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Quand on me demande de
faire un peu "le point" parce que je suis une jeune femme
de trente ans, j'éclate de rire. Car je n'ai jamais quitté
mon adolescence ! Et j^ai l'impression que je ne la quitterai jamais
! Je vis beaucoup sur mes souvenirs d'enfance, sur le passé.
Et je présume que ce n'est pas l'attitude que l'on attend d'une
personne "adulte". |
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David Bailey

Le seul que j'ai épousé
- et dont j'ai divorcé d'ailleurs - David Bailey, j'ai vraiment
eu le coup de foudre pour lui. On s'est mariés en moins de
quinze jours. J'avais vu des photos qu'iï avait faites et que
je trouvais extraordinaires. Aussi, quand on m'a demandé de
poser pour un magazine américain en me laissant le choix du
photographe, j'ai demandé que ce soit lui... Ce magazine c'était
"Play Boy" et les photos devaient être très
"sexy". Je me demande encore comment je me suis laissée
convaincre de faire ça ! C'est peut-être la seule chose
que je regrette dans toute ma vie. C'est vrai, je n'ai jamais de regrets,
mais là, non, c'était trop bête... Donc, ce garçon
qui est devenu mon mari, j'étais presque nue la première
fois qu'il a posé les yeux sur moi... C'était d'autant
plus faux comme situation que je déteste la nudité.
C'est le contraire de l'érotisme. |
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J'ai beaucoup changé
depuis que je l'ai épousé. David m'a défendu
de me couper les cheveux parce qu'il aime les femmes aux cheveux qui
flottent et qui respirent. Il m'a appris à étudier mon
visage pour le bien connaître, pour l'améliorer. Il m'a
fait changer de tailleur |
Catherine Deneuve, citée
dans Ciné Revue 1967
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Etaler ses états
d'âme est indécent. Catherine Deneuve, vedette de cinéma,
est un personnage public ; mais elle a droit à une vie privée.
Je ne renie pas Dave. Un amour aussi fervent ne s'oublie pas, même
si nous l'avons inconsciemment détruit : peut-être par
excès de jeunesse, par manque de maturité ? Ma confidence
s'arrête là. L'amour s'apprend, souvent au détriment
de ceux qui l'éprouvent ensemble. La vie, elle aussi, s'apprend.
C'est une éducation de longue haleine. Je veux trouver le temps
de vivre. De vivre une vie dans laquelle Dave aura toujours sa place
: celle qui revient au plus tendre de vos amis. |
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Je suis incapable d'expliquer ce qui m'a pris
lorsque j'ai épousé, à Londres en 1965, le
photographe David Bailey. Je n'ai pas tardé, il est vrai,
à demander le divorce. Mais ce mariage, pourquoi ?... Ce
ne fut pas un "gag", comme je l'ai entendu dire : j'y
avais consenti et, par conséquent, bien réfléchi,
d'abord. Ce ne fut, peut-être qu'un élan, une impulsion
ou encore autre chose que j'ignore...
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Je ne suis pas hostile au mariage, disons qu'il
ne m'a jamais intéressée. Et aujourd'hui, je serai catégorique
: il ne m'intéresse plus du tout, mais alors plus du tout.
Quant à ce mariage-éclair de 1965 avec David Bailey,
ce ne fut pas un gag, plutôt un élan, une impulsion.
On a raconté pas mal de sottises là-dessus. Ainsi, je
me serais mariée en blue-jean. Rien de plus faux. Je me suis
mariée en robe. Pas en robe blanche, mais en robe noire. Et
ce détail a choqué beaucoup de gens. Il paraît,
allez deviner pourquoi, que le noir n'est pas une couleur. Avec le
blanc, c'est cependant ma couleur favorite. |
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Dans les conditions où
je vivais avec David Bailey, nous pensions, et surtout lui, que le
mariage serait une façon pour nous de nous retrouver encore
plus sûrement. Et puis je me suis aperçue que non et
pour moi, à moins d'avoir des opinions religieuses extrêmement
précises ou vraiment de croire au mariage comme à une
valeur sure, je n'en vois pas la nécessité. Je trouve
que l'on devrait apprendre aux enfants que l'on a un père et
une mère et qu'un père et une mère ne sont pas
forcément des gens mariés. |
Catherine Deneuve, citée
dans le livre de Françoise Gerber 1981
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Il savait très
bien séparer le travail et nos relations. On a surtout fait
ensemble des photos de mode et tout se passait de manière incroyablement
professionnelle, avec toute une équipe autour de nous : stylistes,
rédactrices de mode... On travaillait toujours dans un studio
qui était extérieur à la maison que nous habitions
à Londres. Les séances de photos étaient amicales
comme lorsqu'on travaille avec quelqu'un qu'on connaît bien,
mais en aucun cas je n'avais l'impression d'avoir avec lui une forme
d'intimité plus grande que celle qu'il avait avec des gens
qu'il photographiait régulièrement... |
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La mort de
Françoise Dorléac (1967)

