, comme si c'était un luxe de pouvoir...
Bien sûr, parce que la haine, c'est comme l'amour, c'est l'amour
à l'envers de toute façon. Quelqu'un qui vous est indifférent,
on ne prend pas la peine de l'insulter. Donc c'est un peu la même
chose. On voit bien qu'il n'a jamais digéré quand même
le départ de cette femme. Et même moi la relation que j'ai
pour ma fille, même si elle n'a jamais pu vraiment exister parce
que... ça, c'est la partie pour laquelle j'ai eu du mal quand même...
Pourquoi ?
Avoir une non relation avec un enfant, pour moi, c'est vraiment... ce
n'est pas parce que c'est un échec, c'est parce que c'est quelque
chose qui m'est vraiment étranger, sans doute parce que... j'aime
mes enfants comme tous les parents, mais je suis très proche de
mes enfants, en tous les cas je me sens très proche de mes enfants.
Donc c'est la chose sur laquelle j'avais vraiment beaucoup de mal, c'est
de me dire que... parce que je suis quelqu'un d'assez maternel... je suis
une femme maternelle, donc j'avais beaucoup de mal à me mettre
dans cette situation d'être dans une non relation avec ma fille.
Et puis ça, je trouve que c'est une situation intéressante,
c'est-à-dire oui, c'est ça, une femme qui est troublée
par un jeune homme qui est encore plus troublé par elle alors qu'il
vient d'épouser sa fille avec qui elle n'a pas une relation comme
ça très... ça, c'est vraiment intéressant
et c'est vrai que là, il prend des risques comme il prend des risques
aussi en présentant la relation de cet homme qui va donc découvrir
qu'après vingt ans de vie commune et deux enfants, finalement il
a un coup de foudre comme ça pour un homme et qu'il est homosexuel.
Je pense que c'est des choses qui existent et des choix que les gens ne
sont pas prêts à faire. Je crois que dans la vie, ça
arrive, des hommes qui sont émus par d'autres hommes et qui ne
se décident pas ; de même que je pense que ça arrive
à des femmes. Ça reste encore très très très
marginal pour l'instant mais je suis sûre que ça existe.
Je crois qu'on n'a pas toujours le courage de le faire ni le courage de
s'assumer ce qui est normal, parce que la société n'est
pas encore prête non plus tout à fait.
C'est un film qui présente
un peu la cartographie de tous les nouveaux désordres amoureux,
on pourrait le dire comme ça ?
Oui, oui, et j'adore la scène de la fin, la conclusion, avec les
enfants qui sont finalement... forcément, les enfants n'ayant pas
encore les inconvénients de connaître toutes les règles
du jeu de la société, eux ils énoncent les vérités
comme ça à la fin, ils font une espèce de panorama
comme ça et puis à la fin, ils disent : et puis on s'en
fout, c'est trop compliqué, je n'ai pas compris. Parce que finalement,
oui c'est comme ça. C'est la vie privée, ça n'appartient
qu'aux gens.
La comédie pour vous,
c'est quelque chose qui...
De très rare malheureusement pour moi... de trop rare.
De très rare, qui vous
motive spécialement parce que c'est rare ?
Non, ça ne me motive pas parce que c'est rare, ça me motive
parce que si vous voulez, quand même, quand on tourne une comédie,
c'est vrai que c'est un moment... c'est très dur physiquement parce
qu'il faut beaucoup d'énergie tout le temps, mais il y a quand
même beaucoup de gaieté donc si vous voulez l'ambiance du
tournage, venir au tournage pour tourner une comédie dans des situations
comme ça plutôt drôles et burlesques, c'est très
très agréable. Et c'est vrai qu'en France, on fait plutôt
des films dramatiques, on parle plutôt de l'amour et des relations
amoureuses d'une façon plus disons... souvent quand même
plus... qui m'intéresse beaucoup aussi d'ailleurs, mais c'est vrai
qu'on est quand même plus porté vers des films plutôt
dramatiques, oui.
En même temps, Aghion,
il renoue avec une tradition qui est plus une tradition du grand cinéma
américain, on pense à Capra, on pense à Lubitsch,
c'est-à-dire parler de choses sérieuses avec une sorte de
légèreté dans la forme...
