Sa vie / Biographie / Le réveil de la "Belle au Bois Dormant" (1961-1964)
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De mes premiers amours, il reste des sensations très mitigées... très passionnelles... mais aussi très douloureuses. Il n'y a pas eu mort d'homme, dans la mesure où il n'y a pas eu trahison, comme pour Marianne [le personnage de "Place Vendôme"]. On peut être trompée, souffrir vraiment, sans être trahie.

Quand on est jeune, on aime ! Je ne sais pas si on sait aimer. Avec le temps, on peut se sentir tout aussi amoureux, mais on n'aime plus jamais de la même façon. Les plus grands chagrins d'amour, les suicides, c'est à vingt ans. Mes plus grands chagrins... oui, j'étais assez jeune. Sans l'expérience, les drames prennent des proportions apocalyptiques, on est tellement absolu à vingt ans !

Je me souviens, dès que j'ai eu mon premier appartement, je suis allée acheter des fleurs - non pas à Rungis, puisqu'à ce moment-là il y avait encore les halles à Paris - à Baltard.

Roger Vadim

Un soir, à l'Epi Club de Montparnasse, un lieu alors à la mode, je rencontrai Roger Vadim. Il avait déjà derrière lui deux expériences maritales pas trop réussies : la première avec Brigitte Bardot et la seconde avec Annette Stroyberg. Ce fut le coup de foudre. Vadim m'apprit à devenir femme, à me faire une personnalité et à vivre dans le bonheur.

Vadim, une notoriété considérable, tant sur le plan professionnel que sur le plan privé, un homme de cinéma tenu pour très important depuis qu'il avait découvert, puis imposé au monde entier, Brigitte Bardot. Un charme fort, à coup sûr, fait de nonchalance et d'humour, alliés à une fermeté et une vigueur que j'étais loin de détenir. Un assez exceptionnel pouvoir de séduction, aussi. Je le suivis. Pas dans la perspective qu'on pourrait imaginer; je suivis "l'homme Vadim" et non le metteur en scène si-habile-à-faire-des-vedettes.


Le jour où nous avons commencé à nous aimer, il m'a convaincue que je serais seule à réussir à briser le fil qui le reliait à son passé. Deux ans et demi ont passé depuis lors, qui comptent pour moi comme une éternité heureuse.

Un beau jour, je suis partie de chez mes parents. Je les ai laissés. Ils étaient tristes, et moi aussi, mais j'étais vraiment trop amoureuse d'un monsieur - Vadim - alors je suis allée vivre avec lui et j'ai travaillé, toujours le cinéma, et j'ai eu un enfant, Christian, qui est très beau et très intelligent, qui va à l'école et qui travaille comme un petit chef.

[à propos de sa réaction lorsqu'elle s'est vue en blonde la première fois]
J'ai eu un choc ! (Rires.) J'ai trouvé ça terrible et je me suis dit que j'étais complètement folle, que c'était pâle, que c'était fade... Et puis, bizarrement, je m'y suis habituée très très vite. J'ai finalement trouvé ça doux... Je crois qu'il y a aussi autre chose : je me vois peut-être blonde, mais je ne me vis pas blonde ! (Rires.) Je n'ai pas des gènes de blonde ! [...] Je l'ai fait à l'époque pour des raisons de coquetterie amoureuse, ce n'était pas lié à l'idée, à l'envie ou au besoin de changer d'image... Il y avait davantage l'idée de la séduction, et puis après je m'y suis habituée.

Je ne sais pas pourquoi, mais ce n'est pas par provocation : j'ai été élevée de façon raisonnable et conventionnelle, mais je n'ai jamais éprouvé le besoin du mariage. En revanche je trouve qu'il est difficile d'échapper au couple, peut-être par instinct, peut-être parce que cela correspond à un certain optimisme, à quelque chose de créatif, de vivant, cela va au-delà de la respectabilité. C'est plus que simplement lier deux solitudes, cela reste pour moi l'expérience la plus passionnante au monde. Même si je supporte très bien d'être seule. Même si par moments à deux on est déjà beaucoup...

Très jeune, à quatorze ans, j'avais rencontré des hommes marquants et ces rencontres m'intéressaient beaucoup plus. Je préférais déjà me trouver en tête-à-tête avec des gens a priori plutôt secrets... C'est une persistance dans ma vie. Evidemment, il y a eu des exceptions tape-à-l'œil.