La perte de Françoise,
c'est la déchirure la plus importante de ma vie. |
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Quand Françoise
est morte, j'ai eu le sentiment qu'elle n'avait pas le droit de m'abandonner
ainsi en plein chemin. Ce sentiment d'abandon ne m'a jamais quittée.
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Pendant des années,
la seule question pour moi fut de continuer à vivre, de réapprendre
à vivre. Très longtemps, je me suis sentie comme un
zombie. Je n'ai pas arrêté de travailler, j'ai tourné
des films, c'est vrai mais ce sont des souvenirs assez flous, je n'étais
pas du tout en état d'analyser les raisons pour lesquelles
je faisais les choses, j'étais anesthésiée. Après
la mort de Françoise j'ai interprété des rôles
importants comme actrice, mais je me sentais complètement coupée
de la réalité. |
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D'une certaine façon,
j'ai dû sentir que le film m'aiderait à survivre... J'étais
tellement détruite, je souffrais tant, que là au moins,
j'avais l'impression que je serais entourée, que j'étais
contrainte de faire des choses. Si je n'avais pas été
obligée de me lever, de parler, d'accomplir certains gestes,
je ne sais pas dans quoi j'aurais sombré. Tout valait mieux
que de rester seule. |
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A la mort de Françoise,
j'étais trop jeune pour savoir comment gérer cette douleur.
J'ai appris plus tard qu'on pouvait parler de ce qui fait le plus
mal pour s'en délivrer et trouver une forme d'apaisement, mais
c'était trop tard pour bénéficier de cette expérience
avec ma famille. Ce deuil, on ne l'a pas vécu ensemble. |
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Il est évident
que Françoise continue d'exister en moi, ce qui n'a pas simplifié
mon existence. [...] C'est vrai qu'il y a des choses que je faisais
en me disant qu'elle aurait agi ainsi, des décisions que je
prenais en pensant qu'elle les aurait prises, etc. C'était
compliqué pour moi d'y voir clair et de savoir quelle était
la meilleure attitude à avoir. Je ne voulais pas prendre la
place de Françoise auprès de mes parents, mais en même
temps, je ne pouvais pas m'empêcher de faire certaines choses,
pour combler le vide quand même, sans prétendre la remplacer.
Je ne m'y retrouvais plus moi-même. Certains de mes comportements
ne correspondaient plus à ma vraie nature. Ce n'étaient
pas forcément des choses importantes, mais elles prenaient
de l'importance dans ma tête donc j'ai décidé
de faire plus attention. |
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Je crois quand même qu'il y a des choses
dont on ne se remet pas ou très mal, certaines morts par exemple,
dont on n'arrive pas à se libérer. |
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Je crois en tout cas que
la période la plus difficile, la plus dure, a été
les années 67-70. Pour des raisons personnelles. A cause de
drames qui ont vidé de leur sens les élans que je pouvais
avoir. Et c'est vrai que je n'avais, alors, qu'une envie : travailler,
travailler, être occupée... |
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J'ai eu la malchance
d'être tout de suite très exposée dans ma vie
privée, parce que j'ai vécu très tôt des
choses dramatiques. La chance, en revanche, c'est que j'ai été
obligée de me radicaliser très vite par rapport à
un certain genre de presse, de ne rien laisser passer. J'ai été
aidée par un très bon avocat qui a gagné tous
mes procès et qui a su imposer mes positions. Depuis longtemps
j'ai une réputation d'emmerdeuse et c'est pourquoi je suis
moins en danger que d'autres. |
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Les Etats-Unis

