Sa vie / Famille / Françoise Dorléac
Repères
  Biographie
Famille
 
  Presse 2010-2019
Presse 2000-2009
Presse 1990-1999
Presse 1980-1989
Presse 1960-1979
Radio et télévision
Livres
  Hommages
Dessins
Photos
  Caractère
Centres d'intérêt
Opinions
Engagements
 

Mode de vie
Style
Coups de cœur
Sorties et voyages

Ce qu'en a dit Catherine Deneuve...

Son caractère

Depuis qu'on était toutes petites, ma sœur Françoise était l'exubérante et j'étais la rêveuse. On disait que j'étais dans la lune. En fait, j'étais très timide et je n'étais pas du tout sure de vouloir faire du cinéma.

Lorsque nous étions enfants, nous étions presque trop proches donc nous nous disputions énormément. On s'engueulait, on se battait même beaucoup Je dirais qu'on était presque comme de fausses jumelles très complémentaires et très différentes à la fois. Françoise s'exprimait d'une façon très violente. Moi j'étais plutôt extrêmement discrète et repliée sur moi-même, une enfant introvertie.

Françoise était ma sœur, avant tout. Comme je vous l'ai dit, on s'engueulait, elle m'emmerdait, enfin on se disputait, on se tapait très fort. nos relations étaient extrêmement violentes et passionnées. Mais c'étaient des rapports de sœurs. Jamais des rapports d'actrices. [...] Nous avions un besoin vital de parler ensemble. C'était souvent bavarder pour ne rien dire, échanger des trucs sans importance. Quelquefois, c'était plus sérieux, il fallait se remonter le moral, trouver des mots de réconfort si l'une ou l'autre était dans la peine. Françoise et moi, on s'appelait comme on peut appeler sa meilleure amie, le soir tard pour se confier. On pouvait tout se dire...

Les chamailleries, c'était aussi un jeu entre Françoise et moi. A un certain niveau de complicité, chacune disait des choses pour voir comment l'autre allait réagir, et pouvait soutenir le contraire cinq minutes après. C'était notre mode de fonctionnement.

Avec ma sœur, nous étions très complémentaires. On ne sait pas comment tout évolue, mais il y a chez moi une envie de vivre en harmonie. Ce qui fait qu'on accentue les complémentarités. L'une prend les pleins, l'autre prend les creux... Parce qu'on sait que ça se passe mieux comme ça...

Nos rapports étaient très complices. On était extrêmement différentes. Je crois que je la connaissais mieux qu'elle ne me connaissait. Elle était moins secrète que moi, elle parlait beaucoup alors que je suis quelqu'un qui écoute beaucoup. C'est ma nature d'écouter...

Elle était très complexe, elle avait beaucoup de problèmes et j'avais très envie de l'aider.

Ma sœur était une jeune femme extrêmement rieuse, enfant elle habillait ses chats, adorait les animaux et plus tard giflait les tueurs d'insectes. Elle aimait aussi les cornichons, les chips dans le café au lait, le talc parfumé, et son chihuahua. C'était une personne un peu extravagante qui pouvait danser des nuits entières sans jamais boire, ni fumer, mais aussi parfois un peu désespérée. François Truffaut lui disait souvent qu'elle devait être patiente, que sa personnalité forte contrastait avec son physique fragile et romantique, mais qu'elle trouverait avec la trentaine les vrais contacts avec le grand public. Il lui adressait ses lettres au nom de Framboise Dorléac pour être certain qu'elle les lirait en souriant.
Catherine Deneuve, Madame Figaro 1989

Nous avions une très grande intimité mais en même temps, nous n'aimions pas du tout les mêmes gens. Nous n'avions pas du tout les mêmes amis, nous n'aimions pas du tout le même genre d'hommes. Donc, c'était parfait. Cela nous a permis d'éviter la rivalité amoureuse qui aurait pu exister entre nous, qui étions si proches par l'âge. Nous étions vraiment le jour et la nuit. C'était même fou de l'être à ce point. Mais au fond, le fait d'être aussi différentes nous a rapprochées au lieu de nous séparer.

