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Ce qu'en a dit Catherine
Deneuve...
Son caractère

Depuis qu'on était
toutes petites, ma sur Françoise était l'exubérante
et j'étais la rêveuse. On disait que j'étais dans
la lune. En fait, j'étais très timide et je n'étais
pas du tout sure de vouloir faire du cinéma. |
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Lorsque nous étions
enfants, nous étions presque trop proches donc nous nous disputions
énormément. On s'engueulait, on se battait même
beaucoup Je dirais qu'on était presque comme de fausses jumelles
très complémentaires et très différentes
à la fois. Françoise s'exprimait d'une façon
très violente. Moi j'étais plutôt extrêmement
discrète et repliée sur moi-même, une enfant introvertie.
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Françoise était
ma sur, avant tout. Comme je vous l'ai dit, on s'engueulait,
elle m'emmerdait, enfin on se disputait, on se tapait très
fort. nos relations étaient extrêmement violentes et
passionnées. Mais c'étaient des rapports de surs.
Jamais des rapports d'actrices. [...] Nous avions un besoin vital
de parler ensemble. C'était souvent bavarder pour ne rien dire,
échanger des trucs sans importance. Quelquefois, c'était
plus sérieux, il fallait se remonter le moral, trouver des
mots de réconfort si l'une ou l'autre était dans la
peine. Françoise et moi, on s'appelait comme on peut appeler
sa meilleure amie, le soir tard pour se confier. On pouvait tout se
dire... |
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Les chamailleries, c'était
aussi un jeu entre Françoise et moi. A un certain niveau de
complicité, chacune disait des choses pour voir comment l'autre
allait réagir, et pouvait soutenir le contraire cinq minutes
après. C'était notre mode de fonctionnement. |
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Avec ma sur, nous étions
très complémentaires. On ne sait pas comment tout évolue,
mais il y a chez moi une envie de vivre en harmonie. Ce qui fait qu'on
accentue les complémentarités. L'une prend les pleins,
l'autre prend les creux... Parce qu'on sait que ça se passe
mieux comme ça... |
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Nos rapports étaient très
complices. On était extrêmement différentes. Je
crois que je la connaissais mieux qu'elle ne me connaissait. Elle
était moins secrète que moi, elle parlait beaucoup alors
que je suis quelqu'un qui écoute beaucoup. C'est ma nature
d'écouter... |
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Elle était très complexe,
elle avait beaucoup de problèmes et j'avais très envie
de l'aider. |
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Ma sur était
une jeune femme extrêmement rieuse, enfant elle habillait ses
chats, adorait les animaux et plus tard giflait les tueurs d'insectes.
Elle aimait aussi les cornichons, les chips dans le café au
lait, le talc parfumé, et son chihuahua. C'était une
personne un peu extravagante qui pouvait danser des nuits entières
sans jamais boire, ni fumer, mais aussi parfois un peu désespérée.
François Truffaut lui disait souvent qu'elle devait être
patiente, que sa personnalité forte contrastait avec son physique
fragile et romantique, mais qu'elle trouverait avec la trentaine les
vrais contacts avec le grand public. Il lui adressait ses lettres
au nom de Framboise Dorléac pour être certain qu'elle
les lirait en souriant. |
Catherine Deneuve, Madame Figaro
1989
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Nous avions une très
grande intimité mais en même temps, nous n'aimions pas
du tout les mêmes gens. Nous n'avions pas du tout les mêmes
amis, nous n'aimions pas du tout le même genre d'hommes. Donc,
c'était parfait. Cela nous a permis d'éviter la rivalité
amoureuse qui aurait pu exister entre nous, qui étions si proches
par l'âge. Nous étions vraiment le jour et la nuit. C'était
même fou de l'être à ce point. Mais au fond, le
fait d'être aussi différentes nous a rapprochées
au lieu de nous séparer. |
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Elle était très
moraliste et elle avait des jugements radicaux sur les gens, comme
moi je peux en avoir aussi, je l'avoue. Si elle n'aimait pas les hommes
avec qui je vivais ou si elle n'aimait pas mes amis, elle ne se gênait
pas pour me dire des choses très dures. Et réciproquement.