Lorsque je suis allée
jouer "Folies d'avril", de Stuart Rosenberg, on disait que
le cinéma français allait être arrêté
pour un an au moins : j'avais 25 ans, j'étais à Paris
avec ce petit garçon que j'élevais et je ne supportais
pas l'idée de rester paralysée. Par contre, je ne suis
jamais partie avec l'intention de m'exiler à Hollywood. Simplement,
c'était une occasion à saisir, peut-être que j'avais
besoin de cela, tourner en anglais, pour me motiver, me forger...
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Il y a toujours le fait de tourner un film en
langue anglaise en se disant que c'est une ouverture pour un acteur.
C'est toujours agréable qu'on vous propose un scénario
en anglais, parce qu'on a l'impression d'échapper à
un cinéma qui ne va quand même pas très loin à
l'étranger, c'est l'envie d'envoyer des lettres un peu plus
loin. Les films sont des messages, des bouteilles à la mer.
Mais les bouteilles vont plus loin avec les films de langue anglaise. |
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J'ai simplement précisé
en arrivant [aux Etats-Unis] que je n'accepterais pas de rencontrer
tout le monde sytématiquement, que je voulais avoir un droit
de regard sur tout ce qui me concernait afin que l'on ne m'entraîne
pas sans cesse dans des réceptions, conférences de presse
ou cocktails. Ce qui ne m'a pas empêchée, pendant des
journées de travail très fatigantes qui représentaient
douze heures hors de chez moi, de rencontrer énormément
de gens, d'accorder des entretiens - mais toujours dans le cadre du
tournage - et en refusant effectivement la plupart des photos que
l'on me demandait de faire, car j'estime qu'il faut être très
difficile sur ce plan et puis je n'aime pas poser. Il ne s'agissait
donc pas d'une attitude de ma part, car je vis exactement de ta même
façon à Paris, sortant assez peu, à la fois par
goût et par manque de temps. Pourquoi irais-je perdre des heures
et des soirées dans des cocktails alors que j'ai si peu de
temps à consacrer à mes amis ? Quant à vouloir
créer une espèce d'image de moi-même, de Catherine
Deneuve star, c'est précisément ce que je refuse, le
côté fabriqué des choses... |
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Autant cela me plairait,
en effet de jouer dans certains films de certains metteurs en scène,
autant une carrière américaine n'est pas, et n'a jamais
été, mon rêve. Sinon je serais restée aux
Etats-Unis, au moment le plus propice... Le problème, c'est
que ce que l'on m'y propose n'est en général pas intéressant.
Pourquoi aller tourner aux Etats-Unis, et en anglais, des choses moins
bien que celles que je peux faire en France ? Là-bas, ils ont
toujours la même image de moi : la Française blonde et
sophistiquée. Et pourquoi me proposeraient-ils des choses exaltantes,
alors qu'ils ont énormément d'actrices, très
bonnes, sous-employées ? |
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Il s'est passé cette chose bizarre, ce
voyage aux Etats-Unis. J'y suis allée pour faire un film avec
Jack Lemmon ["Folies d'avril" de Stuart Rosenberg]. C'était
en 1968. et, là-bas, entre le tournage et le film, il y a eu
un mouvement de presse absolument incroyable
J'arrivais aux
USA comme une star française que je n'étais pas encore.
Ils m'ont accueillie comme jamais je n'ai été accueillie,
même aujourd'hui quand j'y retourne [Rires]
Et je suis
revenue en Europe avec cette image-là, auréolée
de tout ce qui s'était passé là-bas. Après,
j'ai pratiquement pu marcher sur un tapis rouge, c'est-à-dire
que quoi que je fasse, quoi que je dise, de toute façon, j'étais
une star. J'avais été tourner aux Etats-Unis, les Américains
avaient dit que j'étais la plus belle femme du monde, c'était
un fait, on ne revenait plus dessus. C'était comme ça
et voilà. C'est ça, au fond, qui m'a le plus frappée,
le plus troublée, c'est de voir à quel point ça
a pu être dit et redit sans jamais être remis en question
|
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Il
y avait Hitchcock, que j'avais rencontré grâce à
François Truffaut, à Paris. On a déjeuné
ensemble, il m'a parlé d'un projet de film d'espionnage. Le
scénario n'était pas développé, et il
est mort avant d'avoir pu le faire. C'est dommage. Il paraît
qu'il était très dur avec ses actrices, mais ça
m'aurait plu d'entrer dans son univers. |
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En ce qui concerne Hitchcock,
il était question qu'il me dirige dans un film d'espionnage
tourné en Suède "The short night". |
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Il a renoncé au
projet. Pourtant, c'était un beau scénario ! Je l'avais
rencontré, on s'était vus. Je sais que beaucoup de gens
attendent cela parce que je suis "la blonde glaciale" du
cinéma français. [...] Peut-être que moi évoluant,
je ne le serai plus au moment (rire) où ça pourrait
se concrétiser. |
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[Regret]
Hitchcock. Pas seulement parce que je l'admire et que j'aime beaucoup
ses films, mais parce que je pense que ça aurait été
très bien pour moi. Je pense que ça aurait été
assez juste. Je le regrette, d'autant que nous avions un projet ensemble
et puis... |
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Marcello Mastroianni