Elle était très moraliste et elle avait des jugements radicaux sur les gens, comme moi je peux en avoir aussi, je l'avoue. Si elle n'aimait pas les hommes avec qui je vivais ou si elle n'aimait pas mes amis, elle ne se gênait pas pour me dire des choses très dures. Et réciproquement. Lorsqu'elle a fréquenté des hommes qui ne me plaisaient pas, à mon tour, je l'ai beaucoup moins vue et c'était plutôt douloureux. On ne se ménageait pas, enfin Françoise surtout pouvait tout dire avec l'excès qui la caractérisait. Mais, bien que plus timide et réservée je n'ai jamais plié devant elle sur le plan de ma vie privée. Donc, je la rembarrais aussi sérieusement.

Elle voulait des enfants, comme elle voulait l'homme de sa vie, comme elle voulait toujours des choses idéales...

Non seulement je l'aimais, mais je l'admirais aussi. J'admirais beaucoup son pouvoir à être aussi extravagante avec autant de naturel. [...] Sans doute ressentait-elle le besoin de se singulariser au sein d'une famille finalement assez normale, il faut bien le dire. [...] Sans doute avait-elle un plus grand besoin qu'une autre d'exister.

Moi, je la trouve très belle. Non seulement elle était belle, mais elle était follement photogénique... Souvent elle me disait : "c'est la photo qui est belle, ce n'est pas moi". Elle avait un regard, une découpe de menton magnifique, un profil parfait, une belle mâchoire, enfin ce qu'on appelle du caractère dans le visage. Une très jolie bouche aussi et un si merveilleux sourire.

J'avais des traits peut-être plus réguliers que ceux de Françoise mais tout cela n'explique pas la souffrance qu'elle pouvait ressentir. On parle des complexes de Françoise, mais c'était beaucoup plus que cela, chez elle, c'était une véritable angoisse. C'est assez fréquent chez les jeunes filles même supposées jolies de ne pas s'aimer physiquement. [...] Elle parlait toujours de son asymétrie. C'était une obsession. Je l'ai vue renoncer à une soirée au dernier moment, en gémissant : "Je ne peux pas me montrer avec cette tête, je ne sortirai pas. Je suis affreuse". Je l'ai même vue s'évanouir dans la salle de bain, brisée par l'angoisse...

Pour Françoise, tout prenait des proportions folles. Par exemple, à partir du moment où elle a commencé à se maquiller, c'était extravagant. Elle se maquillait comme Cléopâtre. A dix-huit, dix-neuf ans. elle se faisait des yeux en queue de poisson. Absolument incroyable.

Françoise avait cette forme de grâce particulière, ce mélange de légèreté et de fantaisie que l'on appelait autrefois "un grain". Son imagination la poussait vers des aventures étranges, elle était capable de passages à l'acte qui paraissaient aux autres totalement inexplicables.

J'étais un peu plus jeune qu'elle, mais ayant connu très tôt une situation familiale d'adulte, j'avais une plus grande expérience de la vie. Il m'est arrivé souvent d'essayer de la raisonner.

C'est une fille qui a toujours eu une vie personnelle très compliquée. Elle a eu beaucoup de mal à quitter la maison de mes parents. Ma mère l'a presque obligée à partir et à prendre un appartement à elle. Pour autant, Françoise ne s'est pas beaucoup éloignée. Elle s'est installée juste en face de la maison de mes parents, là où ils habitent toujours d'ailleurs.

Elle ne cherchait jamais à choquer, l'opinion des gens lui était indifférente. Elle se conduisait plutôt comme quelqu'un qui n'a de comptes à rendre à personne. [...] Françoise était née libre et elle l'est restée.

Françoise fascinait beaucoup de gens, à commencer évidemment par mes parents.

On peut dire que les gens qui ont travaillé avec Françoise avaient deux réactions. Ou ils ne la supportaient pas, ou bien ils l'adoraient.

