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On devient égoïste,
ou plutôt égocentrique. Parce qu'il faut sans cesse se
pencher sur soi, se surveiller, se contrôler, s'étudier
afin de tirer le meilleur parti de soi-même. A force de se maquiller,
de se faire coiffer, de chercher à embellir, on risque également
de sombrer dans le narcissisme. |
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La vie vous oblige à replonger, pour un
oui, pour un non, dans des choses pratiques, des choses de tous les
jours, qui ont l'avantage de vous remettre souvent les pieds sur terre,
mais qui compliquent un peu votre vie professionnelle... |
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Avoir des enfants m'a beaucoup aidée parce
que c'est une réalité quotidienne qui vous oblige à
faire ce qu'on n'a pas toujours envie de faire, mais qui vous entraîne
dans un cycle et dans un rythme de vie beaucoup plus terre à
terre. |
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Je crois que les acteurs les plus épanouis
sont les acteurs qui ont des natures féminines. Quand je dis
"féminines", cela ne veut pas dire autre chose que
"féminines", quelque chose de féminin qu'ils
ont en eux. Je donne tout de suite un exemple pour qu'il n'y ait pas
de malentendu : Depardieu, pour moi, est un acteur féminin. |
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Les acteurs - quand je dis acteurs, j'entends
acteurs et actrices - veulent toujours être aimés, ils
cherchent à séduire encore plus que les autres gens.
C'est le propre du métier puisque le succès, c'est de
plaire. Ceci vous oblige donc à jouer de votre séduction.
"Galvauder" ? Je ne sais pas si c'est si fort que cela,
mais c'est vrai que parfois on est épuisé d'être
obligé de séduire des gens que, d'ordinaire, on n'aurait
même pas regardés. |
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Tout est beaucoup plus exacerbé chez les
acteurs. C'est pour cette raison qu'ils s'usent beaucoup plus vite,
qu'ils craquent. Tout le monde a des problèmes, la dépression
est une maladie courante, mais je peux dire qu'elle fait partie de
la vie des acteurs. Un tournage, c'est quelque chose de très
exaltant. Et quand c'est fini, c'est terrible. Non pas parce l'on
ne travaille plus mais parce que, d'un seul coup, tout est cassé.
On passe par des phases aiguës tellement excessives... |
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Le cinéma, c'est
un métier où on est enfantin, où on joue, un
jeu très sérieux mais un jeu tout de même. Il
faut se méfier du cinéma ou plutôt de l'impudeur
qu'il provoque. Ça, c'est le fil du rasoir. Rester aigu, ne
jamais sombrer dans le mélo, se contrôler, se protéger
: vous savez, c'est une grande souffrance d'extirper physiquement
une émotion. |
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Pour moi, les acteurs
sont vraiment en marge de la société, bien qu'ils n'en
souffrent aucunement. |
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C'est un métier
incompatible avec la vie d'adulte et c'est souvent très dur
de garder son insouciance d'adolescent. |
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[A propos des faiblesses
des acteurs]
Peut-être le cabotinage, peut-être justement de n'appartenir
à aucune catégorie, ou encore, parfois, leur "apesanteur".
En fait, un acteur qui travaille beaucoup connaît, tous les
jours, des aventures extraordinaires et jamais "la vie"
n'est aussi irréelle que celle que vivent les comédiens. |
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Je crois que c'est très difficile pour
un acteur de réussir sa vie. C'est difficile pour une actrice,
mais encore plus pour un acteur. |
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Ce métier ne représentera jamais
plus de 50 % de ma vie, ce n'est pas une décision, c'est dans
ma nature. La vie m'intéresse plus que mon travail. Il est
évident que si je n'étais pas actrice, la vie m'intéresserait
sans doute moins. Mais je refuse l'idée d'être prise
à plus de 50 %. Je suis contente d'aller tourner le matin,
mais je suis toujours contente de rentrer le soir. |
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La plupart des acteurs, surtout les bons, savent
que leur métier consiste à puiser dans une fragilité,
un déséquilibre, une singularité. Être
acteur, c'est un engagement qui vous pompe beaucoup plus qu'on croit,
qui vous apporte aussi énormément, mais je ne pense
pas que ce soit une vocation qui mérite de sacrifier sa vie,
c'est-à-dire de vivre majoritairement dans une illusion de
soi-même. C'est être un instrument et se laisser emporter.