Lorsqu'elle a fréquenté des hommes qui ne me plaisaient
pas, à mon tour, je l'ai beaucoup moins vue et c'était
plutôt douloureux. On ne se ménageait pas, enfin Françoise
surtout pouvait tout dire avec l'excès qui la caractérisait.
Mais, bien que plus timide et réservée je n'ai jamais
plié devant elle sur le plan de ma vie privée. Donc,
je la rembarrais aussi sérieusement. |
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Elle voulait des enfants,
comme elle voulait l'homme de sa vie, comme elle voulait toujours
des choses idéales... |
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Non seulement je l'aimais,
mais je l'admirais aussi. J'admirais beaucoup son pouvoir à
être aussi extravagante avec autant de naturel. [...] Sans doute
ressentait-elle le besoin de se singulariser au sein d'une famille
finalement assez normale, il faut bien le dire. [...] Sans doute avait-elle
un plus grand besoin qu'une autre d'exister. |
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Moi, je la trouve très
belle. Non seulement elle était belle, mais elle était
follement photogénique... Souvent elle me disait : "c'est
la photo qui est belle, ce n'est pas moi". Elle avait un regard,
une découpe de menton magnifique, un profil parfait, une belle
mâchoire, enfin ce qu'on appelle du caractère dans le
visage. Une très jolie bouche aussi et un si merveilleux sourire.
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J'avais des traits peut-être
plus réguliers que ceux de Françoise mais tout cela
n'explique pas la souffrance qu'elle pouvait ressentir. On parle des
complexes de Françoise, mais c'était beaucoup plus que
cela, chez elle, c'était une véritable angoisse. C'est
assez fréquent chez les jeunes filles même supposées
jolies de ne pas s'aimer physiquement. [...] Elle parlait toujours
de son asymétrie. C'était une obsession. Je l'ai vue
renoncer à une soirée au dernier moment, en gémissant
: "Je ne peux pas me montrer avec cette tête, je ne sortirai
pas. Je suis affreuse". Je l'ai même vue s'évanouir
dans la salle de bain, brisée par l'angoisse... |
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Pour Françoise,
tout prenait des proportions folles. Par exemple, à partir
du moment où elle a commencé à se maquiller,
c'était extravagant. Elle se maquillait comme Cléopâtre.
A dix-huit, dix-neuf ans. elle se faisait des yeux en queue de poisson.
Absolument incroyable. |
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Françoise avait
cette forme de grâce particulière, ce mélange
de légèreté et de fantaisie que l'on appelait
autrefois "un grain". Son imagination la poussait vers des
aventures étranges, elle était capable de passages à
l'acte qui paraissaient aux autres totalement inexplicables. |
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J'étais un peu
plus jeune qu'elle, mais ayant connu très tôt une situation
familiale d'adulte, j'avais une plus grande expérience de la
vie. Il m'est arrivé souvent d'essayer de la raisonner. |
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C'est une fille qui a
toujours eu une vie personnelle très compliquée. Elle
a eu beaucoup de mal à quitter la maison de mes parents. Ma
mère l'a presque obligée à partir et à
prendre un appartement à elle. Pour autant, Françoise
ne s'est pas beaucoup éloignée. Elle s'est installée
juste en face de la maison de mes parents, là où ils
habitent toujours d'ailleurs. |
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Elle ne cherchait jamais
à choquer, l'opinion des gens lui était indifférente.
Elle se conduisait plutôt comme quelqu'un qui n'a de comptes
à rendre à personne. [...] Françoise était
née libre et elle l'est restée. |
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Françoise fascinait
beaucoup de gens, à commencer évidemment par mes parents.
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On peut dire que les gens
qui ont travaillé avec Françoise avaient deux réactions.
Ou ils ne la supportaient pas, ou bien ils l'adoraient. |
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Les gens qui l'ont connue
gardent encore aujourd'hui un souvenir très fort de Françoise
parce que c'était quelqu'un comme on en rencontre peu dans
une vie. Physiquement et moralement, elle ne ressemblait à
personne. Elle se nourrissait très mal, elle mangeait à
peine, elle ne fumait pas, elle ne buvait pas, mais elle pouvait passer
toute la nuit dehors. A la maison, elle vivait entourée d'animaux
mais elle était toujours maquillée comme une déesse.