Les gens qui l'ont connue gardent encore aujourd'hui un souvenir très fort de Françoise parce que c'était quelqu'un comme on en rencontre peu dans une vie. Physiquement et moralement, elle ne ressemblait à personne. Elle se nourrissait très mal, elle mangeait à peine, elle ne fumait pas, elle ne buvait pas, mais elle pouvait passer toute la nuit dehors. A la maison, elle vivait entourée d'animaux mais elle était toujours maquillée comme une déesse. Elle n'avait pas beaucoup de poitrine, mais elle portait des robes insensées, des décolletés jusqu'au bas des fesses. Tout cela, avec une grande innocence, une grande pureté, il n'y avait rien de machiavélique chez Françoise, elle n'avait pas envie d'aguicher les gens, de faire tomber les hommes. C'était vraiment une jeune fille qui cherchait son chemin et qui se cherchait elle-même avec beaucoup de fantaisie et sans aucune arrière-pensée.

Il fallait qu'elle suscite l'amour, c'est la chose qui la rassurait. On a tous besoin d'être aimés, c'est vrai. Mais chez elle, c'était une nécessité vitale. Elle ne pouvait exister comme actrice qu'en se sentant aimée. Ce qui ne voulait pas dire qu'elle avait envie de vivre une histoire d'amour avec tous les hommes qu'elle séduisait.

La seule chose qui la rassurait un peu, c'est ce que lui disaient les gens qui l'aimaient, en qui elle avait confiance, comme certains journalistes, certains écrivains et surtout François Truffaut. Sur le moment, elle se sentait réconfortée mais au fond rien ne l'apaisait. Tout ce qu'on pouvait lui dire restait pour elle à l'état de paroles, à l'état de promesses.

Je n'ai pas de souvenir de Françoise apaisée. Pourtant elle a été aimée, elle a été très aimée, mais il y avait chez elle quelque chose d'insatiable...

Comme tous les gens exaltés, Françoise était excessive. Excessivement démoralisée par rapport à ce qu'elle voulait faire et ce qu'elle n'arrivait pas à atteindre.

Elle était aussi très tragédienne dans la vie, très portée vers des situations et des sentiments extrêmes. Elle cherchait toujours à se dépasser, à atteindre des choses au-dessus de ses moyens. [...] Françoise avait besoin de violence pour exister.

Françoise prenait tous les risques, ce qui expliquait ses coups de bambou, ses crises terribles, quand elle allait mal. Elle était tellement optimiste, tellement confiante dans les autres que forcément lorsqu'il lui arrivait une déception ou des déboires dans son métier ou dans sa vie personnelle. alors là c'était l'abîme...

Quand elle parlait de l'avenir, c'était dans des moments assez pessimistes, lorsqu'elle traversait des périodes négatives. Elle disait qu'elle ne se voyait pas vieillir, qu'elle ne serait jamais capable de vivre normalement. Elle n'envisageait jamais son avenir professionnel, tellement le futur était pour elle une source d'inquiétude.

Françoise, c'était quelqu'un d'extraordinaire et d'extravagant. Elle était mon aînée mais elle ne me conseillait pas. C'était plutôt moi qui la protégeais. J'étais raisonnable, plus indépendante aussi. J'avais quitté très tôt la famille, j'avais eu très vite un enfant. J'avais plus d'expérience qu'elle. Françoise était quelqu'un de si fragile...

Sa carrière d'actrice

Comme elle était très exaltée, elle a d'abord voulu être nonne. Petites filles, nous avons fréquenté des écoles religieuses. Françoise était très croyante et elle a pensé avoir la vocation religieuse. Ensuite elle a voulu devenir actrice. Entre les deux. il y a eu sa passion pour la danse. Elle a fait énormément de danse classique et elle a arrêté lorsqu'elle est entrée au conservatolre. Mais en gros, elle est tout de même passée de l'idée d'être religieuse à l'idée d'être actrice.

Françoise a été la première vedette de la famille, en effet. Elle avait la vocation, elle a été célèbre très vite. C'était quelqu'un d'extravagant, de très drôle. Elle était mon aînée. Pourtant, elle ne me conseillait pas. Peut-être parce que j'étais plus raisonnable qu'elle, plus protectrice. Elle, elle avait une grande fragilité.