Oui, parce que c'est un film qui bouscule quand même beaucoup de
choses...
Et en France, on a l'impression
que c'est toujours un peu dévalorisé, la comédie,
qu'on ne peut pas dire des choses sérieuses sur le mode léger.
Oui, totalement. Parce que je crois que franchement, les Français
sont quand même... on est quand même des gens plutôt
sérieux et que même si on aime la comédie, c'est un
peu du bout des lèvres, on aime bien ça sur le moment ;
il y a une espèce... il y a comme une espèce de regret après
avoir ri, une espèce de volonté d'oublier, comme si on devait
être tout le temps des grandes personnes et qu'il fallait être
sérieux tout le temps et qu'après tout, la comédie,
ça ne pouvait pas être une chose de la vie, que c'était
un moment, comme un moment de bonheur et qu'il faut surtout vite l'effacer
après et qu'il faut repartir vers des choses très très
sérieuses. Et d'ailleurs les comédies, c'est vrai qu'il
y a des films de comédie qui ont très très bien marché
en France, mais c'est vrai que c'est quand même un genre... et c'est
un genre très difficile parce que moi je me souviens, quand j'ai
vu Gabriel pendant qu'il écrivait, avec Danièle Thompson
qui a écrit le scénario avec lui, c'est vrai que ça
demande des séances de travail vraiment très ingrates et
très dures parce que quand on ne trouve pas, si vous voulez, il
n'y a pas justement la situation d'émotion où on sait qu'on
va de toute façon se rattraper parce qu'il y aura les sentiments.
La comédie, il faut que ça fonctionne vraiment techniquement
en plus.
C'est plus une mécanique
de précision.
En plus il faut qu'il y ait en plus la mécanique de précision,
parce que le rythme, tout ça, c'est absolument capital, les mots,
l'esprit, trouver... ils ont bien travaillé je trouve.
Oui, oui, ils ont bien trouvé, travaillé.
On se retrouve après une page de pub et puis on reparle de ce beau
travail.
Pause publicitaire
Retour sur le plateau de "Public"
en compagnie de Catherine Deneuve. On parlait du film de Philippe Garrel,
"Le vent de la nuit" et puis de "Belle-Maman", la
comédie de Gabriel Aghion qui sort mercredi sur les écrans
; et on disait que c'était sous une comédie ou par une comédie,
une façon de parler de tas de marginalités parce que bon,
on a parlé de la sexualité, de l'homosexualité, des
relations d'amour entre deux personnes d âges différents,
mais il y a aussi l'alcoolisme avec une composition de Danièle
Lebrun qui est absolument extraordinaire, il y a aussi la vulgarité
assumée de Line Renaud en personnage de vieille lesbienne mais
qui a envie de le montrer et qui ne s'en laisse pas compter...
C'est une femme amoureuse.
Alors tout ça, ce sont
des milieux dans lesquels vous vous reconnaissez à cause de la
liberté... c'est un hymne à la liberté de choix.
Oui, tout à fait.
Ça, ça vous plaît.
Oui, ça me plaît de faire ça au cinéma parce
qu'on n'a pas l'occasion souvent, franchement, de lire des scénarios
gonflés comme ça, il faut bien le dire. Mais ça me
plaît aussi parce que de toute façon, l'homosexualité,
c'est une réalité aujourd hui - moi j'ai beaucoup d'amis
homosexuels - donc c'est un concentré encore une fois, le film,
c'est un film qui reprend toute la... donc je trouve ça plutôt
gai, oui, plutôt gai d'écrire un film là-dessus et
de vouloir faire une comédie, je trouve que c'est assez audacieux.
On y chante et on y danse aussi,
il y a des petits moments qui flirtent ou qui font clin d'il à
la comédie musicale, on en a vu un petit extrait dans la bande
annonce.
