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De mes premiers amours,
il reste des sensations très mitigées... très
passionnelles... mais aussi très douloureuses. Il n'y a pas
eu mort d'homme, dans la mesure où il n'y a pas eu trahison,
comme pour Marianne [le personnage de "Place Vendôme"].
On peut être trompée, souffrir vraiment, sans être
trahie. |
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Quand on est jeune, on
aime ! Je ne sais pas si on sait aimer. Avec le temps, on peut se
sentir tout aussi amoureux, mais on n'aime plus jamais de la même
façon. Les plus grands chagrins d'amour, les suicides, c'est
à vingt ans. Mes plus grands chagrins... oui, j'étais
assez jeune. Sans l'expérience, les drames prennent des proportions
apocalyptiques, on est tellement absolu à vingt ans ! |
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Je me souviens, dès
que j'ai eu mon premier appartement, je suis allée acheter
des fleurs - non pas à Rungis, puisqu'à ce moment-là
il y avait encore les halles à Paris - à Baltard. |
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Roger Vadim

Un soir, à l'Epi Club de Montparnasse,
un lieu alors à la mode, je rencontrai Roger Vadim. Il avait
déjà derrière lui deux expériences maritales
pas trop réussies : la première avec Brigitte Bardot
et la seconde avec Annette Stroyberg. Ce fut le coup de foudre. Vadim
m'apprit à devenir femme, à me faire une personnalité
et à vivre dans le bonheur. |
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Vadim, une notoriété considérable,
tant sur le plan professionnel que sur le plan privé, un
homme de cinéma tenu pour très important depuis qu'il
avait découvert, puis imposé au monde entier, Brigitte
Bardot. Un charme fort, à coup sûr, fait de nonchalance
et d'humour, alliés à une fermeté et une vigueur
que j'étais loin de détenir. Un assez exceptionnel
pouvoir de séduction, aussi. Je le suivis. Pas dans la perspective
qu'on pourrait imaginer; je suivis "l'homme Vadim" et
non le metteur en scène si-habile-à-faire-des-vedettes.
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Le jour où nous avons commencé à
nous aimer, il m'a convaincue que je serais seule à réussir
à briser le fil qui le reliait à son passé. Deux
ans et demi ont passé depuis lors, qui comptent pour moi comme
une éternité heureuse. |
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Un beau jour, je suis
partie de chez mes parents. Je les ai laissés. Ils étaient
tristes, et moi aussi, mais j'étais vraiment trop amoureuse
d'un monsieur - Vadim - alors je suis allée vivre avec lui
et j'ai travaillé, toujours le cinéma, et j'ai eu un
enfant, Christian, qui est très beau et très intelligent,
qui va à l'école et qui travaille comme un petit chef. |
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[à propos de sa
réaction lorsqu'elle s'est vue en blonde la première
fois]
J'ai eu un choc ! (Rires.) J'ai trouvé ça terrible et
je me suis dit que j'étais complètement folle, que c'était
pâle, que c'était fade... Et puis, bizarrement, je m'y
suis habituée très très vite. J'ai finalement
trouvé ça doux... Je crois qu'il y a aussi autre chose
: je me vois peut-être blonde, mais je ne me vis pas blonde
! (Rires.) Je n'ai pas des gènes de blonde ! [...] Je l'ai
fait à l'époque pour des raisons de coquetterie amoureuse,
ce n'était pas lié à l'idée, à
l'envie ou au besoin de changer d'image... Il y avait davantage l'idée
de la séduction, et puis après je m'y suis habituée. |
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Je ne sais pas pourquoi,
mais ce n'est pas par provocation : j'ai été élevée
de façon raisonnable et conventionnelle, mais je n'ai jamais
éprouvé le besoin du mariage. En revanche je trouve
qu'il est difficile d'échapper au couple, peut-être par
instinct, peut-être parce que cela correspond à un certain
optimisme, à quelque chose de créatif, de vivant, cela
va au-delà de la respectabilité. C'est plus que simplement
lier deux solitudes, cela reste pour moi l'expérience la plus
passionnante au monde. Même si je supporte très bien
d'être seule. Même si par moments à deux on est
déjà beaucoup... |
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Très jeune, à
quatorze ans, j'avais rencontré des hommes marquants et ces
rencontres m'intéressaient beaucoup plus. Je préférais
déjà me trouver en tête-à-tête avec
des gens a priori plutôt secrets... C'est une persistance dans
ma vie. Evidemment, il y a eu des exceptions tape-à-l'il. |
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Je n'ai pas de regrets
mais la frustration de m'être trompée. Ce n'était
pas un homme de mon genre. [...] J'avais déjà fait à
quatorze, quinze ans des rencontres fondamentales où je ne
m'étais pas trompée. Alors c'est bête d'avancer
à quinze et de reculer à dix-sept... |
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Cette union [avec Vadim]
a déclenché une curiosité déplacée.
J'ai souffert de cette curiosité beaucoup plus qu'on ne pourrait
le croire. Cela m'a choquée. Maintenant, je suis blindée. |
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Quand j'ai commencé
à être connue, j'étais gênée, ça
me semblait une situation tout à fait fausse - et déplaisante
: j'étais une débutante à qui on s'intéressait
parce qu'elle avait une vie un peu scandaleuse. J'étais une
de ces actrices qu'on voit plus souvent dans les magazines que dans
les films. C'est affreux. |
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Avec Vadim, on parlait
beaucoup de nous, d'abord parce que lui était célèbre
et avait été marié à des femmes célèbres.
Et aussi parce qu'un journaliste avait écrit que je voulais
un enfant mais que je refusais de me marier. J'étais la première
à dire cela, paraît-il. Aujourd'hui, je ne sais plus
si je l'ai vraiment dit. En tout cas, Vadim n'a pas dû me le
demander au bon moment ; ou bien il l'a fait trop tard, et je suis
orgueilleuse, il faut que je le dise aussi. Vous savez, une femme
qui dit à l'homme qu'elle aime : "Je ne veux pas me marier",
il ne faut jamais la croire... |
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La naissance
de Christian (1963)