Elle n'avait pas beaucoup de poitrine, mais elle portait des robes
insensées, des décolletés jusqu'au bas des fesses.
Tout cela, avec une grande innocence, une grande pureté, il
n'y avait rien de machiavélique chez Françoise, elle
n'avait pas envie d'aguicher les gens, de faire tomber les hommes.
C'était vraiment une jeune fille qui cherchait son chemin et
qui se cherchait elle-même avec beaucoup de fantaisie et sans
aucune arrière-pensée. |
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Il fallait qu'elle suscite
l'amour, c'est la chose qui la rassurait. On a tous besoin d'être
aimés, c'est vrai. Mais chez elle, c'était une nécessité
vitale. Elle ne pouvait exister comme actrice qu'en se sentant aimée.
Ce qui ne voulait pas dire qu'elle avait envie de vivre une histoire
d'amour avec tous les hommes qu'elle séduisait. |
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La seule chose qui la
rassurait un peu, c'est ce que lui disaient les gens qui l'aimaient,
en qui elle avait confiance, comme certains journalistes, certains
écrivains et surtout François Truffaut. Sur le moment,
elle se sentait réconfortée mais au fond rien ne l'apaisait.
Tout ce qu'on pouvait lui dire restait pour elle à l'état
de paroles, à l'état de promesses. |
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Je n'ai pas de souvenir
de Françoise apaisée. Pourtant elle a été
aimée, elle a été très aimée, mais
il y avait chez elle quelque chose d'insatiable... |
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Comme tous les gens exaltés,
Françoise était excessive. Excessivement démoralisée
par rapport à ce qu'elle voulait faire et ce qu'elle n'arrivait
pas à atteindre. |
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Elle était aussi
très tragédienne dans la vie, très portée
vers des situations et des sentiments extrêmes. Elle cherchait
toujours à se dépasser, à atteindre des choses
au-dessus de ses moyens. [...] Françoise avait besoin de violence
pour exister. |
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Françoise prenait
tous les risques, ce qui expliquait ses coups de bambou, ses crises
terribles, quand elle allait mal. Elle était tellement optimiste,
tellement confiante dans les autres que forcément lorsqu'il
lui arrivait une déception ou des déboires dans son
métier ou dans sa vie personnelle. alors là c'était
l'abîme... |
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Quand elle parlait de
l'avenir, c'était dans des moments assez pessimistes, lorsqu'elle
traversait des périodes négatives. Elle disait qu'elle
ne se voyait pas vieillir, qu'elle ne serait jamais capable de vivre
normalement. Elle n'envisageait jamais son avenir professionnel, tellement
le futur était pour elle une source d'inquiétude. |
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Françoise, c'était
quelqu'un d'extraordinaire et d'extravagant. Elle était mon
aînée mais elle ne me conseillait pas. C'était
plutôt moi qui la protégeais. J'étais raisonnable,
plus indépendante aussi. J'avais quitté très
tôt la famille, j'avais eu très vite un enfant. J'avais
plus d'expérience qu'elle. Françoise était quelqu'un
de si fragile... |
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Sa carrière
d'actrice

Comme elle était
très exaltée, elle a d'abord voulu être nonne.
Petites filles, nous avons fréquenté des écoles
religieuses. Françoise était très croyante et
elle a pensé avoir la vocation religieuse. Ensuite elle a voulu
devenir actrice. Entre les deux. il y a eu sa passion pour la danse.
Elle a fait énormément de danse classique et elle a
arrêté lorsqu'elle est entrée au conservatolre.
Mais en gros, elle est tout de même passée de l'idée
d'être religieuse à l'idée d'être actrice.
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Françoise a été
la première vedette de la famille, en effet. Elle avait la
vocation, elle a été célèbre très
vite. C'était quelqu'un d'extravagant, de très drôle.