Françoise ne pensait qu'au théâtre et concentrait toute son énergie dans cette direction. Il faut dire qu'elle a démontré très jeune une volonté bien au-dessus de son âge. Elle s'est fait renvoyer du lycée pour indiscipline. elle a pris des cours de théâtre, elle est entrée au Conservatoire. et elle a eu son premier engagement vers dix-sept ans. [...] On disait de Françoise qu'elle était un peu le phénomène de la famille.

Françoise était l'aînée, elle a ressenti très fort l'influence du milieu familial et consciemment ou pas l'image paternelle a joué dans son évolution. Mais de toutes façons, elle avait besoin de s'exprimer. Elle avait besoin de jouer. Donc du jeu des enfants, elle est passée au jeu tout court.

Françoise, elle avait une vocation irréversible, elle avait une idée très précise d'elle-même, elle travaillait beaucoup. Elle se fixait des buts à atteindre. Forcément, dans ces cas-là, il y a des choses qui marchent et d'autres qui ne marchent pas. Les rencontres étaient plus fortes pour elle que pour moi mais les déceptions plus grandes.

Le fait que j'aie démarré dans ce métier sans avoir vraiment envie de le faire, sans être vraiment déterminée à poursuivre, que tout cela arrive par hasard et que ça marche, a forcément provoqué chez Françoise un sentiment d'injustice. Le sentiment de l'injustice de la vie car c'est vrai que la vie est injuste.

Françoise et moi n'avons jamais été jalouses l'une de l'autre. Nos relations ont été complexes, et il y a eu de la souffrance. c'est certain, dans la mesure où nous n'avons pas évolué de la même façon parce que nous n'avons pas connu les mêmes succès en même temps. II y a eu un certain décalage dans nos vies mais en aucune façon on ne peut parler de jalousie.

Elle montre vraiment un aspect différent de sa personnalité dans chacun des films importants qu'elle a interprétés. "L'homme de Rio" traduit surtout la part d'enfance, "Les demoiselles de Rochefort" reflète l'image de sa fantaisie, "Cul de sac" prouve l'extravagance dont elle était capable... J'ai revu le film récemment. j'ai été sidérée par la modernité de son jeu et par son audace... Mais le film qui est le plus fidèle à ce que Françoise était profondément reste "La peau douce".

Elle possédait la fantaisie, qui est une qualité plutôt rare chez les actrices françaises et elle était magnifique dans un registre très romantique. C'est vrai qu'elle avait des possibilités d'actrice considérables. François Truffaut lui disait toujours : "Attendez quelques années encore, vous aurez votre place, je le sais".

Sa disparition


Je ne voulais pas que le souvenir de Françoise s'efface, qu'il se dilue dans l'oubli. Je voulais que la nouvelle génération sache qui elle était, ce qu'elle représentait à mes yeux. Françoise me manque. Sa présence, son souffle, ses rires sont toujours ancrés très fortement en moi. Vous savez, nous étions si proches l'une de l'autre, si sœurs, si indissociables !

Je n'avais jamais parlé de ma sœur, Françoise Dorléac. En vérité, il y a longtemps que je regrette qu'il n'existe rien sur elle. Rien qui témoigne de la jeune fille qu'elle était... [...] Le problème qui a existé pour moi pendant très longtemps, c'est qu'il m'était totalement impossible de parler de Françoise. Tout en regrettant tout en sachant que ce n'était pas moi qui en étais responsable J'ai laissé le silence s'installer. Aujourd'hui même cela me demande un gros effort d'être là avec vous. Mais l'envie que ce portrait existe est plus important que mes problèmes personnels.

Elle était mon frère et ma sœur. Dans les familles de filles, les rôles sont multiples. Quand elle est morte, j'ai eu le sentiment qu'elle n'avait pas le droit de m'abandonner ainsi en plein chemin. Ce sentiment d'abandon ne m'a jamais quittée. Pendant des années, je n'ai pu que me taire sur elle. Le moment est venu de faire son livre. Et c'est à moi de le faire.