C'est à l'automne
70, lors d'un dîner chez Roman Polanski, que j'ai fait la connaissance
de Marcello Mastroianni - à Londres où il devait tourner
les dernières scènes d'un film. Son rôle dans
ce film lui imposait d'avoir la tête rasée et je dois
avouer que je ne l'ai pas tout de suite reconnu. Dîner agréable,
joyeux même. |
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Notre métier et le film de Nadine Trintignant
nous ont rapprochés. Nous avons commencé à
tourner le 4 janvier 1971. Equipe réduite. Le sujet s'y prêtait.
Souvent, nous ne disposions que d'une voiture avec un opérateur,
un ingénieur du son (on ne peut pas faire entrer tellement
de monde dans une voiture). Nadine filmait ou conduisait. Marcello
faisait le "clap" ou alors c'était moi. Le film
terminé, Marcello est resté dans ma vie
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Mastroianni, c'était un garçon
d'une autre époque, mais un garçon. Il faut bien comprendre
que, dans le monde du spectacle, nous avons le droit à l'insouciance
et à la légèreté. Ce que nous faisons
est bien plus important que ce que nous sommes. Nous pouvons demeurer
des enfants. [...] Un garçon, c'est quelqu'un encore capable
de ne pas avoir oublié l'enfant qu'il vient d'être, et
de ne pas le cacher. |
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Les gens l'aimaient à un
point inimaginable. Même ceux qui ne le connaissaient pas. Il
déclenchait une tendresse auprès du grand public. Quand
j'ai vu aux actualités les réactions des Italiens, on
sentait une vraie tristesse, il faisait partie de leur paysage. Quand
on parlait de l'Italie, Marcello était l'une des premières
personnes à qui on pensait. Il avait une qualité de
sympathie exceptionnelle. Et il dégageait de la gentillesse,
autre qualité rare. |
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Lorsque je vivais avec le père de ma fille
et que nous avons rompu, j'ai été en pleine dépression.
J'ai eu le sentiment que c'était pire que de briser un mariage
de dix ans. J'aime beaucoup les hommes, j'aime beaucoup les enfants,
mais je me suis rendu compte que je n'étais pas faite pour
cet impossible triangle. J'ai compris après la naissance de
Chiara que quelque chose était changé. Sans doute était-ce
moi qui avais changé ? Je pensais qu'il valait mieux être
franche et reconnaître que je n'étais plus assez amoureuse
du père de ma fille pour poursuivre notre existence ensemble.
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Il est évident que je suis
liée avec le père de ma fille, Chiara (Marcello Mastroianni).
Nous avons une enfant que nous adorons et nous sommes très
proches. |
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Catherine Deneuve se marie avec le photographe
David Bailey (1965).

Elle porte une robe noire, Mick Jagger et Françoise
Dorléac sont les témoins. Catherine vivra quelque temps
à Londres dans l'ambiance des "swinging sixties".





Fin 1965, Catherine Deneuve devant
être présentée à la Reine d'Angleterre lors
de la Royal Performance, demande à Yves
Saint Laurent de lui faire une robe. Ce sera le début d'une
longue amitié.

En 1967, elle se sépare de David
Bailey et retourne vivre en France.
Sa sur Françoise
Dorléac meurt tragiquement
dans un accident de voiture sur l'autoroute de l'Esterel (26 juin 1967).
Accablée de douleur, Catherine Deneuve finit néanmoins
le tournage de "Benjamin,
ou les mémoires d'un puceau".
Le tournage de "La
sirène du Mississipi" permet à Catherine Deneuve
de rencontrer François
Truffaut, qui jouera un rôle important dans sa carrière
et dans sa vie (1969).


En 1969, François Truffaut présente
Alfred Hitchcock à Catherine Deneuve, mais le cinéaste
décède avant de pouvoir concrétiser leur projet
de collaboration (film d'espionnage dans les pays nordiques, dont il
avait envoyé le synopsis à Catherine).

Le film "Folies
d'avril" sorti en 1970 est son premier film américain.
Elle en fera trois autres par la suite.





Sur le tournage de
"Ca n'arrive qu'aux autres", Catherine Deneuve rencontre
Marcello
Mastroianni, et c'est le coup de foudre (1970). Ils s'installent
ensemble à Paris, et auront bientôt une petite fille, Chiara.




Catherine Deneuve divorce officiellement
de David Bailey (1972).
Chiara,
fille de Marcello
Mastroianni, naît le 28 mai 1972.


Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni rompent
(1974) mais restent bons amis jusqu'à la mort de celui-ci en
1996.
Catherine monte sa propre maison de production,
"Les films de la citrouille" (1971), qui produira notamment
"Zig-Zig"
en 1975.
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