Le problème c'est de revenir, d'atterrir. Je suis encore étonnée
d'avoir choisi ce métier. C'est profondément hostile
à ma nature : je préfère regarder qu'être
regardée, écouter plutôt que parler. |
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Je ne peux pas faire de
distinction [entre vie privée et vie professionnelle]. Je ne
suis pas de ces femmes qui peuvent dire : "J'ai deux vies, une
vie où je suis chez moi, seule, avec mon fils, où personne
ne sait où j'habite et une autre vie, professionnelle celle-là,
où j'appartiens à tout le monde, au public quand je
tourne, etc.". Non ; je n'ai pas une notion aussi nette du métier
d'actrice et je ne sens pas de ligne de démarcation précise. |
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Je sors beaucoup, dans
les restaurants, dans les boîtes, même si je suis épuisée.
C'est une nécessité physique pour me retrouver complètement.
Il faut que je casse mon personnage. |
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Parfois, il m'arrive de
me lever tôt et de voir des gens qui vont à leur boulot,
comme ça, tous les jours Et curieusement, j'éprouve
comme une pointe d'envie. Ce n'est pas que cela me plairait de faire
régulièrement quelque chose tous les jours mais cette
incertitude de notre travail, sur l'activité de la journée,
souvent me fait peur. Dans le métier d'acteur, le vrai travail
est très peu de chose. Le pire, est tout ce que ça demande
autour. |
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Si je n'avais pas une
secrétaire employée à plein temps chez moi et
un agent qui s'occupe de tout ce qui est professionnel et financier,
je ne pourrais pas travailler avec cette disponibilité d'esprit
qui est indispensable pour un acteur. [...] S'il y a un problème,
on m'en parle, bien évidemment. Mais je ne peux pas, en plus,
m'occuper de comptabilité. C'est cela mon luxe. Ne pas me préoccuper
de l'aspect matériel de ma vie. |
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Je gagne ma vie, et d'autres,
autour de moi, équilibrent mon budget. Mais attention, mon
cher : cela ne veut pas dire du tout que je ne suis pas préoccupée
du coût de la vie en général ; je ne me meus absolument
pas dans un rêve et hors de mon temps. Les événements
du monde me touchent, les tragédies me blessent. |
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J'aime avoir du temps
devant moi, voir venir les choses petit à petit. Je serais
incapable d'enchaîner deux films à la suite l'un de l'autre.
J'ai besoin, Dieu merci, de l'incertitude de ce métier pour
le vivre bien. Les gens installés ou qui se sentent installés
une fois pour toutes et qui font tout pour rester à cette place
doivent avoir un gros problème et finissent par s'accrocher
a des choses illusoires. Je ne veux pas me sentir installée.
J'ai besoin de tenter des aventures, d'avoir l'impression de prendre
des risques. |
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C'est vrai qu'aujourd'hui
les acteurs ne sont plus l'élément moteur d'un film,
même s'ils en demeurent l'élément central, puisque
le film passe toujours par eux, leurs visages, leurs émotions... |
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Je trouve même
qu'en France les acteurs sont de plus en plus soucieux. Ils sont trop
au courant, pas assez préservés des problèmes
de production. Bien sûr, c'est une industrie, il faut être
adulte, on se tient au courant des chiffres, des entrées. Mais
je dirais qu'aujourd'hui les acteurs n'ont pas plus de pouvoir, mais
qu'ils ont des responsabilités accrues. C'est devenu chargé
d'impératifs. C'est dur d'ignorer les réalités
de la profession mais, du coup, cela devient de plus en plus difficile
d'être insouciant, pour un acteur. |
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II y a là-dedans
de jeunes acteurs et actrices merveilleux de simplicité, d'intensité...