Je n'ai pas de regrets mais la frustration de m'être trompée. Ce n'était pas un homme de mon genre. [...] J'avais déjà fait à quatorze, quinze ans des rencontres fondamentales où je ne m'étais pas trompée. Alors c'est bête d'avancer à quinze et de reculer à dix-sept...

Cette union [avec Vadim] a déclenché une curiosité déplacée. J'ai souffert de cette curiosité beaucoup plus qu'on ne pourrait le croire. Cela m'a choquée. Maintenant, je suis blindée.

Quand j'ai commencé à être connue, j'étais gênée, ça me semblait une situation tout à fait fausse - et déplaisante : j'étais une débutante à qui on s'intéressait parce qu'elle avait une vie un peu scandaleuse. J'étais une de ces actrices qu'on voit plus souvent dans les magazines que dans les films. C'est affreux.

Avec Vadim, on parlait beaucoup de nous, d'abord parce que lui était célèbre et avait été marié à des femmes célèbres. Et aussi parce qu'un journaliste avait écrit que je voulais un enfant mais que je refusais de me marier. J'étais la première à dire cela, paraît-il. Aujourd'hui, je ne sais plus si je l'ai vraiment dit. En tout cas, Vadim n'a pas dû me le demander au bon moment ; ou bien il l'a fait trop tard, et je suis orgueilleuse, il faut que je le dise aussi. Vous savez, une femme qui dit à l'homme qu'elle aime : "Je ne veux pas me marier", il ne faut jamais la croire...

La naissance de Christian (1963)

Quand j'ai appris que j'allais être mère, j'en ai aussitôt ressenti une joie extraordinaire.

La maternité m'a toujours attirée. Très jeune, j'avais envie d'avoir un enfant.

J'avais un besoin, une envie d'enfant absolument incroyable, très jeune... J'avais envie d'avoir un enfant, oui, quand j'avais dix-huit ans.

C'est vrai que j'ai toujours eu envie d'avoir un enfant avec un homme que j'aimais ou, en tout cas, un enfant de cet homme mais, au départ, je pensais qu'on vivrait ensemble et je pensais que c'était pour toujours.

Le seul moment de ma vie où j'ai senti que tout, en moi et autour de moi, correspondait à ce que je désirais profondément, fut la période durant laquelle j'ai été enceinte.
Catherine Deneuve, Life 1970

Quand j'avais vingt ans et que j'élevais seule mon fils, ça me semblait être une responsabilité énorme. Je m'encombrais de carcans pour supporter le poids de cette responsabilité.

Aujourd'hui je regrette d'avoir eu un fils aussi jeune. D'abord parce que je crois que je n'ai pas été une très bonne mère quand j'étais jeune, en tout cas pas la mère que j'aurais aimé être. Et ensuite parce qu'il y a une époque que je n'ai pas connue dans ma vie, la période entre l'adolescence et la maternité.

C'est vrai que Françoise n'aimait pas beaucoup le père de mon fils, et comme c'est une histoire qui s'est terminée très tôt, que je me suis retrouvée seule avec un enfant et que toute cette période fut très difficile pour moi, Françoise ne cachait pas sa désapprobation.

Jacques Demy et "Les parapluies de Cherbourg" (1964)


Au départ, je n'ai pas fait du cinéma pour de bonnes raisons ; je ne l'ai pas choisi, ça a été décidé. Sans doute devait-il y avoir quoique chose qui, secrètement, me plaisait mais, jusqu'à ma rencontre avec Jacques Demy, j'avais de nombreuses réticences. Je n'étais pas passionnée ; j'étais timide, je me sentais maladroite... Mais comme je ne savais pas ce que je voulais faire et que j'étais de nature un peu inquiète, ce monde-là a dû me convenir, qui recouvrait immédiatement une reconnaissance des adultes - un monde assez rassurant...

Ma vocation à moi, à l'époque, c'était d'être dans la lune, et pas en qualité d'astronaute. Alors je me laissais ballotter de film en film sans attirance spéciale. Et puis il y a eu Jacques Demy et "Les Parapluies de Cherbourg". Cela a été vraiment une révélation, ou plutôt un conte de fées.