Quand j'ai appris que
j'allais être mère, j'en ai aussitôt ressenti une
joie extraordinaire. |
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La maternité
m'a toujours attirée. Très jeune, j'avais envie d'avoir
un enfant. |
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J'avais un besoin, une envie d'enfant absolument
incroyable, très jeune... J'avais envie d'avoir un enfant,
oui, quand j'avais dix-huit ans. |
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C'est vrai que j'ai toujours eu envie d'avoir
un enfant avec un homme que j'aimais ou, en tout cas, un enfant de
cet homme mais, au départ, je pensais qu'on vivrait ensemble
et je pensais que c'était pour toujours. |
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Le seul moment de ma vie où j'ai senti
que tout, en moi et autour de moi, correspondait à ce que je
désirais profondément, fut la période durant
laquelle j'ai été enceinte. |
Catherine Deneuve, Life 1970
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Quand j'avais vingt ans et que j'élevais
seule mon fils, ça me semblait être une responsabilité
énorme. Je m'encombrais de carcans pour supporter le poids
de cette responsabilité. |
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Aujourd'hui je regrette d'avoir eu un fils aussi
jeune. D'abord parce que je crois que je n'ai pas été
une très bonne mère quand j'étais jeune, en tout
cas pas la mère que j'aurais aimé être. Et ensuite
parce qu'il y a une époque que je n'ai pas connue dans ma vie,
la période entre l'adolescence et la maternité. |
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C'est vrai que Françoise
n'aimait pas beaucoup le père de mon fils, et comme c'est une
histoire qui s'est terminée très tôt, que je me
suis retrouvée seule avec un enfant et que toute cette période
fut très difficile pour moi, Françoise ne cachait pas
sa désapprobation. |
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Jacques Demy et
"Les parapluies de Cherbourg" (1964)