Oui. Mais ce qu'ils ont réussi aussi je trouve, en écrivant
le scénario, si vous voulez, c'est à situer ces personnages
qui veulent vraiment vivre leur vie, ce sont quand même les trois
femmes par exemple, des femmes qui vivent sur une île, qui ont quand
même décidé de se mettre vraiment quand même
en marge d'une certaine société. C'est évident que
si elles vivaient à Paris ou dans une grande ville, je pense que
ça serait quand même beaucoup plus difficile. Je pense qu'elles
ont vraiment choisi d'aller là parce qu'elles ont chacune vécu
leur vie et que c'est la deuxième partie de leur vie et que c'est
comme ça qu'elles ont envie de la vivre. Finalement elles ont peut-être...
ce serait un peu dérangeant peut-être pour les autres, mais
là elles ne s'exposent à rien, elles vivent sur une île,
elles tiennent un hôtel, elles vivent leur vie.
C'est parce que c'est un film
gai qu'on y chante et qu'on y danse ? C'est-à-dire que pour vous,
c'est l'expression de la gaieté et de la joie de vivre, de chanter
?
Oui, ça fait partie de la vie. Moi je sais que j'ai toujours aimé
ça. D'ailleurs je chantonne beaucoup dans la vie, mes parents chantaient
beaucoup quand j'étais petite, je connais beaucoup de chansons
de la génération de mes parents, ce qui fait que j'ai appris
beaucoup de chansons à mes enfants quand ils étaient petits,
de ma génération, et on a toujours beaucoup chanté
dans ma famille et on chantonne encore très très souvent,
je connais beaucoup beaucoup de chansons.
Oui, la preuve, on est allé voir un petit peu
dans vos prestations télévisées, dans les films.
Alors on n a pas tout, loin de là, parce que sinon on y aurait
passé l'émission, mais c'est un peu Catherine Deneuve, "Paroles
et musiques" au pluriel.
Reportage
Voilà, un petit florilège
et il y en aurait bien d'autres, il y aurait "Peau d'âne"
enfin bref. C'est la preuve que la chanson, finalement.
M'attire...
Mais pourquoi n'avez-vous jamais
eu envie, je ne sais pas, d'enregistrer ?
Mais si, j'ai fait un disque, d'ailleurs un des extraits qu'on a vus,
c'était extrait du disque que j'ai fait avec Serge Gainsbourg,
d'un 33 tours qu'il a écrit pour moi. Mais moi je suis une actrice,
je ne suis pas une chanteuse, donc c'est assez difficile si vous voulez,
parce que je n'ai pas une voix de chanteuse et qu'il faut donc quelqu'un
qui écrive pour une actrice et finalement, ce n'est pas si simple
que ça. Gainsbourg faisait ça très très bien.
C'est vrai que j'aimerais bien refaire ça. Je me dis d'ailleurs
que si j'avais l'envie plus grande peut-être et le temps et le courage,
je demanderais à David McNeal parce que je trouve qu'il écrit
des paroles formidables. J'aimerais bien. C'est un plaisir extraordinaire
de chanter. C'est un plaisir physique qui est vraiment très très
agréable.
Alors il y a une chanson quand
même, dans "Belle-Maman" on y revient, c'est la chanson
que vous offrez au personnage de votre mère dans le film, à
Line Renaud... et cette chanson, vous l'avez enregistrée avec quelqu'un
de la nouvelle génération du rap.
Stomy Bugsy, oui.
C'est une rencontre un petit
peu incongrue aussi.
Oui, mais je ne sais pas... comme je l'avais toujours su et que Gabriel
Aghion m'avait dit, voilà, j'aimerais bien que ce soit un peu un
rap, que ce soit un truc un peu improvisé, quand j'ai lu le scénario
si vous voulez, j'étais déjà apprivoisée avec
cette idée. Je me suis dit oui, dans le fond, pourquoi pas ? Vous
savez, tant qu'on n'est pas mis devant le fait sur le plateau et qu'on
vous dit " il faut y aller " et qu'on a la possibilité
de travailler, d'en parler, de répéter, tout est possible
mais c'est vrai que j'avais une certaine appréhension parce qu'il
n y a pas de mélodie dans le rap, donc c'était un petit
peu particulier mais c'était très amusant et puis Stomy
Bugsy est vraiment adorable, patient, beaucoup d'humour, il est vraiment
très charmant, ça s'est très bien passé.