Elle était mon aînée. Pourtant, elle ne me conseillait
pas. Peut-être parce que j'étais plus raisonnable qu'elle,
plus protectrice. Elle, elle avait une grande fragilité. |
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Françoise ne pensait
qu'au théâtre et concentrait toute son énergie
dans cette direction. Il faut dire qu'elle a démontré
très jeune une volonté bien au-dessus de son âge.
Elle s'est fait renvoyer du lycée pour indiscipline. elle a
pris des cours de théâtre, elle est entrée au
Conservatoire. et elle a eu son premier engagement vers dix-sept ans.
[...] On disait de Françoise qu'elle était un peu le
phénomène de la famille. |
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Françoise était
l'aînée, elle a ressenti très fort l'influence
du milieu familial et consciemment ou pas l'image paternelle a joué
dans son évolution. Mais de toutes façons, elle avait
besoin de s'exprimer. Elle avait besoin de jouer. Donc du jeu des
enfants, elle est passée au jeu tout court. |
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Françoise, elle
avait une vocation irréversible, elle avait une idée
très précise d'elle-même, elle travaillait beaucoup.
Elle se fixait des buts à atteindre. Forcément, dans
ces cas-là, il y a des choses qui marchent et d'autres qui
ne marchent pas. Les rencontres étaient plus fortes pour elle
que pour moi mais les déceptions plus grandes. |
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Le fait que j'aie démarré
dans ce métier sans avoir vraiment envie de le faire, sans
être vraiment déterminée à poursuivre,
que tout cela arrive par hasard et que ça marche, a forcément
provoqué chez Françoise un sentiment d'injustice. Le
sentiment de l'injustice de la vie car c'est vrai que la vie est injuste.
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Françoise et moi
n'avons jamais été jalouses l'une de l'autre. Nos relations
ont été complexes, et il y a eu de la souffrance. c'est
certain, dans la mesure où nous n'avons pas évolué
de la même façon parce que nous n'avons pas connu les
mêmes succès en même temps. II y a eu un certain
décalage dans nos vies mais en aucune façon on ne peut
parler de jalousie. |
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Elle montre vraiment un
aspect différent de sa personnalité dans chacun des
films importants qu'elle a interprétés. "L'homme
de Rio" traduit surtout la part d'enfance, "Les demoiselles
de Rochefort" reflète l'image de sa fantaisie, "Cul
de sac" prouve l'extravagance dont elle était capable...
J'ai revu le film récemment. j'ai été sidérée
par la modernité de son jeu et par son audace... Mais le film
qui est le plus fidèle à ce que Françoise était
profondément reste "La peau douce". |
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Elle possédait
la fantaisie, qui est une qualité plutôt rare chez les
actrices françaises et elle était magnifique dans un
registre très romantique. C'est vrai qu'elle avait des possibilités
d'actrice considérables. François Truffaut lui disait
toujours : "Attendez quelques années encore, vous aurez
votre place, je le sais". |
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Sa disparition

Je ne voulais pas que le souvenir de
Françoise s'efface, qu'il se dilue dans l'oubli. Je voulais
que la nouvelle génération sache qui elle était,
ce qu'elle représentait à mes yeux. Françoise
me manque. Sa présence, son souffle, ses rires sont toujours
ancrés très fortement en moi. Vous savez, nous étions
si proches l'une de l'autre, si surs, si indissociables ! |
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Je
n'avais jamais parlé de ma sur, Françoise Dorléac.
En vérité, il y a longtemps que je regrette qu'il n'existe
rien sur elle. Rien qui témoigne de la jeune fille qu'elle
était... [...] Le problème qui a existé pour
moi pendant très longtemps, c'est qu'il m'était totalement
impossible de parler de Françoise. Tout en regrettant tout
en sachant que ce n'était pas moi qui en étais responsable
J'ai laissé le silence s'installer. Aujourd'hui même
cela me demande un gros effort d'être là avec vous. Mais
l'envie que ce portrait existe est plus important que mes problèmes
personnels. |
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Elle était mon
frère et ma sur. Dans les familles de filles, les rôles
sont multiples. Quand elle est morte, j'ai eu le sentiment qu'elle
n'avait pas le droit de m'abandonner ainsi en plein chemin. Ce sentiment
d'abandon ne m'a jamais quittée. Pendant des années,
je n'ai pu que me taire sur elle. Le moment est venu de faire son
livre. Et c'est à moi de le faire. |
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La perte de Françoise,
c'est la déchirure la plus importante de ma vie. Ce deuil a
beaucoup modifié ma relation aux gens que j'aime en me les
rendant encore plus chers qu'avant. Depuis la disparition de Françoise,
je suis absolument convaincue que le seul moyen d'accepter cette chose
inacceptable, c'est de faire vivre en nous ceux qui nous ont quittés.
