Son univers / Coups de cœur / Yves Saint Laurent
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Ce qu'en a dit Catherine Deneuve

Leur rencontre

J'ai débarqué à 22 ans rue Spontini, où il était alors installé. C'était fin 1965, et j'avais découpé dans ELLE la photo d'une robe de la collection de la saison précédente. Ça a amusé tout le monde, qu'une fille aussi jeune, presque inconnue, se paie une robe de haute couture et, de surcroît, un modèle qui avait déjà près d'un an. C'était un long fourreau de crêpe blanc, avec un plastron brodé rouge, très slave, très pur, très strict, que j'ai porté à Londres pour être présentée à la reine Elisabeth, lors de la Royal Performance. [...] On s'est connus à ce moment-là. Et j'ai continué à aller chez Saint Laurent. Ce qui, pour ma bourse, était alors quelque chose d'absolument déraisonnable. N'oublions pas que le prêt-à-porter n'est venu qu'en 69-70.

C'était en 1965. Je suis arrivée chez Saint Laurent avec une photo de l'année précédente, découpée dans un journal. Au grand étonnement de tous, je voulais absolument me faire faire une robe de la dernière collection. C'était pour le gala de présentation à la reine Elisabeth d'Angleterre. Une robe longue, blanche, en crêpe, avec un plastron brodé rouge que je n'oublierai jamais. Elle était tout à fait extraordinaire. Voilà comment nous nous sommes rencontrés.

J'avais besoin d'une robe du soir et c'est en simple cliente que je suis allée chez Saint Laurent, pour la première fois en 1965. Puis, il m'a habillée pour des films, je l'ai vu travailler, avec admiration, et dès lors nous avons eu une relation plus intime. J'adore ses vêtements, et je les ai toujours naturellement portés. Aujourd'hui, on est habitué à voir le nom de certaines actrices s'associer à celui de couturiers, souvent pour des raisons publicitaires. En ce qui me concerne, mes relations avec Yves Saint Laurent remontent à 1968 ou 1969 et les choses se sont faites comme cela, dans le cadre d'une vraie relation professionnelle et amicale.

Cette relation a abouti parce que notre rencontre s'est produite à travers le travail. M. Saint Laurent est un homme si délicat et si timide que si cette rencontre avait eu lieu dans des circonstances plus privées, elle aurait été différente. Dans ce contexte professionnel, nous parlions du vêtement, du film, du personnage et, par ce biais, nous nous disions d'autres choses qui, petit à petit, ont tissé un lien très fort entre nous et ont donné naissance, chez moi, à une admiration qui n'a jamais failli. Yves Saint Laurent est vraiment un être surprenant.

Toute notre relation repose sur l'osmose qui s'est réalisée entre nous. Je ne suis pas influencée, mais mon œil est préparé à ce mélange de simplicité et de sophistication.

Leur amitié


Peut-on dire que nous soyons intimes ? Non, c'est plutôt une complicité. Faite de pudeur, d'échanges discrets, d'affection mutuelle, sans mot pour le dire. Yves est quelqu'un d'extrêmement timide. [...] Il fait partie de ces gens qui ne s'expriment jamais aussi bien, ne sont jamais autant eux-mêmes que dans leur métier. Je parle peu de lui. Il ne dit jamais rien sur moi. Mais on se suit, on s'accompagne depuis trente ans.

En dépit du temps qui passe, je n'arrive pas à penser à l'homme qu'il est devenu autrement que comme à un garçon, simple, juvénile, perpétuellement émerveillé. D'une gentillesse sans faille. Pas un anniversaire, pas un moment important de ma vie où je ne reçoive des fleurs, un mot charmant d'Yves Saint Laurent.

Je suis ça aussi, ce côté miss Saint Laurent, et j'y tiens parce que ce n'est pas publicitaire ou bidon, c'est une admiration et une amitié pour Saint Laurent qui dure depuis plus de trente ans.

Son talent

Il m'habille depuis toujours parce que, grâce à lui, je peux préserver mon propre style au-delà des saisons et des collections.

Je pense à lui un peu comme à un sculpteur ou un peintre. [...] Ce qui me plaît surtout, c'est sa recherche de l'absolu.

Yves Saint Laurent est l'un des plus audacieux dans le portable, ce qui n'est pas rien. De l'audacieux dans l'importable, on en voit beaucoup. Lui, il garde une rigueur extraordinaire, il reste le plus grand mais je reconnais être une inconditionnelle. C'est dangereux, non, cette impression d'avoir raison ? (rires).


Je ne pense pas que Saint Laurent fasse partie de ceux qu'on appelle "les magiciens du corps". C'est un créateur qui a un style. Il faut avoir une certaine silhouette pour porter ses modèles. Par exemple, il faut avant toute chose avoir des épaules. Et correspondre aux points forts de son graphisme : la tenue du dos, la ligne... Saint Laurent ne fait pas de vêtements pour dissimuler les défauts mais pour rendre les femmes belles.