Ils sont extraordinairement "pointus". Mais que vont-ils
devenir ? On est trop dur avec eux. Ils sont asphyxiés par
la presse, qui les monte au pinacle, les vide et les jette. On leur
demande leur avis sur tout. Et puis, il faut qu'ils aient bon cur,
sinon gare ! Mais enfin, on peut être à la fois un grand
acteur et le dernier des salauds ! |
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Je suis frappée de voir la volonté,
l'acharnement des jeunes comédiennes, leur intelligence professionnelle,
leur lucidité sur leur carrière. J'étais maladroite,
empotée, quand j'avais vingt ans. J'ai beaucoup flotté
et je me suis laissé porter par les événements,
j'ai fait des erreurs, mais pas dramatiques. |
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Nous les acteurs, nous
ne sommes pas fréquentables. On se donne, pendant un tournage,
on brûle mais, pour que la flamme reste incandescente, il faut
bien recharger le feu : nous ne sommes pas doués sur le suivi
! |
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C'est important les électrochocs,
comme vous les appelez ; il faut garder l'impression d'être
vivante professionnellement, continuer à préserver la
nouveauté, retrouver le côté à la fois
précieux et ludique du cinéma. C'est une création
permanente, le métier d'actrice. |
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[Mes réticences]
portent sur la transposition de ce qu'on a aimé, imaginé,
et qu'on retrouve sur l'écran, forcément différent,
parce qu'on est passé par toutes sortes de contraintes techniques...
Sur la difficulté à accepter l'idée qu'il faut
s'abandonner, tout en restant très lucide. Mais jamais vous
ne savez ce qui sera gardé, retenu de ce que vous avez fait.
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Je dois gérer une
contradiction dans ma vie, celle de vivre des événements
forts, jouer étant le plus intense, puis de retomber dans une
espèce d'attente terrible. |
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J'essaie de jouer avec
mon imagination parce qu'avec l'expérience, on peut se répéter,
on ne se renouvelle plus. Si l'on veut créer quelque chose
de neuf, il faut aller vers l'invention, la curiosité et même
le risque. J'aime me lancer, essayer quelque chose qui surprenne.
C'est pourquoi je suis toujours meilleure dans les premières
prises. C'est pourquoi je crains toujours le danger de travailler
avec un metteur en scène qui n'a pas assez de compétence
ou d'assurance. Le danger serait alors de ne pas pouvoir me laisser
aller, de m'appuyer sur ce que je connais. Jouer sur ce qu'on appelle
"le métier", quelle horreur ! |
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La seule technique valable,
c'est celle qui consiste à avoir du contrôle physique
sur soi-même pour ne pas manifester trop d'émotion. |
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La vie se charge de vous
apprendre pas mal de choses. J'ai eu sans doute plus de mal à
pleurer dans "Les parapluies de Cherbourg" qu'aujourd'hui.
Il y a des situations de scène, d'écriture qui, malheureusement,
ressemblent à des choses qu'on traverse ou qu'on a traversées. |
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C'est important pour un
acteur d'être une page blanche. De le rester. Parce qu'au bout
d'un certain nombre d'années, le problème d'un acteur
est qu'il arrive avec justement une "impression" presque
trop forte, et même moi quand je suis spectatrice je mets toujours
un certain temps pour oublier l'image et ce que je sais d'un acteur,
en tous les cas ce que j'imagine a priori de lui. Le travail d'un
acteur un peu connu, qui a fait beaucoup de choses, c'est d'essayer
justement de se débarrasser de la lourdeur d'une image pour
rendre le plus vite possible le rôle accessible, pour être
ouvert et dépouillé de tout passé ; c'est très
difficile. |
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Ce qui est cruel, disons,
c'est le petit pincement qu'on peut avoir un moment en se voyant,
en se disant qu'on aurait voulu parfois faire autrement, mais en même
temps la cruauté de l'image, la crudité, presque, de
l'image par moments, sert le film et sert le personnage. Si encore
j'avais senti un metteur en scène qui veuille me détruire
ou me casser physiquement, uniquement pour le principe, mais le personnage
est tellement beau, dans le sens où il est réel, où
il est vrai, intime... |
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Je crains toujours l'attirance
qu'on peut avoir, dans le cinéma, pour son image. C'est un
métier tellement narcissique. Or, le cinéma, paradoxalement,
c'est aussi le contraire de ça. |
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Une actrice qui veut
continuer à vivre au cinéma, à grandir au cinéma,
il faut bien qu'elle apprenne à apprivoiser ses craintes, ses
appréhensions... Les photos des journaux, les films qui passent
à la télévision dans le désordre vous
ramènent sans arrêt à des images du passé.