Je venais d'accoucher de mon premier enfant et j'avais des doutes. Je ne savais pas si je voulais devenir actrice. C'était un défi de taille.
Catherine Deneuve, Festival de Palm Springs 2000

Je ne sais pas si j'aurais fait du cinéma s'il n'y avait pas eu "Les Parapluies de Cherbourg". La rencontre avec Jacques Demy a vraiment été ma naissance au cinéma. Avant, je n'avais pas d'idées particulières sur ce métier. J'étais assez timide, je n'avais pas le feu sacré. Ce film a été un moment capital, et m'a donné un regard sur moi et sur le cinéma.

J'avais une vie un peu difficile, dans la mesure où j'étais quand même connue sans être connue. J'étais une jeune actrice qui avait fait un ou deux films et dont on parlait plus pour des raisons personnelles que pour des raisons professionnelles et j'en souffrais beaucoup plus qu'on ne peut l'imaginer. Donc quand j'ai rencontré Jacques Demy, qui m'a parlé de moi dans un film, qui m'a fait lire ce scénario des "Parapluies de Cherbourg" que j'ai trouvé superbe - parce que je savais quand même lire, à dix-huit ans ! -, tout m'a paru alors tellement évident, il a tellement su me donner confiance pendant le tournage que ça a été une révélation, vraiment.

Je l'ai rencontré [Demy], j'avais dix-huit ans, il avait très envie de tourner avec moi. Je ne comprenais pas pourquoi. Je n'étais pas connue. J'avais tourné un film. C'est la première personne qui m'a donné confiance en moi. II m'a enlevé le doute incroyable que j'avais sur le bien-fondé de faire du cinéma. Je ne l'aurais pas rencontré, je crois que je n'aurais pas continué. II a été déterminant pour moi. Et comme en plus, c'était un homme très passionné et qui faisait un cinéma qui n'était pas très réaliste... Tout me charmait dans ce sens-là et tout s'est multiplié très vite. II m'a beaucoup marquée. C'était passionnant et ça a duré longtemps, longtemps...

J'ai donc rencontré Jacques Demy alors que j'avais dix-sept ou dix-huit ans à peine, et on a parlé tout de suite de ce projet un peu extraordinaire. Etant de nature plutôt passive mais curieuse, son projet m'a intrigué. Je me suis dit : dans le fond, pourquoi pas ! Jacques m'a parlé de son projet de comédie musicale, mais il s'est passé beaucoup de temps avant qu'on le tourne. Entre-temps, j'ai eu mon premier enfant. J'ai tourné "Les parapluies de Cherbourg" trois mois après la naissance de mon fils. Ça a été très important parce qu'avant cette expérience, je n'étais pas du tout sure d'avoir envie de continuer à faire du cinéma.

Lorsque j'ai rencontré Jacques Demy, et qu'il m'a proposé "Les parapluies de Cherbourg", je n'avais tourné que deux petits rôles assez moyens. Je ne comprenais pas pourquoi il me proposait un rôle aussi important. Je suis timide mais je l'étais plus encore à l'époque et je me souviens avoir ressenti un terrible mélange de plaisir et d'inquiétude. Pour une jeune fille qui débute, être remarquée, c'est à la fois ce qu'on désire le plus et ce qu'on redoute. C'est l'entrée dans l'arène.

Demy m'a marquée plus définitivement qu'aucun autre réalisateur. L'image qu'a imposée de moi "Les Parapluies de Cherbourg" correspond quelque part à une vérité de moi-même. Par ailleurs, ce film a décidé fondamentalement de ma carrière. Sans lui, et malgré les quelques expériences qui précédaient, je ne suis pas sure que j'aurais embrassé cette carrière.
Catherine Deneuve, citée dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984

Le premier déclic est venu très tôt. quand j'ai rencontré Jacques Demy pour "Les parapluies de Cherbourg". J'ai découvert un sentiment nouveau et j'ai su que je ne l'oublierais jamais. Il y avait quelque chose de magique avec Jacques, avec ce rôle, avec ce film. Quelque chose m'a vraiment touchée. Comme une soudaine harmonie. Disons que j'ai ressenti quelque chose qui, par rapport à moi et au cinéma, m'a paru fondamental.

Jacques est le premier metteur en scène qui m'ait vraiment regardée, vue…Quelque chose m'a révélée, rassurée et réconfortée dans que je pouvais faire quelque chose auquel je ne croyais pas beaucoup, non pas parce que j'avais des doutes, mais parce que j'avais un doute beaucoup plus profond, sur l'idée qu'on peut faire quelque chose de particulier, qu'on est unique. Oui il m'a donné le sentiment que j'étais unique et qu'il m'avait choisie parce qu'il me trouvait différente, et ça confortait ma timidité et mon orgueil.