La perte de Françoise, c'est la déchirure la plus importante de ma vie. Ce deuil a beaucoup modifié ma relation aux gens que j'aime en me les rendant encore plus chers qu'avant. Depuis la disparition de Françoise, je suis absolument convaincue que le seul moyen d'accepter cette chose inacceptable, c'est de faire vivre en nous ceux qui nous ont quittés. C'est une nécessité, un besoin vital.

Pour moi, Françoise dans la vie, c'est son visage, son petit nez, ses taches de rousseur, son rire, sa voix. Surtout sa voix. Quand j'entends sa voix, elle m'apparaît immédiatement. La voix de Françoise, c'est comme un parfum, c'est quelque chose de vraiment très tenace, qui à chaque fois rouvre une blessure qui ne sera jamais complètement refermée.

C'était un événement beaucoup trop violent, beaucoup trop traumatisant pour tout le monde, pour mes parents, pour mes sœurs, pour moi-même, pour qu'on puisse en parler. C'était notre histoire, notre unité, notre façon à nous d'être ensemble. Intuitivement, on sentait que la réunification de nos chagrins ne nous aurait pas apporté grand-chose. Et puis tout simplement parler de la perte de Françoise nous était physiquement impossible.

Quand ma sœur est morte, je n'avais personne avec qui partager ma douleur, alors j'ai tout gardé pour moi. J'étais jeune, et je travaillais sur un film et je n'avais que un ou deux jours pour pleurer. Mais c'était une mauvaise chose, être seule avec cette douleur. Des années plus tard, ça m'a repris. Cela a envahi ma vie. Ce fut une période très difficile. [...] J'aurais aimé savoir comment partager mon chagrin quand j'ai perdu ma sœur. Je suis très, très reconnaissante de savoir comment faire cela beaucoup mieux, maintenant.

Avec le temps, j'ai réalisé en effet à quel point étaient importantes la complicité et l'intimité dans le dialogue que j'avais avec ma sœur. Et comme j'ai eu la chance de connaître ça, je sais à quel point ça me manque aujourd'hui...

Aujourd'hui, quand je vois des sœurs ensemble, surtout des actrices, quand je vois par exemple Marie-France Pisier avec sa sœur, quand elle me parle de sa sœur, je ressens une véritable frustration. Nous avons à peu près le même âge, et je me dis : "Si Françoise était là, voilà, ce serait comme ça la vie..." Il m'est arrivé d'avoir le cœur serré en entendant simplement Valérie Lemercier ou Valeria Bruni-Tedeschi évoquer l'amitié qui les lie à leurs sœurs. Quel que soit le destin qu'on a dans la vie, quand les choses sont difficiles, il n'y a rien de plus précieux qu'une sœur avec laquelle on partage tout. Pour moi. c'est une amputation, un manque physique et j'envierai toujours les femmes qui connaissent cette relation particulière...

Je me dis seulement qu'elle me manque et qu'elle m'aurait prise dans ses bras dans les moments difficiles.

Ce qui me manque, vous voyez, c'est cette complicité sur laquelle on ne se pose aucune question, qui ne suscite aucun doute. La certitude qu'on vous parle uniquement dans votre intérêt dans tous les domaines de la vie. C'est un trésor que je n'ai jamais retrouvé. J'ai des amies femmes que j'aime énormément, je connais des actrices avec lesquelles je me suis très bien entendue dans le travail et qui me sont restées chères, mais c'est incomparable avec Françoise.

Françoise, c'était un amour d'une autre nature. Avec les amies, avec les autres actrices, se nouent souvent des relations fortes mais en même temps épisodiques. C'est le métier qui veut cela. Tandis qu'une sœur c'est pour la vie, c'est définitif.

Quand on a perdu quelqu'un d'aussi proche, le sentiment d'avoir été abandonné vous submerge. Et quand on a été abandonné une fois, on sait que cela peut se reproduire. Pourtant, malgré la douleur, c'est vrai que la mort des êtres chers parvient à vous rapprocher encore plus des gens que vous aimez.