Oui, et puis il a l'air un peu
impressionné à l'image d'être à côté
de vous.
Oui parce que là, quand on enregistrait, c'était plus son
élément. A partir du moment où il y avait la caméra...
disons que ça rétablissait un petit peu le truc parce que
lui, les studios, le micro, tout ça pour lui ce n'est pas impressionnant,
en revanche la caméra, ça l'impressionnait. Donc moi j'étais
moins impressionnée par la caméra et plus par le micro,
donc ça nous a remis un peu au même niveau tous les deux.
C'est tout récent, vous
avez enregistré ça dans la semaine.
Oui, absolument.
Eh bien voilà, vous nous
avez fait le petit cadeau... le grand cadeau, de nous permettre de le
voir, on regarde.
Je vais le découvrir avec vous d'ailleurs.
Extrait
Qu'en pensez-vous alors, puisque
vous le découvrez ?
Je trouve ça sympathique, je trouve ça sympathique. Mais
c'est vrai qu'il faut savoir que dans le contexte du film, c'est une chose
qui est vraiment improvisée, ce n'est pas quelque chose qui est
supposé être... vous voyez... Ce n'est pas une chanteuse...
Non, mais ça peut faire
un bon succès. En plus l'anniversaire des mamans, c'est un truc...
Oui, c'est un bon créneau comme vous dites.
Alors on n'a pas parlé
de Mathilde Seigner qui est votre fille dans le film et bon, ça
me permet de faire une transition...
On n a pas parlé de Vincent Lindon non plus.
Non... il y a plein de choses
et l'heure tourne pourtant. Mais je voulais parler de Mathilde Seigner
parce qu'elle fait partie de ces jeunes comédiennes pour qui on
suppose que ça ne doit pas être très facile de se
retrouver à côté de Catherine Deneuve et en même
temps elle existe pleinement et complètement.
Tout à fait, il se trouve qu'en plus Mathilde est une jeune actrice
qui a une personnalité très forte et puis on a eu la chance
de commencer le film par les tournages en extérieur en Martinique,
ce qui fait qu'on était tous dans le même hôtel et
qu'on vivait ensemble, qu'on se voyait le soir et que ça a beaucoup
facilité quand même les rapports et la simplicité
justement des rapports du tournage parce qu'on était vraiment...
il y avait beaucoup plus d'intimité. Et Mathilde est en plus quelqu'un
qui a beaucoup d'humour et puis c'est une forte personnalité. Donc
elle cache sa timidité sous un truc comme ça de provocation
des fois, et ça c'est très bien passé. Je crois que
s'il y avait une barrière, c'est tombé vraiment très
vite, très très vite.
Vous êtes attentive à
toute cette jeune génération parce que c'est vrai que c'est
invraisemblable le nombre de jeunes comédiennes aujourd'hui qui
éclatent, et aussi cette sorte de prise de pouvoir on dirait, dans
le cinéma français par les femmes. Il y a deux grands succès
en ce moment, "Vénus Beauté" de Tonie Marshall,
"La nouvelle Eve" de Karin Viard, c'est des succès un
petit peu inattendus pour la profession et qui sont des films de femmes
et qui parlent des femmes et des hommes évidemment, mais sous un
regard vraiment féminin. C est comme une nouvelle tendance ?
Moi-même j'ai fait un film avec Nicole Garcia cette année
et puis c'est vrai que Laetitia Masson aussi a fait un film très
beau avant. Eh bien il me semble que disons c'est une arrivée qui
remet un peu de justice dans le cinéma où c'est vrai qu'on
a tendance quand même à voir plus d'hommes que de femmes
; mais mêmes chez les techniciens, on commence à voir pas
mal de techniciens femmes et c'est d'ailleurs assez agréable de
voir plus de femmes sur un tournage. Je crois que c'est dans I'air du
temps, c'est-à-dire que les femmes arrivent à écrire
plus et à s'imposer davantage dans le cinéma et dans la
mesure où elles vont avoir une crédibilité parce
que ces deux films-là sont des films qui marchent quand même,
je pense que ça va aider quand même à se dire que
finalement ce n'est pas impossible pour une femme de faire un film et
de le mener jusqu'au bout et d'avoir du succès, c'est ça,
les femmes n'ont pas à être cantonnées simplement
au rôle d'écrivain. Danièle Thompson fait son premier
film comme metteur en scène.