C'est une nécessité, un besoin vital. |
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Pour moi, Françoise
dans la vie, c'est son visage, son petit nez, ses taches de rousseur,
son rire, sa voix. Surtout sa voix. Quand j'entends sa voix, elle
m'apparaît immédiatement. La voix de Françoise,
c'est comme un parfum, c'est quelque chose de vraiment très
tenace, qui à chaque fois rouvre une blessure qui ne sera jamais
complètement refermée. |
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C'était un événement
beaucoup trop violent, beaucoup trop traumatisant pour tout le monde,
pour mes parents, pour mes surs, pour moi-même, pour qu'on
puisse en parler. C'était notre histoire, notre unité,
notre façon à nous d'être ensemble. Intuitivement,
on sentait que la réunification de nos chagrins ne nous aurait
pas apporté grand-chose. Et puis tout simplement parler de
la perte de Françoise nous était physiquement impossible.
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Quand
ma sur est morte, je n'avais personne avec qui partager ma douleur,
alors j'ai tout gardé pour moi. J'étais jeune, et je
travaillais sur un film et je n'avais que un ou deux jours pour pleurer.
Mais c'était une mauvaise chose, être seule avec cette
douleur. Des années plus tard, ça m'a repris. Cela a
envahi ma vie. Ce fut une période très difficile. [...]
J'aurais aimé savoir comment partager
mon chagrin quand j'ai perdu ma sur. Je suis très, très
reconnaissante de savoir comment faire cela beaucoup mieux, maintenant.
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Avec le temps, j'ai réalisé
en effet à quel point étaient importantes la complicité
et l'intimité dans le dialogue que j'avais avec ma sur.
Et comme j'ai eu la chance de connaître ça, je sais à
quel point ça me manque aujourd'hui... |
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Aujourd'hui, quand je
vois des surs ensemble, surtout des actrices, quand je vois
par exemple Marie-France Pisier avec sa sur, quand elle me parle
de sa sur, je ressens une véritable frustration. Nous
avons à peu près le même âge, et je me dis
: "Si Françoise était là, voilà,
ce serait comme ça la vie..." Il m'est arrivé d'avoir
le cur serré en entendant simplement Valérie Lemercier
ou Valeria Bruni-Tedeschi évoquer l'amitié qui les lie
à leurs surs. Quel que soit le destin qu'on a dans la
vie, quand les choses sont difficiles, il n'y a rien de plus précieux
qu'une sur avec laquelle on partage tout. Pour moi. c'est une
amputation, un manque physique et j'envierai toujours les femmes qui
connaissent cette relation particulière... |
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Je me dis seulement qu'elle
me manque et qu'elle m'aurait prise dans ses bras dans les moments
difficiles. |
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Ce qui me manque, vous
voyez, c'est cette complicité sur laquelle on ne se pose aucune
question, qui ne suscite aucun doute. La certitude qu'on vous parle
uniquement dans votre intérêt dans tous les domaines
de la vie. C'est un trésor que je n'ai jamais retrouvé.
J'ai des amies femmes que j'aime énormément, je connais
des actrices avec lesquelles je me suis très bien entendue
dans le travail et qui me sont restées chères, mais
c'est incomparable avec Françoise. |
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Françoise, c'était
un amour d'une autre nature. Avec les amies, avec les autres actrices,
se nouent souvent des relations fortes mais en même temps épisodiques.