Yves a été le précurseur de toutes ces couleurs audacieuses que j'aime, de la pureté des lignes qui m'enchante... Et puis la qualité des tissus qu'il emploie me donne un plaisir physique à les porter... [...] Dans les robes de Saint-Laurent il faudrait être toute nue ! Ce serait le seul moyen d'en appprécier autant l'envers que l'endroit...

Avoir une robe Saint Laurent, ce n'est pas un caprice. C'est une envie, un luxe auquel je suis très sensible. Je ne suis pas blasée. Nos rapports sont basés sur une très longue relation que je considère comme un privilège.

Yves Saint Laurent a réalisé spécialement pour moi des robes du soir pour des événements particuliers. Sinon, je choisis dans la collection et ne demande de changement que lorsque la couleur correspond plus à une brune qu'à une blonde. Je me souviens des toilettes qu'il m'a faites pour les grands anniversaires de la maison Saint Laurent, pour des films aussi bien sûr, et à l'occasion du Festival de Cannes ou de la cérémonie des Césars. Il aime le théâtre et le cinéma, il adore dessiner des costumes de scène.

Rien ne m'a jamais obligée à ne porter que des vêtements Yves Saint Laurent. Mais l'élégance de sa maison, l'une des rares qui soit encore incarnée par une personne, la qualité des gens qui travaillent pour lui, se retrouvent dans les familles de vêtements qu'ils ont fait naître et dont la plupart s'avèrent aujourd'hui encore d'une parfaite actualité.

C'est très grave quand on se trompe de vêtement dans un film. Dans la vie, non, on peut toujours se rattraper. Mais au cinéma... Saint Laurent, je m'abandonne les yeux fermés. Mais Saint Laurent ne peut pas habiller tous les rôles et c'est bien dommage parce que je ne me suis jamais lassée de mettre ses robes dans la vie : le matin, l'après-midi et le soir.

Je suis toujours émerveillée de voir Yves Saint Laurent, qui n'est jamais devenu un "monsieur responsable". Malgré le talent et le succès, il a su garder une inaltérable fraîcheur qui fait de lui cet éternel jeune homme.

J'ai encore du mal à réaliser son départ. Entre nous c'est une liaison très longue, des années où il m'a habillée dans la vie, au cinéma. Je ressens une certaine mélancolie. Bien sûr, pour moi il sera toujours là, il aura même plus de temps libre. Pour lui, c'est positif : il s'arrête au sommet de sa gloire, il va pouvoir entamer la troisième partie de sa vie, se consacrer à d'autres choses qu'il aime, peut-être le théâtre ou l'opéra. Mais pour les femmes, pour la mode, c'est la fin d'une époque. Il appartient à la grande génération, celle de Chanel, Dior et Balenciaga. Aujourd'hui, rares sont les vrais couturiers au sens noble du terme. Il y aura bien sûr une continuité avec des maisons comme Gaultier, Balenciaga. Ses créations dureront, continueront de vivre et d'inspirer d'autres gens. Mais le retrait de quelqu'un qui a tellement aimé les femmes, qui les a habillées avec autant de talent, va créer un grand vide.


Ce qu'il a dit sur Catherine Deneuve...


Elle a toujours été extraordinaire pour moi. Je l'habille depuis "Belle de jour", le film de Luis Buñuel. C'est une femme qui a un charme et un cœur merveilleux. Pour moi, elle est la plus grande star mondiale. Nous nous écrivons souvent. Je l'appelle "Catherine, ma douceur", elle m'envoie des roses pâles.

Yves Saint Laurent, Paris Match 1992

Catherine Deneuve est une des femmes qui m'émeut les plus, d'abord parce qu'elle est la plus grande star de nos jours. Elle représente a l'étranger l'une des actrices les plus brillantes. Elle sait admirablement choisir ses vêtements et les accorder avec sa personnalité. En tant qu'amie, elle est la plus exquise, la plus chaleureuse, la plus douce, la plus protectrice. Je crois que l'on s'aime beaucoup depuis le premier film ou je l'ai habillée. C'etait "Belle de jour" de Luis Buñuel. C'est une remarquable actrice, capable de pudeur, de froideur et de générosité éclatante. Catherine Deneuve a une place toute particulière dans mon cœur.



Né en 1936, Yves Saint Laurent a grandi à Oran, en Algérie. A 17 ans, il part à Paris où il travaille rapidement pour Christian Dior, jusqu'à la mort de celui-ci en 1957. Après son service militaire en 1962, il ouvre sa propre maison de couture avec l'appui de Pierre Bergé. Depuis, il a constamment innové et est devenu le plus grand couturier du monde. En janvier 2002, pour les 40 ans de sa maison de couture, il décide de tirer sa révérence.

Lors de son dernier défilé en forme de rétrospective le 22 janvier au Centre Pompidou, Catherine Deneuve lui a chanté en direct devant 2000 invités la chanson de Barbara "Ma plus belle histoire d'amour c'est vous", en duo avec Laetitia Casta, un de ses modèles favoris.

Catherine Deneuve en YSL



Documents associés

Paris Match 1991
Elle 1996
Soirée d'adieux d'Yves Saint Laurent 2002