Le cinéma est finalement
en phase avec ce grand mouvement de féminisation de la société,
beaucoup plus que les débats préhistoriques de la politique
sur parité, PACS et compagnie.
Je crois que de toute façon, le cinéma est toujours en phase
avec la réalité. Je crois que le cinéma est des fois
en avance - et ça c'est bien - des fois un peu en retard mais c'est
toujours quand même un reflet de la société, quand
même, toujours.
Il y a deux ans, vous parliez
des Césars en disant que de toute façon, c'était
une cérémonie un petit peu étrange que vous n'aimiez
pas beaucoup, et vous disiez la chose suivante : c'est quelque chose de
presque déprimant comme le lendemain de Noël même si
on a eu plein de cadeaux, c'est fini et on n'existe plus. Alors j'imagine
en plus quand c'est un Noël où on n a pas eu de cadeaux.
Je ne crois pas avoir dit "on n'existe plus", mais disons que
ça n'a plus de réalité...
C'est comme si vous n'existiez
plus vous dites, le lendemain...
Oui, mais c'est pareil à Cannes aussi. Quand on va au festival,
il y a cette espèce d'émotion de monter, les journalistes,
la pression, les photographes, les marches... Et puis bon, si rien ne
se passe après, vous avez cette espèce de chute et de retombée.
Mais c'est quelque chose que je pense toujours aujourd'hui. En plus le
film de Nicole Garcia avait beaucoup de nominations, il n y a rien eu
à l'arrivée mais de toute façon, c'est vrai que j'étais
dans un état... c'est une épreuve que je redoute. Vous allez
me dire que ce n'est pas une obligation, pourquoi j'y vais ! J'y vais
parce que...
Parce que ça fait vraiment
genre de ne pas y aller...
Oui, je crois que c'est ça et que moi, mon genre, c'est plutôt
d'essayer d'être toujours quand même dans une espèce
de normalité si vous voulez par rapport aux choses. Je n'aime pas
trop... ce n'est pas que je n'aime pas faire des vagues mais je n'aime
pas faire des remous sur des choses. Donc souvent je reconnais qu'il m'arrive
de râler et puis de faire les choses quand même finalement.
Et c'est vrai que j'ai toujours été un peu mitigée
sur les Césars et pourtant j'y ai été et pourtant
j'en ai eu. Mais je crois que la chose sur laquelle je reste toujours
mitigée, c'est que je trouve qu'il y a quand même des choses
étranges, il y a quand même des choses curieuses. C est vrai
qu'hier, j'entendais encore des gens parler comme ça et c'est vrai
que d'apprendre que des gens de la profession ne votent pas, que des réalisateurs
ne votent pas, ne reçoivent pas les bulletins de vote, qu'il faut
en faire la demande, c'est vrai que c'est quand même étrange.
On ne sait pas entre le premier tour et le deuxième tour ce qui
se passe par rapport au vote. On ne sait pas exactement finalement qui
vote. Ce n'est pas comme en Amérique où on sait que c'est
par corporations et il n'y a que pour les films que tout le monde vote.
C'est vrai que de voir le film André Téchiné "Alice
et Martin" totalement oublié dans les nominations pour tout,
parce qu'il y a quand même beaucoup de possibilités quand
même pour un film d'avoir au moins une ou deux nominations, c'est
vrai que c'est des étrangetés, pour moi ça reste
étrange, donc on se retrouve dans une soirée avec que des
gens de la profession et en même temps on se demande qui a voté
parce que je n'y retrouve pas toujours... je ne dirais pas ma famille,
mais je n'y retrouve pas la famille que je vois disons du cinéma...
la carte du cinéma de l'année. Je n'y retrouve pas forcément
mes choix mais je n'y retrouve même pas forcément non plus
les choix du public. Ça reste un peu étrange et un peu bâtard
pour moi.
Vous avez été
un peu déçue en ce qui vous concerne ?