C'est le métier qui veut cela. Tandis qu'une sur c'est
pour la vie, c'est définitif. |
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Quand on a perdu quelqu'un
d'aussi proche, le sentiment d'avoir été abandonné
vous submerge. Et quand on a été abandonné une
fois, on sait que cela peut se reproduire. Pourtant, malgré
la douleur, c'est vrai que la mort des êtres chers parvient
à vous rapprocher encore plus des gens que vous aimez. |
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Je suis très attachée
à toutes les photos que j'ai avec elle, où on est seules
toutes les deux, parce que je sais qu'il n'y en aura plus... |
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Le manque, ce manque terrible,
le manque de communication, de dialogue, cette absence définitive,
ce côté "plus jamais" c'est quelque chose de
très long à accepter... Je ne me suis jamais posé
la question de savoir si j'allais continuer à faire du cinéma
ou pas, si c'était important par rapport à Françoise.
Non, tout simplement je n'arrivais pas à faire le deuil d'une
sur qui m'était plus chère que tout. Ne plus jamais
la voir, ne plus jamais la toucher, c'était la seule question.
Quand elle a eu son accident, je venais juste de commencer un tournage,
il a bien fallu que je continue... |
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Françoise, elle
est vraiment partie comme une promesse, une promesse à qui
l'on n'a pas laissé le temps de s'accomplir. Je pense que l'exaltation
que l'on peut encore éprouver pour elle aujourd'hui, tient
beaucoup au fait qu'elle était sur le point d'éclore,
qu'elle approchait de ce qu'elle allait devenir vraiment et que personne
n'est capable d'imaginer. |
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Ce qu'elle a dit
sur Catherine Deneuve...

J'étais grande,
trop maigre, mes cheveux étaient carotte, j'avais des taches
de rousseur plein la figure
et Catherine était si belle
!
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Françoise Dorléac,
Source inconnue
|
Nous avons quand même un air
de famille. Catherine, c'est moi en plus fine, moins large et en plus
jolie. Catherine a un visage très doux... |
Françoise Dorléac
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Ma sur est jolie, moi je suis
belle. Elle a du génie, moi j'ai du talent. |
Françoise Dorléac,
citée dans Paris Match 2001
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Elle ne prend rien au
sérieux. Tout dans sa vie lui semble un jeu. |
Françoise Dorléac,
citée dans CinéMonde 1963
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Ma sur est terrible avec son
pessimisme... |
Françoise Dorléac,
Film "Les Demoiselles ont eu 25 ans"
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A nous deux, nous ferions une femme
formidable ! |
Françoise Dorléac,
citée dans Paris Match 2001
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Vous savez, de nous deux,
j'étais celle qui étudiais le théâtre sérieusement
et Catherine, celle qui faisait cela pour s'amuser. Et pourtant, à
présent, elle devient une beaucoup plus grande vedette que
je ne pourrai jamais espérer le devenir, peut-être parce
qu'elle est passée par les plus grandes épreuves qu'une
femme peut avoir à affronter dans sa vie. Elle a souffert plus
que personne que je connaisse et elle s'en est sortie admirablement.
Elle a assimilé le drame de sa vie et cela a aiguisé
son sens dramatique et lui a donné un nouveau talent, une nouvelle
profondeur, et par dessus-tout, une compréhension qui peut
faire sortir d'elle une très grande actrice. Notez bien ce
que je vous dis là. |
Françoise Dorléac,
citée dans Ciné Revue 1967
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Nous sommes tout le contraire. Dans
"Les demoiselles de Rochefort" nous dansons un ballet ensemble
et c'est épouvantable, car Catherine est aussi raide que je
suis souple. Si bien qu 'elle a des équilibres superbes mais
qu 'elle est incapable de tourner, tandis que moi, je tourne comme
une toupie mais je n'arrive pas à me tenir sur une jambe. |
Françoise Dorléac
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Pour ma part, j'ai suivi
longtemps des cours de danse, mais pas la pauvre Catherine. Elle a
une volonté extraordinaire. Elle mourrait plutôt que
de renoncer. Je suis sure qu'elle y arrivera. |
Françoise Dorléac,
citée dans Ciné Revue 1967
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Sur de Catherine Deneuve
Née le 21 mars 1942
Décédée le 26 juin 1967 dans un accident de voiture
sur l'autoroute de l'Esterel (Côte d'Azur)
Comédienne
Films avec Catherine Deneuve
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