Au départ, je n'ai
pas fait du cinéma pour de bonnes raisons ; je ne l'ai pas
choisi, ça a été décidé. Sans doute
devait-il y avoir quoique chose qui, secrètement, me plaisait
mais, jusqu'à ma rencontre avec Jacques Demy, j'avais de nombreuses
réticences. Je n'étais pas passionnée ; j'étais
timide, je me sentais maladroite... Mais comme je ne savais pas ce
que je voulais faire et que j'étais de nature un peu inquiète,
ce monde-là a dû me convenir, qui recouvrait immédiatement
une reconnaissance des adultes - un monde assez rassurant... |
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Ma vocation à moi, à l'époque,
c'était d'être dans la lune, et pas en qualité
d'astronaute. Alors je me laissais ballotter de film en film sans
attirance spéciale. Et puis il y a eu Jacques Demy et "Les
Parapluies de Cherbourg". Cela a été vraiment une
révélation, ou plutôt un conte de fées. |
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Je venais d'accoucher
de mon premier enfant et j'avais des doutes. Je ne savais pas si je
voulais devenir actrice. C'était un défi de taille. |
Catherine Deneuve, Festival de
Palm Springs 2000
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Je ne sais pas si j'aurais
fait du cinéma s'il n'y avait pas eu "Les Parapluies de
Cherbourg". La rencontre avec Jacques Demy a vraiment été
ma naissance au cinéma. Avant, je n'avais pas d'idées
particulières sur ce métier. J'étais assez timide,
je n'avais pas le feu sacré. Ce film a été un
moment capital, et m'a donné un regard sur moi et sur le cinéma. |
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J'avais une vie un peu
difficile, dans la mesure où j'étais quand même
connue sans être connue. J'étais une jeune actrice qui
avait fait un ou deux films et dont on parlait plus pour des raisons
personnelles que pour des raisons professionnelles et j'en souffrais
beaucoup plus qu'on ne peut l'imaginer. Donc quand j'ai rencontré
Jacques Demy, qui m'a parlé de moi dans un film, qui m'a fait
lire ce scénario des "Parapluies de Cherbourg" que
j'ai trouvé superbe - parce que je savais quand même
lire, à dix-huit ans ! -, tout m'a paru alors tellement évident,
il a tellement su me donner confiance pendant le tournage que ça
a été une révélation, vraiment. |
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Je l'ai rencontré
[Demy], j'avais dix-huit ans, il avait très envie de tourner
avec moi. Je ne comprenais pas pourquoi. Je n'étais pas connue.
J'avais tourné un film. C'est la première personne qui
m'a donné confiance en moi. II m'a enlevé le doute incroyable
que j'avais sur le bien-fondé de faire du cinéma. Je
ne l'aurais pas rencontré, je crois que je n'aurais pas continué.
II a été déterminant pour moi. Et comme en plus,
c'était un homme très passionné et qui faisait
un cinéma qui n'était pas très réaliste...
Tout me charmait dans ce sens-là et tout s'est multiplié
très vite. II m'a beaucoup marquée. C'était passionnant
et ça a duré longtemps, longtemps... |
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J'ai donc rencontré
Jacques Demy alors que j'avais dix-sept ou dix-huit ans à peine,
et on a parlé tout de suite de ce projet un peu extraordinaire.
Etant de nature plutôt passive mais curieuse, son projet m'a
intrigué. Je me suis dit : dans le fond, pourquoi pas ! Jacques
m'a parlé de son projet de comédie musicale, mais il
s'est passé beaucoup de temps avant qu'on le tourne. Entre-temps,
j'ai eu mon premier enfant. J'ai tourné "Les parapluies
de Cherbourg" trois mois après la naissance de mon fils.
Ça a été très important parce qu'avant
cette expérience, je n'étais pas du tout sure d'avoir
envie de continuer à faire du cinéma. |
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Lorsque j'ai rencontré
Jacques Demy, et qu'il m'a proposé "Les parapluies de
Cherbourg", je n'avais tourné que deux petits rôles
assez moyens. Je ne comprenais pas pourquoi il me proposait un rôle
aussi important. Je suis timide mais je l'étais plus encore
à l'époque et je me souviens avoir ressenti un terrible
mélange de plaisir et d'inquiétude. Pour une jeune fille
qui débute, être remarquée, c'est à la
fois ce qu'on désire le plus et ce qu'on redoute. C'est l'entrée
dans l'arène. |
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Demy m'a marquée plus définitivement
qu'aucun autre réalisateur. L'image qu'a imposée de
moi "Les Parapluies de Cherbourg" correspond quelque part
à une vérité de moi-même. Par ailleurs,
ce film a décidé fondamentalement de ma carrière.
Sans lui, et malgré les quelques expériences qui précédaient,
je ne suis pas sure que j'aurais embrassé cette carrière. |
Catherine Deneuve, citée
dans le livre de Philippe Barbier et Jacques Moreau 1984
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Le premier déclic
est venu très tôt. quand j'ai rencontré Jacques
Demy pour "Les parapluies de Cherbourg". J'ai découvert
un sentiment nouveau et j'ai su que je ne l'oublierais jamais. Il
y avait quelque chose de magique avec Jacques, avec ce rôle,
avec ce film. Quelque chose m'a vraiment touchée. Comme une
soudaine harmonie. Disons que j'ai ressenti quelque chose qui, par
rapport à moi et au cinéma, m'a paru fondamental. |
|
Jacques est le premier
metteur en scène qui m'ait vraiment regardée, vue
Quelque
chose m'a révélée, rassurée et réconfortée
dans que je pouvais faire quelque chose auquel je ne croyais pas beaucoup,
non pas parce que j'avais des doutes, mais parce que j'avais un doute
beaucoup plus profond, sur l'idée qu'on peut faire quelque
chose de particulier, qu'on est unique. Oui il m'a donné le
sentiment que j'étais unique et qu'il m'avait choisie parce
qu'il me trouvait différente, et ça confortait ma timidité
et mon orgueil. |
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Je pensais que je ne
pouvais pas aller jouer dans cette cour là. Non que je me sentais
exclue, mais c'était trop loin de moi. C'est un peu vrai, j'étais
la Belle au bois dormant. Je ne sais pas ce que je souhaitais vraiment,
je n'avais pas le dynamisme, l'énergie ou les envies de ma
sur, qui savait ce qu'elle voulais faire. Je ne sais pas si
elle en souffrait plus que moi, parce que d'une autre façon
j'en souffrais aussi. Mais elle était très déterminé
dans ses choix et moi je suis quelqu'un qui doute et qui hésite. |
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C'est vrai que "Les
parapluies..." a pris une résonance tout à fait
particulière. Quand on tourne, jeune, dans un film important
qui a du succès, et qui vous fait aussi reconnaître par
la critique, et qu'il y a un rapport certain entre le personnage que
vous jouez et vous-même, et qu'en plus c'est une héroïne,
il y a là, comme un "nombre d'or". |
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J'étais dans une période personnelle
un peu compliquée, un peu douloureuse. J'étais toute
seule avec mon fils et j'avais beaucoup de mal à équilibrer
ma vie personnelle et ma vie professionnelle
Je ne me sentais
quand même pas tout à fait mûre pour assumer tout
ce qui m'arrivait. Il n'y avait pas de place, alors, dans ma vie,
pour la légèreté. Je ne pouvais pas réellement
profiter de ma situation. Je n'ai aucun regret. Cela ne m'a rien gâché.
Mais cette partie douloureuse de ma vie remettait les choses bien
en place. |
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La complicité
avec Françoise

