Son univers / Sorties et voyages / Voyage en Inde (1998)
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Sorties et voyages

L'idée du voyage à Bénarès est venue tout naturellement. Catherine venait de terminer "Belle-maman", de Gabriel Aghion, et avait besoin de prendre une semaine de repos avant le début du film de Régis Wargnier.

1999 sera l'année Deneuve. Elle connaît ma passion pour l'Inde, où j'ai réalisé de nombreux sujets, tout particulièrement à Bénarès, la ville sainte qui est le vrai cœur de la péninsule indienne depuis que l'histoire a commencé. Le moment était d'autant plus propice que l'Inde allait fêter Diwali, la fête de la Lumière, l'exaltation du renouveau des forces de vie : celui qui n'a pas vu une fête indienne ne sait ce que célébration veut dire. C'est un acte de foi à la dimension du continent.

J'ai mes habitudes à Bénarès, et nous sommes allées chez mes amis qui tiennent une chambre d'hôte, lieu qui est l'expression même du charme indien.

Le Riverview offre deux chambres, garanties de tranquillité, qui donnent sur le Gange, le fleuve sacré qui dévale de l'Himalaya jusqu'au golfe du Bengale, et qui incarne l'esprit même de la divinité. La maison du fleuve est un lieu magique, où Catherine s'est immédiatement sentie chez elle. Ici, elle n'était pas en représentation, nul ne la connaissait. Elle était en liberté, ouverte à toutes les sensations au pays des saveurs, des odeurs et des couleurs.

Elle ne connaissait pas l'Inde. Tout de suite, elle a vécu à la mode de l'Inde, qui se lève tôt. De la maison au palais, édifié naguère par le maharadjah dejaipur, qui fut l'un des maîtres de l'Inde, notre trajet à suivi la rive de Mata Ganga, "notre mère le Gange", dans les inextricables mouvements de foule. A 7 heures, nous étions dans le grand salon du palais au milieu des fenêtres à claustra qui regardent vers l'est, pays du soleil naissant. A l'instant précis où Catherine entra dans la pièce dépouillée, les rayons du soleil illuminèrent la fine découpe de marbre et éclairèrent son visage sans maquillage. L'intensité de cette lumière croissait imperceptiblement, les nuances de couleurs s'affirmaient. Moment de parfaite harmonie, rehaussé par le délicat parfum qui émanait de la fleur rouge qu'elle portait à la boutonnière de sa chemise indienne.

Puis la rue nous a repris, et les murmures du fleuve, les bruissements de foule ont remplacé le calme des grandes salles du palais au bord du Gange.

Disons le tout de suite, Catherine est une voyageuse idéale. Vive, curieuse de tout, enthousiaste, elle éprouve une sympathie innée, comme l'est son élégance. C'est sa vraie nature. Elle va vers les gens, spontanément, naturellement, sans affectation. Ce que les Français appellent parfois sa froideur est considérée par les Indiens comme une réserve de bon ton, exactement ce qu'on attend d'une femme. A cette réserve correspond celle des hommes, sans doute, qui ne peuvent pourtant s'empêcher d'admirer cette belle inconnue au chignon sobre mais sans sévérité. Plusieurs fois, j'ai surpris des regards admiratifs et des expressions flatteuses comme "she is a very smart lady". Ces hommages d'inconnus étaient parfaitement sincères.

Le cheptel indien compte cinq cents millions de vaches sacrées, elles sont donc forcément sur votre passage. Catherine, je le sais, a un contact agréable avec les animaux en général, qui viennent volontiers vers elle. Les vaches de Bénarès sont plus altières, mais se laissent approcher, la petite caresse sur le mufle humide est un acte de bienvenue réciproque. Chez un ami, marchand de soie au bord du fleuve, qui possède son petit troupeau de laitières pour les besoins de la famille, elle a été étonnée d'y trouver une très vieille vache blanche. Elle ne pouvait plus donner de lait, mais elle régnait toujours tranquillement sur la maisonnée. Mon ami lui a expliqué que bien des gens lui avaient conseillé de se débarrasser de la pauvre bête, mais il avait toujours refusé en disant : "On ne jette pas sa mère. On la garde jusqu'au bout. Elle nous a nourris, nous lui devons tout".

L'autre façon de découvrir les mentalités a été la gastronomie indienne, dans tous ses raffinements, de la soupe de lentilles aux chapatis, ces savoureuses galettes de froment, le lhassi, yaourt au goût si frais et si particulier. Et le thé, que j'appelle le vrai thé, qui consiste à faire bouillir en décoction les feuilles de thé, bien sûr, mais aussi le lait, le sucre, pour obtenir une saveur inégalée et une force dont les Indiens prétendent qu'elle fut à l'origine du valeureux comportement des troupes indiennes pendant la Grande Guerre.

Catherine goûte à tout, est curieuse de tout, est heureuse de tout. Elle m'a dit avoir vécu cette aventure tout à fait à l'imprévu, comme si, brusquement, une porte s'était ouverte devant elle, lui offrant le passage vers un monde enchanté.

Catherine a cette vertu de savoir flâner, errer dans les rues, se laisser porter par ses impulsions, dans ces rues qui sont autant de fleuves humains auprès du fleuve divin.

Je connais quelques marchands de soie à Bénarès, puisque la soie participe du sacré, et toute jeune mariée indienne se doit d'ailleurs d'avoir un sari de soie acheté à Bénarès. En quelques minutes, vous êtes enveloppée dans un cocon de soie aux couleurs rares, inattendues, somptueuses.

Catherine est très généreuse, elle fait des cadeaux à tous ceux qu'elle aime, elle pense d'abord aux autres, et elle sait parfaitement jouir du plaisir d'offrir. La soie, les bijoux... c'est l'Inde éternelle aux bords d'un fleuve dont seules les eaux puissantes peuvent permettre de ne plus craindre la mort. Nous avons passé beaucoup de temps dans ces boutiques feutrées, dont la pénombre étudiée sait si bien mettre en valeur l'or et les pierres.

Puis elle a tenu à découvrir le fleuve en prenant place dans une de ces lourdes barques qu'elle a su manœuvrer comme un marinier ! Un proverbe indien dit : "Femme courageuse est toujours bonne rameuse". Le proverbe ne ment jamais...

Les eaux étaient si puissantes qui le niveau du fleuve a monté à l'excès, inondant les ghats qui bordent la rive. La fête de la Lumière s'est déplacée, Catherine a suivi la cérémonie qui s'enflammait à la tombée du jour, et elle a découvert un nouveau monde. Elle m'a fait la promesse de revenir l'année prochaine. Si Shiva le veut...

Oh La 1998

Par : Marie-Laure de Decker



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