Je suis très attachée à toutes les photos que j'ai avec elle, où on est seules toutes les deux, parce que je sais qu'il n'y en aura plus...

Le manque, ce manque terrible, le manque de communication, de dialogue, cette absence définitive, ce côté "plus jamais" c'est quelque chose de très long à accepter... Je ne me suis jamais posé la question de savoir si j'allais continuer à faire du cinéma ou pas, si c'était important par rapport à Françoise. Non, tout simplement je n'arrivais pas à faire le deuil d'une sœur qui m'était plus chère que tout. Ne plus jamais la voir, ne plus jamais la toucher, c'était la seule question. Quand elle a eu son accident, je venais juste de commencer un tournage, il a bien fallu que je continue...

Françoise, elle est vraiment partie comme une promesse, une promesse à qui l'on n'a pas laissé le temps de s'accomplir. Je pense que l'exaltation que l'on peut encore éprouver pour elle aujourd'hui, tient beaucoup au fait qu'elle était sur le point d'éclore, qu'elle approchait de ce qu'elle allait devenir vraiment et que personne n'est capable d'imaginer.

Ce qu'elle a dit sur Catherine Deneuve...

J'étais grande, trop maigre, mes cheveux étaient carotte, j'avais des taches de rousseur plein la figure… et Catherine était si belle !

Françoise Dorléac, Source inconnue

Nous avons quand même un air de famille. Catherine, c'est moi en plus fine, moins large et en plus jolie. Catherine a un visage très doux...
Françoise Dorléac

Ma sœur est jolie, moi je suis belle. Elle a du génie, moi j'ai du talent.
Françoise Dorléac, citée dans Paris Match 2001

Elle ne prend rien au sérieux. Tout dans sa vie lui semble un jeu.
Françoise Dorléac, citée dans CinéMonde 1963

Ma sœur est terrible avec son pessimisme...
Françoise Dorléac, Film "Les Demoiselles ont eu 25 ans"

A nous deux, nous ferions une femme formidable !
Françoise Dorléac, citée dans Paris Match 2001

Vous savez, de nous deux, j'étais celle qui étudiais le théâtre sérieusement et Catherine, celle qui faisait cela pour s'amuser. Et pourtant, à présent, elle devient une beaucoup plus grande vedette que je ne pourrai jamais espérer le devenir, peut-être parce qu'elle est passée par les plus grandes épreuves qu'une femme peut avoir à affronter dans sa vie. Elle a souffert plus que personne que je connaisse et elle s'en est sortie admirablement. Elle a assimilé le drame de sa vie et cela a aiguisé son sens dramatique et lui a donné un nouveau talent, une nouvelle profondeur, et par dessus-tout, une compréhension qui peut faire sortir d'elle une très grande actrice. Notez bien ce que je vous dis là.
Françoise Dorléac, citée dans Ciné Revue 1967

Nous sommes tout le contraire. Dans "Les demoiselles de Rochefort" nous dansons un ballet ensemble et c'est épouvantable, car Catherine est aussi raide que je suis souple. Si bien qu 'elle a des équilibres superbes mais qu 'elle est incapable de tourner, tandis que moi, je tourne comme une toupie mais je n'arrive pas à me tenir sur une jambe.
Françoise Dorléac

Pour ma part, j'ai suivi longtemps des cours de danse, mais pas la pauvre Catherine. Elle a une volonté extraordinaire. Elle mourrait plutôt que de renoncer. Je suis sure qu'elle y arrivera.
Françoise Dorléac, citée dans Ciné Revue 1967

Sœur de Catherine Deneuve

Née le 21 mars 1942
Décédée le 26 juin 1967 dans un accident de voiture sur l'autoroute de l'Esterel (Côte d'Azur)

Comédienne

Films avec Catherine Deneuve

Les portes claquent (1960)

Les demoiselles de Rochefort (1967)


Site sur Françoise Dorléac

Photos

Inauguration à Rochefort de la place Françoise Dorléac
en 1994



Documents associés
Livre "Elle s'appelait Françoise" 1996