Non, en ce qui me concerne moi, non. Parce que contrairement à
ce qu'on disait, je ne sais pas pourquoi, ou peut-être pour parjurer...
on m'a tellement dit que j'étais favorite, que forcément
j'allais l'avoir, je disais non, détrompez-vous, je ne l'aurai
pas ; je pense que l'effet des douze nominations aussi a dû agacer
un peu. Et puis je pensais que voilà, les Césars... il y
a quand même de temps en temps cette incursion... où on a
envie comme ça de pousser davantage une jeune actrice qui avait
déjà eu la Palme d'Or à Cannes, cette envie comme
ça de dire qu'à un moment il faut ouvrir les brèches,
oui, voilà. Mais moi, franchement je suis assez fair-play. J'ai
été déçue par rapport au film quand même
parce que douze nominations et rien, c'est quand même un peu dur.
J'ai pensé beaucoup à Nicole qui était à côté
de moi et je pense que c'était encore plus difficile pour elle.
Mais après, on a été au souper, il y avait toute
l'équipe du film et on avait une table très chaleureuse.
Gabriel Aghion m'accompagnait. Disons, on a réussi à rattraper
le côté un peu triste. C'est toujours triste d'aller à
une fête et de ne rien avoir. Mais moi je n'étais pas partie
pour avoir personnellement vraiment un cadeau. Donc voyez, ce n'était
pas un Noël totalement raté pour moi quand même.
"Tu t'agites, tu t'agites
mais ce qui compte, c'est de donner un sens à sa vie". C'est
une réplique de Daniel Auteuil dans le film de Téchiné.
Absolument, dans le film d'André Téchiné. C'est une
phrase qui m'avait beaucoup marquée parce que c'est une phrase,
que beaucoup de gens, dont moi d'ailleurs, qu'on peut reprendre pour soi,
souvent, ça nous arrive à tous.
Vous avez le sentiment de vous
agiter et de perdre un peu le sens de votre vie dans ces cas-là.
Oui. Oui, oui. Mais je pense que je ne suis pas la seule. Enfin ça
ne me console pas. Mais enfin je pense que ça fait partie malheureusement...
oui, je pense que je n'ai pas la sagesse de me retirer au moment où
il le faudrait par rapport à des activités que j'ai. J'essaie
toujours de faire souvent beaucoup de choses en même temps, j'essaie
toujours de concilier les choses de travail, d'amitié. Donc c'est
vrai que je vole du temps, je me vole du temps à moi aussi. Donc
des fois je suis un peu au bord quand même d'une petite catastrophe,
ça m'arrive souvent, oui.
Alors comme vous n'avez pas
eu de César, moi je vous fais un cadeau ; il y a un livre absolument
magnifique de Roland Brasseur qui s'appelle "Je me souviens de je
me souviens". Vous connaissez Georges Pérec ?
Mais bien sûr ! C'est drôle ce que vous dites parce que j'étais
à New York il n y a pas longtemps et j'ai cherché le livre
qui est à l'origine de ce livre qui est le livre de George Brenna
qui s'appelle "l remember" parce ce que il l'a écrit
après le livre de Brenna et que c'est introuvable aujourd'hui aux
Etats-Unis.
Alors Roland Brasseur s'est
dit...
Il a repris le principe...
Il a repris tous les principes
de ce dont parle Georges Pérec en se disant que ce n'était
plus pour les générations futures forcément audible
tout ce qui se passait dans les années 60 ; il a fait des petites
fiches techniques...
J'ai entendu parler du livre, oui.
Roland Brasseur, c'est aux éditions
du Castor Astral. "Je me souviens de je me souviens" et je vous
l'offre avec grand plaisir.
Oh merci, c'est très bien.
Et on peut signaler aussi parce
qu'il y a aussi tout l'aspect Catherine Deneuve, Saint-Laurent, la mode
etc., la nouvelle revue qui s appelle "Numéro" et où
vous verrez de grandes photos, de belles choses...
Encore un journal féminin ! J'espère qu'il y a des images
et pas trop de textes parce que je n'aime pas trop les textes des journaux
féminins, moi !
Vous aurez les deux ! Voilà, Catherine
Deneuve, je vous remercie.

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