Je pensais que je ne pouvais pas aller jouer dans cette cour là. Non que je me sentais exclue, mais c'était trop loin de moi. C'est un peu vrai, j'étais la Belle au bois dormant. Je ne sais pas ce que je souhaitais vraiment, je n'avais pas le dynamisme, l'énergie ou les envies de ma sœur, qui savait ce qu'elle voulais faire. Je ne sais pas si elle en souffrait plus que moi, parce que d'une autre façon j'en souffrais aussi. Mais elle était très déterminé dans ses choix et moi je suis quelqu'un qui doute et qui hésite.

C'est vrai que "Les parapluies..." a pris une résonance tout à fait particulière. Quand on tourne, jeune, dans un film important qui a du succès, et qui vous fait aussi reconnaître par la critique, et qu'il y a un rapport certain entre le personnage que vous jouez et vous-même, et qu'en plus c'est une héroïne, il y a là, comme un "nombre d'or".

J'étais dans une période personnelle un peu compliquée, un peu douloureuse. J'étais toute seule avec mon fils et j'avais beaucoup de mal à équilibrer ma vie personnelle et ma vie professionnelle… Je ne me sentais quand même pas tout à fait mûre pour assumer tout ce qui m'arrivait. Il n'y avait pas de place, alors, dans ma vie, pour la légèreté. Je ne pouvais pas réellement profiter de ma situation. Je n'ai aucun regret. Cela ne m'a rien gâché. Mais cette partie douloureuse de ma vie remettait les choses bien en place.

La complicité avec Françoise


A cette époque j'avais une vie privée très mouvementée, très difficile et quand je voyais ma sœur ce n'était certainement pas pour discuter de cinéma et comparer les propositions de travail qui pouvaient être faites à l'une et à l'autre. Françoise était toujours là pour me remonter le moral. C'est vraiment le souvenir de sa présence, de sa générosité, de sa constance auprès de moi qui s'impose, lorsque je songe à notre relation dans ces années-là.

Françoise habitait seule, elle voyageait, elle sortait beaucoup, elle adorait danser, elle dévorait la vie à pleines dents. Tandis que moi à vingt ans, j'avais déjà un enfant donc je menais une vie en apparence plus stable que Françoise, enfin disons plus régulière. En réalité les choses étaient beaucoup plus difficiles pour moi. parce que j'essayais d'assumer de mon mieux une existence d'adulte mais en même temps j'avais aussi les désirs d'une jeune fille de mon âge. Envie de vivre, envie de voir des gens. Moins envie de danser qu'elle, ça c'est sûr, elle ne fumait pas, moi je fumais, elle ne buvait pas, moi je buvais, mais elle dansait pour deux. Au fond, pendant toute cette période, je m'abritais derrière elle et cette relation m'arrangeait.

La vie à travers le cinéma

J'ai besoin d'être réchauffée... C'est pour ça que le cinéma m'a aidée. Sinon, je serais la Belle au bois dormant. Sans le cinéma, j'aurais pu dormir toute ma vie...

J'ai commencé à travailler très jeune et tout ce que j'ai appris et développé, je l'ai appris et développé à travers le cinéma.

J'allais au-devant de quelque chose que je pressentais mais que je ne connaissais pas encore. En fait, je faisais mon apprentissage. Je me découvrais et je découvrais la vie en même temps que le cinéma. Je n'ai pas fait d'études, j'ai fait du cinéma, voilà... Tout ce que je sais, je l'ai appris à travers le cinéma.

En 1961, Catherine Deneuve rencontre Roger Vadim, et décolore ses cheveux en blond pour le sketch "Sophie" qu'il a écrit et qu'elle interprète dans "Les parisiennes", de Marc Allégret. Puis elle tourne dans "Et Satan conduit le bal", qu'il produit, et "Le vice et la vertu", qu'il réalise.

Leur fils Christian naît le 18 juin 1963.

Le film "Les parapluies de Cherbourg" obtient la Palme d'Or au Festival de Cannes, et la rencontre avec Jacques Demy infléchit son destin, en lui donnant envie de faire le métier d'actrice (1964). Plus de trente ans après, lorsqu'on demande à Catherine Deneuve quel est le film le plus important pour elle, elle cite la plupart du temps "Les parapluies de Cherbourg".

Catherine Deneuve rompt avec Roger Vadim, qui épouse Jane Fonda (1964).



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