C'est un éclairage qui n'est pas tendre, qui peut être
brutal, cruel même... Il faut apprendre à faire avec,
voire à s'en moquer, mais ce n'est pas toujours facile. |
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Il m'est arrivé de me dire : "Je
ne vieillirai pas bien dans ce métier. Ce n'est pas possible,
je ne suis pas faite pour ça. Je ne peux pas, je souffre trop
pour des choses apparemment inutiles
" |
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Ca me touche beaucoup quand j'entends Isabelle
Adjani dire qu'elle est sure qu'elle ne fera pas du cinéma
très longtemps après trente ans, qu'elle ne supportera
pas tout ça encore très longtemps
Je comprends
ça très bien, cette crainte, cette impression qu'on
ne supportera plus certaines choses
J'espère que mon
envie de tourner et surtout le plaisir que j'ai à être
mêlée à l'aventure d'un film, plus d'ailleurs
qu'à seulement l'interpréter, j'espère que cette
envie-là sera toujours plus forte
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Il y a un exemple, terrible
et fascinant pour moi, c'est celui de Louise Brooks. Elle a renoncé
à tout au sommet, sans concession, avec une austérité
qui me hante, quelque chose de monacal. |
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Le métier d'actrice
est un métier assez solitaire au fond, car même si l'on
rencontre beaucoup de gens, il y a des expériences qu'on ne
peut pas vraiment partager. Sauf peut-être avec des actrices.
Mais c'est très difficile, non pas, comme on pourrait le croire,
pour des raisons de rivalité, mais pour des raisons d'indisponibilité.
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J'aime les acteurs. Et
pourtant je considère que se lancer aujourd'hui dans ce métier
est une folie. C'est être abandonné à son sort
six mois de l'année. S'il ne travaille pas, un acteur n'existe
pas. Il vit dans l'angoisse de l'attente. Je reste épatée
par la détermination et la maturité des jeunes qui écrivent
des scénarios, qui luttent pour faire aboutir leurs projets.
Entre l'époque de mes débuts et maintenant, les choses
ont infiniment évolué. |
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Dans notre métier,
les projets se font ou ne se font pas. On passe très vite de
l'euphorie à l'angoisse. |
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Il y a des jours que
l'on appréhende plus, des jours où on se sent moins
en forme. Ce sont des métiers fragiles qui demandent beaucoup
de disponibilité. On est extrêmement entouré,
protégé et ensuite totalement abandonné. Dès
qu'on ne tourne plus, en tant qu'acteur on n'existe plus. Cela peut
être très déstabilisant. |
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Le seul danger pour une
actrice, c'est de ne pas prendre de risques, justement. De s'installer
dans un ronron, dans une convention. D'être à chaque
fois là où tout le monde l'attend. En tant que comédienne,
je veux surprendre, tenter des aventures inédites. |
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On a tous ses démons,
spécialement dans nos professions qui sont un peu narcissiques.
On a tendance à vivre intensément avec nos émotions,
notre sensibilité, on travaille avec ou contre... C'est une
relation très ambiguë. |
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J'ai des amis psychanalystes, et puis je me suis
instruite de la psychanalyse qui m'intéresse comme toute technique
qui vise à alléger la souffrance. De plus, un acteur,
par refus ou par acceptation, croise forcement la psychanalyse. Par
sa propension naturelle au narcissisme et à l'introspection,
mais aussi par une réceptivité très ouverte,
une sorte d'instinct au monde et aux gens. |
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On a tort de croire que le cinéma
est une affaire d'ego. C'est plutôt une école de patience
et de modestie - on attend des heures pour quelques minutes de tournage,
il faut se plier à la technique, faire confiance à toute
une équipe. |
Catherine Deneuve, Paris Match
2002
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Ca ne m'emballait pas du tout de voir
mes deux enfants devenir acteurs, c'est très difficile pour
les enfants d'acteurs de réussir dans cette profession et d'y
être heureux. |
Catherine Deneuve, citée
dans L'Est Républicain 2002
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Les
comédiens ne jouent pas pour l'argent mais parce qu'ils aiment
ça. Quand, toute jeune, j'ai quitté ma famille pour
devenir actrice, je ne pensais pas à l'argent. J'étais
contente, c'est tout. Ça n'a pas changé. |
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