A cette époque
j'avais une vie privée très mouvementée, très
difficile et quand je voyais ma sur ce n'était certainement
pas pour discuter de cinéma et comparer les propositions de
travail qui pouvaient être faites à l'une et à
l'autre. Françoise était toujours là pour me
remonter le moral. C'est vraiment le souvenir de sa présence,
de sa générosité, de sa constance auprès
de moi qui s'impose, lorsque je songe à notre relation dans
ces années-là. |
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Françoise habitait
seule, elle voyageait, elle sortait beaucoup, elle adorait danser,
elle dévorait la vie à pleines dents. Tandis que moi
à vingt ans, j'avais déjà un enfant donc je menais
une vie en apparence plus stable que Françoise, enfin disons
plus régulière. En réalité les choses
étaient beaucoup plus difficiles pour moi. parce que j'essayais
d'assumer de mon mieux une existence d'adulte mais en même temps
j'avais aussi les désirs d'une jeune fille de mon âge.
Envie de vivre, envie de voir des gens. Moins envie de danser qu'elle,
ça c'est sûr, elle ne fumait pas, moi je fumais, elle
ne buvait pas, moi je buvais, mais elle dansait pour deux. Au fond,
pendant toute cette période, je m'abritais derrière
elle et cette relation m'arrangeait. |
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La vie à
travers le cinéma
J'ai besoin d'être
réchauffée... C'est pour ça que le cinéma
m'a aidée. Sinon, je serais la Belle au bois dormant. Sans
le cinéma, j'aurais pu dormir toute ma vie... |
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J'ai commencé à
travailler très jeune et tout ce que j'ai appris et développé,
je l'ai appris et développé à travers le cinéma. |
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J'allais au-devant de
quelque chose que je pressentais mais que je ne connaissais pas encore.
En fait, je faisais mon apprentissage. Je me découvrais et
je découvrais la vie en même temps que le cinéma.
Je n'ai pas fait d'études, j'ai fait du cinéma, voilà...
Tout ce que je sais, je l'ai appris à travers le cinéma.
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En 1961, Catherine Deneuve rencontre
Roger
Vadim, et décolore ses cheveux en blond pour le sketch "Sophie"
qu'il a écrit et qu'elle interprète dans "Les
parisiennes", de Marc Allégret. Puis elle tourne dans
"Et
Satan conduit le bal", qu'il produit, et "Le
vice et la vertu", qu'il réalise.


Leur fils Christian naît le 18 juin 1963.


Le film "Les
parapluies de Cherbourg" obtient la Palme d'Or au Festival
de Cannes, et la rencontre avec Jacques Demy infléchit son
destin, en lui donnant envie de faire le métier d'actrice (1964).
Plus de trente ans après, lorsqu'on demande à Catherine
Deneuve quel est le film le plus important pour elle, elle cite la plupart
du temps "Les
parapluies de Cherbourg".

Catherine Deneuve rompt avec Roger Vadim, qui épouse
Jane Fonda (1964).



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